Hugolin a écrit :
Aspasie mineure a écrit :
Le débat sur une langue originelle me parait assez fumeux, et pardonnez-moi, mais il suffit d'avoir des notions de linguistiques pour s'en rendre compte.
Nous pardonnons cette entrée en matière très engageante en matière de débat ouvert. Apparamment, nous allons apprendre la vérité unique.
J'admets m'être laissée emportée sur ce coup-ci.
Simplement, dans les affirmations précédentes, il est fait allusion à une langue dont descendrait toutes les langues actuelles, et aucun autre élément n'est fourni pour étayer le moins du monde cette hypothèse qui me parait douteuse.
Hugolin a écrit :
Aspasie mineure a écrit :
Je trouve assez malhonnête intellectuellement de déprécier une science, la linguistique (car quoiqu'on en dise, elle est véritablement une science du langage et de la structure des langues), sans étayer le propos par des arguments plus circonstanciés.
Personne ne déprécie la linguistique, en tout cas pas l'auteur de ces lignes.
C'est exact. Mais ici, je n'en dirais pas tant, et j'avue avoir été passablement agacée :
Citer :
A noter que la linguistique est entaché de tabous et de préjugés (crainte de parler de langue et donc de "races" supérieures, etc.). C'est - actuellement - tout sauf une science.
Hugolin a écrit :
Mais il n'y a pas de science totalement neutre, et la linguistique, science humaine (et donc non exacte), est pratiquée par des acteurs eux-mêmes soumis à des environnements, des taboux sociaux, etc, qui affectent les résultats. Il est par exemple avéré que le fait que les linguistes allemands (et non français ou italiens) se soient le plus intéressé à l'indo-européen (appelé en allemand "indo-germanisch") n'est pas étranger au fait que cela permettait de "relever" la langue allemande en la remettant sur un pied d'égalité avec le latin ou le grec.
Nous sommes d'accord, mais je ne vois pas en quoi cela peut jeter le discrédit sur la linguistique, qui n'a pas plus de défauts que les autres sciences humaines.
Hugolin a écrit :
Aspasie mineure a écrit :
Ne vous en déplaise, cher Hugolin, les langues indo-européennes, dont le grec fait partie, n'ont rien à voir avec les langues sémitiques, et les langues sémitiques n'avaient rien à voir non plus avec le sumérien, .
Affirmation péremptoire et un rien dédaigneuse. Donc : pas de débat ?
Ici, je maintiens. A moins qu'on ne m'apporte la preuve que j'ai tort, ce qui est toujours possible.
Je m'appuie sur ce qu'en dit Jean Bottéro, dans ses articles sur l'assyriologie, le déchiffrement des écritures cunéiforme et l'identification de plusieurs langues. Ils sont rassemblés dans un bouquin de poche "
Mésopotamie, l'écriture, la raison et les dieux".
Pour la différence entre les langues sémitiques et la langue sumérienne, elle a été déduite à partir de l'écriture : l'écriture dite cunéiforme a d'abord noté des choses, il s'agissait d'idéogrammes, et a d'abord été employée par des sumériens. Or, il se trouve que les akkadiens, des sémites qui vivaient dans la même région, en Mésopotamie, ont emprunté ce système d'écriture, mais en l'adaptant à leur langue : au lieu de noter les choses, comme beaucoup de mots sumériens étaient monosyllabiques, à ce qu'on pense, les idéogrammes ont servi à retranscrire phonétiquement des syllabes. Ce qui permet, au passage, de reconstiruer la langue sumérienne. Les deux systèmes ont cohéxisté pendant des siècles, et l'écriture elle-même a servi pour plusieurs autres langues de la région, même une langue qui fait partie du groupe indo-européen comme le hittite.
La conclusion qui s'est imposée aux assyriologues, c'est que sumérien et langues sémites étaient aussi éloignées l'une de l'autre que le chinois l'est du français (et là, je ne parle pas de la façon dont on l'écrit).
On trouve tout ce développement, meilleur que le mien, chez Bottéro, avec les références bibliographiques pour approfondir le sujet.
Citer :
Aspasie mineure a écrit :
Sur quoi reposent ces différences ? Pas simplement une différence de vocabulaire, mais une différence de conception dans la structure grammaticale, et autant qu'on puisse en juger, dans la retranscription en écriture. C'est-à-dire qu'il y a une différence de pensée.
Le lien entre "conception grammaticale", "pensée" et "retranscription en écriture" demanderait à être expliquée, c'est le moindre qu'on puisse dire. Une même langue a souvent changé d'écriture tout en restant elle-même, la grammaire évolue avec le temps dans le sens de la simplification sans forcément être liée à la "pensée", et le sens de ce dernier mot mériterait d'être précisé.
L'évolution ne se fait pas nécessairement dans le sens d'une simplification. Témoin la langue française, qui s'est dotée de règles grammaticales et syntaxiques qu'elle n'avait pas au Moyen Age, parce qu'elle s'adaptait à l'évolution phonétique du bas latin, mêlé aux langues germaniques et celtes, selon les régions de l'actuel territoire français. Elle est allée dans le sens d'une unification, volontaire, mais pas d'une simplification.
Hugolin a écrit :
Une langue est définie par une phonétique, une syntaxe et un vocubulaire (en ordre d'importance décroissante). Les trois changent avec le temps, parfois au point de ne plus les reconnaître. L'étude du vieil anglais ne laisse ainsi aucun doute sur le fait qu'il s'agit d'une langue indo-européenne, pourtant PRESQUE RIEN ne permettrait de le deviner aujourd'hui sur la base de sa phonétique et de sa syntaxe (surtout cette dernière, réduite à presque plus rien) (et je ne parle pas de son vocabulaire, aux 2/3 importés, certes du français, par coïncidence aussi indo-européen mais par à un autre canal).
S'il n'est pratiquement plus possible de voir aujourd'hui les traces indo-européennes de l'anglais, pourquoi écarter du revers de la main d'autres rapprochements hypothétiques pour des langues encore mal étudiées ?
En linguistique, un radical, ou une racine, au choix, laissent des traces phonétiques qui ne sont pas "presque rien" puisqu'elles répondent à des règles d'évolution phonétique qui sont constantes dans un même groupe linguistique. On sait les repèrer assez facilement.
Hugolin a écrit :
La "plus ancienne écriture connue" n'est pas "la plus ancienne langue reconstituée", ce sont deux choses différentes. L'indo-européen n'a jamais été écrit mais il a été reconstitué avec une très haute fiabilité alors qu'il est 1000 à 3000 ans (selon les auteurs) plus ancien que le sanscrit (lui écrit).
L'indo-européen n'est pas une langue qui a été reconstituée. C'est un groupe linguistique identifié par des similitudes syntaxiques et phonétiques, et qui comprend plusieurs langues.
Hugolin a écrit :
Au stade de nos connaissances encore très limitées, il n'y a acune logique à exclure que l'étude comparée de langues très anciennes d'origine diverses ne permettent à son tour de reconstituer, de façon certes hypothétique et approximative, une langue commune ancore plus ancienne (disons parlée il y a 10000 ou 15000 ans, les 100'000 ans se référaient à l'apparition biologique de l'homo sapiens sapiens).
L'affirmation péremptoire de l'inverse est une illustration exemplaire - et extrême - de ces attitudes non scientifiques que je dénonçais et qui entravent la recherche linguistique.
Pour cela, il faut admettre l'existence d'un groupe unique d'êtres humains, en un seul lieu, suffisamment concentré pour que la thèse d'une langue unique tienne la route (puisque qu'une trop grande dispersion laisserait déjà soupçonner des langues différentes), à un instant T, quand tous les autres auraient disparu. Ensuite, il faudrait expliquer comment d'une langue unique on peut arriver à la fois au chinois et à l'hébreu, par exemple, dont les racines communes restent à démontrer.
Hugolin a écrit :
L'autre théorie serait que, de façon indépendante, divers groupes d'homo sapiens sapiens dispersés soient arrivés à la même envie, à peu près au même moment, de "créer" des langues, dans quel cas cette convergence serait un hasard. Pour moi, plus difficile à croire.
Pourquoi cette hypothèse-ci serait-elle plus difficile à admettre que celle d'une langue unique ?
Si l'homo sapiens avait la capacité physique de créer un langage complexe, puis des langues, comme l'a rappelé Skipp un peu plus haut, je vois mal ce qui aurait pu l'empêcher de les créer, quelque soit le lieu ou le moment de vie. Et quelle que soit la dispersion des groupes humains.