Marrant cette planche. Et pas toute jeune, parce que l'arc en mitre est encore appelé arc brisé, et l'arc en anse de panier "arc déprimé". Quand même pas Viollet le Duc ?
Pour répondre à la question, tout d'abord, il est extrêmement caricatural de voir les arcs comme des éléments isolés. Ce sont des parties d'architectures, qui ont une fonction bien précise et sont utilisé à des fins particulières. De plus, l'arc est un élément de base en architecture, utilisé dans des contextes nombreux et divers.
L'apparition de certains arcs, comme l'arc brisé au milieu du XIe (ou un peu avant) marque des évolutions dans la conception de l'architecture. A ce titre, il peut marquer une évolution historique, comme le passage à un art "gothique" ; ceci dit, ce n'est pas l'arc qui fait l'art "gothique", mais les conceptions nouvelles du temps, et notamment celles de Suger sur la lumière, qui entraînent des nouveautés de conception, et éventuellement de nouvelles formes (l'arc brisé, le voûtement d'ogives pour le "gothique" par exemple). Il faut cependant bien comprendre que ce n'est pas la forme d'un arc qui détermine un courant ou un style en architecture, mais la pensée, le contexte qui sous-tendent l'oeuvre. La notion même de courant (roman, gothique) etc. est un cadre parfois pratique, mais toujours réducteur.
Les formes nouvelles se répandent en général rapidement, par la diffusion de modèles dessinés (témoin les carnets de Villard de Honnecourt, qui sont passés par les mains de plusieurs architectes) et les voyages des architectes. Ainsi, il n'est pas possible de déterminer d'après la seule forme d' arcs, l'influence exacte d'un architecte, d'autant que de nombreux édifices ne sont pas conservés, et que l'utilisation d'un type d'arc en architecture relève autant des modes du temps que des moyens et désirs du commanditaire (on ne construira pas notre-dame pour un abbaye de campagne), de positions idéologiques (différences entre l'architecture cistercienne et bénédictine au XIIe s.), de connaissances techniques de l'architecte, des commanditaires et des ouvriers, des matériaux disponibles (pierre, bois pour les échafaudages, par exemple), etc. De plus, l'utilisation des arcs est très répandue dans tout le monde méditerranéen dès l'antiquité au moins romaine ; tellement répandue que l'usage même de l'arc n'est en rien un indicateur. La forme peut parfois donner des idées : par exemple, l'arc outrepassé est plutôt espagnol ; il dérive des architectures wisigothiques, passe dans l'architecture des Umayyades d'Espagne, puis reste utilisé en al-Andalus et au Maghreb. Sa présence est rare dans le monde occidental, aussi quand on en trouve (linteau de Saint-Genis des Fontaines, v. 1000), ça peut éventuellement indiquer une influence islamique - et encore pas toujours. Mais pour l'arc en plein cintre, ça ne voudrait strictement rien dire. Des innovations (des oublis aussi) peuvent avoir lieu simultanément dans plusieurs endroits (on trouve en même temps des arcs outrepassés en Espagne et en Inde qui n'ont rien à voir). Tout est affaire de contexte.
Enfin, se souvenir aussi que la forme ne fait pas tout, mais qu'un arc, comme n'importe quel élément artistique ou architectural, est décoré, inclus dans un tout, composé de matériaux particuliers (remplois dans les colonnes et dans les chapiteaux ou au contraire édification de piliers...), etc.
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