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Or, une bonne part des lieux communs qui circulent sur la préhistoire, nos ancêtres (mais même des ancêtres plus proches) proviennent souvent de tels glissements qui sont devenus des certitudes gravés dans le marbre. Or, parfois, de nouvelles découvertes ont mis à bas d'anciennes certitudes sans que celles-ci ne soient modifiées dans l'imaginaire collectif. C'est ce qui explique que l'image des "hommes des cavernes" telle que la voient la majorité de nos contemporains ne colle pas du tout avec la réalité perçue par les divers spécialistes de la période
Je pense surtout que la plupart de ces lieux communs ont la vie dure parce qu'ils ont été élaborés il y a plus de cent ans, et qu'ils sont simples. En caricaturant à peine, on prend un singe, on lui colle une sagaie dans la main, deux silex pour faire du feu, et on lui tond un peu la figure selon qu'on veut représenter un Erectus, un Neanderthal ou un Cromagnon. Cette vision a perduré des décennies avant que l'archéologie moderne ne la remette en cause, aussi demeure-t-elle ancrée.
Elle fait de l'homme préhistorique une sorte d'intermédiaire entre nous-mêmes et l'animal.
Quant à la surmédiatisation des hypothèses spectaculaires et la sous-médiatisation des contre-hypothèses, des précautions et de la prudence des chercheurs, c'est une affaire de comm. Le public (nous inclus) a envie de
savoir. Qu'il reste des doutes, ou pire, que des connaissances soient irrémédiablement perdues, est très désagréable à entendre. Ne pas savoir réellement décrypter le sens de l'art pariétal est très frustrant, pour tout le monde, aussi les hypothèses qui se donnent des airs de rapport définitif sur la question sont-elles bien accueillies.
Et pour les bousculer, il faut émettre sa propre hypothèse avec le même aplomb, sinon, on ne fera pas la une et le public restera sur son idée première...
Or, depuis un siècle, l'archéologie a appris la prudence et la nuance, et son propre discours est moins empreint de certitudes. C'est à son honneur, mais cela rend plus difficile le combat contre les lieux communs... puisque ceux-ci ont été proclamés avec tambours et trompettes et qu'à la place, on ne propose souvent qu'un éventail de possibilités incertaines.