Je cite wikipedia :
Le résultat le plus important de la bataille de Bir Hakeim, c’est le ralentissement de l’offensive allemande, grâce à la résistance de la garnison de Bir Hakeim, qui a bloqué pendant quatorze jours une part importante des blindés de Rommel sur la route du canal de Suez. Ce retard, qui permet à la 8e armée britannique de s'échapper vers El-Alamein et de s’y fortifier, a constitué un succès stratégique décisif.Ce « succès stratégique décisif » aurait sans doute été impossible sans le travail du "génie".
Les opérations de la seconde guerre mondiale voient s’accroître sensiblement le rôle du génie à tel point que sur certains théâtres d’opérations, tel celui du Pacifique, les éléments génie atteignent une moyenne de 12 à 15 % des forces, allant parfois jusqu’à 20 %. À
Bir Hakeim, où le volume de la BFL est estimé à 3 700 hommes, les effectifs du génie que commande le capitaine Gravier sont, selon le chiffre fourni par ce dernier, de 124 hommes, représentant 3,3 % des effectifs totaux.
Cadeau, Ivan. « Une nouvelle fois oubliée ? L’action du génie à Bir Hakeim. La sous-représentation des armes d’appui et de soutien dans la littérature militaire »,
Revue Historique des Armées, vol. 307, no. 4, 2022, pp. 9-18.
Citer :
[...] l’image du sapeur renvoie davantage à celle d’un travailleur que d’un soldat, un statut ne requérant, là aussi a priori, pas de grandes capacités intellectuelles. Le succès populaire des Facéties du sapeur Camember à la fin du XIXe siècle contribue sans doute à nourrir cette représentation auprès de l’opinion. La première guerre mondiale marque une rupture certaine et le génie, par la diversité des missions qu’il est mené à assurer, est désormais perçu comme une arme combattante au même titre que les autres. Organisées en bataillons, ses unités ne sont cependant la plupart du temps employées en opération qu’au sein de « détachements du génie » de taille variable, et dont les archives ne font pas toujours apparaître la compagnie ou le bataillon de rattachement. Cette dilution/absorption a pour effet une disparition certaine de l’arme dans l’écriture ultérieure de l’histoire.
Pendant des décennies, celle de la bataille de Bir Hakeim n’échappe pas à ce travers et l’historiographie relative aux combats épouse la construction mémorielle de l’événement construit principalement autour de l’action de l’infanterie. Le récit national qui se « fige » après la bataille fait ainsi la part belle à quelques figures d’officiers (général Koenig, lieutenant-colonel Amilakvari, lieutenant-colonel Broche, etc.) et met en avant une poignée d’unités, dans la veine classique de l’histoire-bataille. Dans le cas de Bir Hakeim, la place réservée à la Légion étrangère et, à un moindre titre, à celle des « coloniaux » du Bataillon du Pacifique apparaît ainsi prépondérante. Cette surreprésentation des troupes de mêlée (infanterie, cavalerie) dans ce genre littéraire relègue habituellement au second plan les autres armes (artillerie, génie, train, etc.) et services, quand ceux-ci ne sont pas simplement oubliés. Ce déséquilibre, qui peut trouver une certaine justification dans la mesure où ce sont ces armes de mêlée qui paient généralement le plus lourd tribut au combat et qui sont à l’origine des faits d’armes les plus mémorables, nuit pourtant à la compréhension de l’histoire militaire « globale », en la réduisant à quelques acteurs et entités.
Le cas particulier de Bir Hakeim aurait dû conduire, pourtant, à un traitement autre de l’écriture de la bataille faisant davantage apparaître le rôle du génie. La physionomie de l’affrontement et les buts assignés à la 1re brigade française libre (1re BFL) — retarder l’adversaire une dizaine de jours sur un terrain valorisé par le génie —, l’y invitaient. Bataille essentiellement défensive visant à conserver l’intégrité d’un camp retranché dont l’organisation était le fait d’un sapeur polytechnicien, raconter justement Bir Hakeim aurait dû conduire nécessairement à de plus longs développements sur l’action de l’arme. Or, si mention est bien faite des dizaines de milliers de mines posées par les sapeurs-mineurs, mines qui forment l’ossature de la défense du camp retranché, la relation entre celles-ci et le génie ne semble pas toujours établie avec clarté dans les ouvrages. Il faut attendre les années 2000 et leur mise en ligne sur internet [3] pour bénéficier de quelques études visant à rendre hommage aux sapeurs pour disposer de données plus précises sur le sujet. Certes marqués par un aspect pro domo, ces travaux restent les seuls à véritablement sortir l’action du génie de l’anonymat dans lequel il est tombé.
[...]
Il revient à André Gravier, polytechnicien, d’avoir conçu le camp retranché de Bir Hakeim. Celui-ci se présente « sensiblement [comme] un triangle curviligne de 4 km de côté, appuyé sur trois points forts à consolider : au nord, les Mamelles, au sud, le fortin et, à l’est, un très discret mouvement de terrain. Une “porte” sous contrôle est implantée à proximité de chaque point fort. Gravier a pensé son dispositif en s’inspirant de la fortification bastionnée à la Vauban — ce qui apparaît clairement sur les photographies aériennes. Situé en plein désert de Cyrénaïque, « le champ de bataille se caractérise par l’absence totale d’obstacles naturels et de couverts » aussi, en lieu et place de maçonnerie, ce sont les mines antichars (AC) qui vont constituer le principal obstacle aux attaques des chars italiens, puis allemands. À leur arrivée sur la position, à la mi-février 1942, les sapeurs français prennent possession d’un champ de mines établi par les Britanniques et totalisant 11 900 engins. Ce dernier est amélioré et de nouveaux champs sont créés, épousant les plans élaborés par le capitaine Gravier. Ces champs de mines sont complétés par un marais de mines, qui fait l’originalité de Bir Hakeim, et qui en comporte plus de 60 000. S’étalant loin en profondeur — jusqu’à trois kilomètres de Bir Hakeim, ce marais, moins densément miné que les champs de mines, a pour but principal de dissocier les éventuelles attaques et de canaliser les assaillants sur des positions antichars mises en place à l’avance. Au niveau des « portes », certains champs sont doublés et des bouchons de fil de fer barbelé ont été installés en certains endroits. Au total, les sapeurs français et britanniques auront réalisé la pose de 140 000 mines AC et de 2 000 mines antipersonnel (AP). Considérant que la ligne Gazala a nécessité un demi-million de mines, Bir Hakeim en a dépensé le tiers, chiffre qui témoigne de l’importance de la position, en couverture du flanc sud de la 8e armée britannique.