JARDIN DAVID a écrit :
Pierma a écrit :
je ne mets pas en cause l'honnêteté d'Alain Michel, dont la thèse me semble assez vraisemblable : en faisant assassiner les Juifs étrangers, tandis qu'il s'est efforcé, au moins jusqu'à la mi-43, de protéger les juifs français,
Ce n'est pas la thèse d'A MICHEL ! Au contraire, il s'efforce de montrer que Vichy a mené sa propre politique antisémite, hexagonale et différente de la nazie. Et en contrecoup, il s'est avéré (sans volonté en ce sens) qu'elle s'est révélée statistiquement moins mortifère.
Là il y a ambiguïté entre "sa thèse" et "son propos". Notez que ce que j'ai cité est ce qui a obtenu le plus d'écho médiatique : l'affirmation de l'impact de la politique de Vichy sur le nombre de déportés.
Alain Michel s'intéresse à la perception des Juifs (étrangers et Français) par Vichy, à ses motivations et aux modalités de son action, mais il me semble que le fait de sacrifier les Juifs étrangers aux exigences nazies - sans états d'âme, donc - tandis qu'ils opposent un refus aux mêmes demandes concernant les Juifs français constitue LE point clé.
J'ai même la faiblesse de penser que c'est ce point précis, et ses conséquences, qui ont amené Alain Michel à s'intéresser aux particularités antisémites de Vichy. (Quand vous me dites en somme "au contraire, c'est l"antisémitisme de Vichy qui l'intéressait, et il se trouve qu'il a pu ainsi affirmer au passage un décompte bénéfique", excusez-moi, mais vous lui prêtez une tournure d'esprit déroutante, et même assez peu préoccupée du bilan humain, comme si ce décompte n'était pas le fait le plus frappant. Ce n'est pas ce qu'il dit dans ses interviews, qui très logiquement se focalisent sur l'aspect numérique. Il est vrai que les questions vont dans ce sens, mais quel historien, abordant pareil sujet, n'aurait pas eu ce point en tête ? Bon, après il restait à regarder et à expliquer, évidemment, c'est son métier.)
Je trouve également discutable de faire apparaître comme un hasard idéologique le fait que ce choix fut moins mortifère que s'ils avaient joyeusement livré les Juifs français. A Vichy aussi on savait compter. Ne me dites pas que Bousquet n'a jamais additionné 2+2 ! (80 000 Juifs étrangers que personne ne réclamerait contre 270 000 Juifs français, il n'aurait jamais posé ce calcul ?)
Plutôt que d'interpréter cela comme un antisémitisme particulier je dirais que Vichy ajoute une composante raciste supplémentaire, qui enlève toute valeur à ceux qu'ils livrent, non parce qu'ils sont juifs, mais parce que de plus ils sont étrangers.
Pour le reste cet antisémitisme est le même que "partout ailleurs", si ce n'est tout de même que le peuple français ne suivra pas, ce qui devrait éviter de le qualifier d'hexagonal : il est le fait des têtes pensantes de Vichy, de même que le manuscrit du statut des Juifs fait apparaître la main - j'allais écrire "propre" - de Pétain.
Bien sûr, aucun comparaison (et cela est vrai pour tous pays) n'est possible avec l'antisémitisme nazi, qui est un cauchemar idéologique, un des symptômes que le nazisme fut "autre chose", sans lien identifiable avec les 15 siècles passés de culture judéo-chrétienne en Europe. (Même un tortionnaire de l'inquisition n'aurait pas imaginé de dénier à sa victime le statut d'être humain et de le considérer comme un animal. Au contraire, il souhaitait le convertir.) Si Vichy n'avait pas les mains propres, Wladimir Volkoff, à qui j'emprunte le mot, aurait parlé de "la griffe" qu'on pouvait trouver au bas des décrets nazis. (celle du "prince de ce monde".)
(je suis un peu long ici, alors qu'il y a un fil ouvert sur ce sujet.)
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Pierma a écrit :
mais acheter un ouvrage pour passer 6 ou 8 heures en compagnie de Pierre Pucheu est au dessus de mes forces.)
ça peut se comprendre ... mais G ANTONOWICZ saurait vous faire lire son texte. Idem pour son ISORNI qui sont pour moi de très beaux textes, non pas des plaidoyers mais des études à charge et à décharge. Encore faut-il se décider à entamer cette lecture, j'en conviens.
Isorni m'est sympathique : il n'a pas de sang sur les mains et a fait preuve d'un talent d'avocat exceptionnel. (Sans y consacrer mes économies, je lirais cela sans réticence s'il me tombait entre les mains.)
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Pierma a écrit :
Tout cela est évidemment intéressant, et je ne vois pas quel historien y trouverait à redire. Mais pourquoi faut-il que le credo de HSCO mentionne la lutte contre le "politiquement correct", "l'histoire officielle" et ouvre une croisade pour "une histoire sans tabou" ?
Quelle version de HSCO faut-il retenir ?
Pour prolonger votre remarque (oubliée ci-dessus), retenons que ZEMMOUR n'a aucune place dans cette démarche. Je passe sur ses idées, sur ses objectifs et je retiens que sa méthode n'est pas la nôtre. L'idée même de réhabilitation me semble douteuse, ce n'est pas du tout historique.
Précisions :
Scientifique = démonstration sourcée dont le lecteur peut reproduire le processus. Comme pour une expérience de labo. En principe le résultat est reproductible.
Critique = s'adresse aussi bien aux documents qu'aux témoins.
Rien de révolutionnaire me répondrez-vous. Après, on peut formuler de telle ou telle manière ... N'étant pas le rédacteur de tout l'historique du site, je vous engage à (re)lire le texte de JM BERLIERE concernant les limites du témoignage.
"Tabous" et "histoire officielle" sont malheureusement toujours d'actualité dans certaines régions et pour certains dossiers. On pourrait y revenir. Je pense par exemple à la difficile écriture de l'histoire de l'épuration en Limousin, à certains aspects de la collaboration (terme à revoir !) en Alsace, au bilan réel des "batailles" de la résistance (Ex : St Marcel en Bretagne avec plus de 400 Allemands tués d'après le monument aux morts, ... beaucoup moins d'après les cimetières). Les témoins hypermédaillés et survivants n'ont pas toujours accepté le regard des historiens. J'en sais quelque chose à titre personnel avec le mythe de mon proche parent René RICATTE alias lieutenant FFI Jean-Serge. Authentique patriote, résistant qui a pris des risques et sauveur de ses hommes le 4 septembre 1944, mais historien vantard puis franchement malhonnête et rancunier. A ma propre surprise (j'en ai des preuves), mais le propre de l'historien n'est pas de chercher à valider ses a priori mais d'exposer les résultats de ses recherches. Et de ses doutes !
Pas toujours facile de travailler de façon apaisée sur ces sujets,
mais je vous confirme que la disparition des témoins va plutôt dans le bon sens.
JD
J'aurais spontanément pensé le contraire. Il y a un côté "les témoins sont morts, on va enfin pouvoir faire de l'histoire" assez paradoxal, mais les exemples que vous citez sont assez parlants concernant une certaine fossilisation de la mémoire des "porte-drapeaux".
Reste que les témoignages des "petites mains", et les milliers de documents qui dorment encore dans des archives personnelles ne sont pas sans intérêt. Pour ce qui est de la déformation des souvenirs, et de la faiblesse des témoignages humains, personne ne les soulignera avec plus de force que Gilles Perrault dans "La longue traque", enquête menée à la fin des années 60, où il ne signale guère que les plus grosses erreurs qu'il a pu débusquer, tant il en a relevées. (le sujet s'y prêtait, s'agissant de savoir si tel chef de réseau, officiellement suicidé mais suspect d'avoir survécu discrètement, avait oui ou non trahi les siens.) Mais c'était le lot de tout historien comme de tout enquêteur de police, et il est dommage que les archives qui s'ouvrent aujourd'hui ne puissent plus être croisées avec des témoignages : cela aussi comporte un risque.
Un détail : je sais bien que la démarche de Zemmour n'est pas la vôtre, mais je maintiens qu'il y a un risque de confusion, pour la façon dont sera reçu le message, à utiliser un vocabulaire aussi connoté. (Je vous avoue qu'en première lecture j'ai sursauté de bonne foi : le rédacteur a eu la main lourde !)