Le Grand Palais consacre en ce moment une exposition à Felix Vallotton (exposition qui passera ensuite au Van Gogh Museum d'Amsterdam et au Mitsubishi Museum de Tokyo).
Peintre au tournant du XXe siècle, rattaché au groupe des Nabis (comme Sérusier, Maurice Denis ou Pierre Bonnard), Félix Vallotton (1865-1925) propose une oeuvre originale et diverse, qu'on peut grosso-modo diviser en trois périodes : une jeunesse revendicatrice et engagée (Vallotton publie des gravure dans l'Assiette au beurre, par exemple), proche de la modernité ; puis un travail un peu plus classicisant à partir de 1899 et de son mariage à Gabrielle Rodrigues-Henrique ; enfin, après la guerre, une œuvre complètement déconnectée de son temps, ignorant les avant gardes et virant à l'hyper-réalisme.
Vallotton propose très souvent des cadrages ou des point de vue originaux, comme dans
Le Ballon (1899, Musée d'Orsay), ou encore dans
La Blanche et la Noire, 1913, une sorte de relecture de l'
Olympia de Manet (1863)
On retrouve d'ailleurs beaucoup d'éléments de Manet chez Vallotton : l'usage du cerne noir, qui accentue le contraste entre les différents éléments de ses tableaux, la ligne un peu simplifiée, l'usage de l'aplat. Son goût de la ligne se place dans la tradition ingresque ; il semble d'ailleurs rendre hommage à ce peintre, en peignant
Le bain turc (1907, musée d'art et d'histoire de Genève), on un
Portrait de Gertrude Stein (1907, musée de Baltimore) qui semble faire pendant à
Monsieur Bertin (1832). Vallotton présente en général des compositions assez simples, mais très efficaces, souvent construites autour de formes géométriques ou de lignes stylisées.
(
Paysage du Jura, 1900, musée de Francfort).
Ses estampes, notamment, jouent sur les effets de contraste et de composition. On peut y voir un effet de la mode japonisante : les nabis sont globalement friands d'estampes japonaises. Il faut dire que Vallotton employait la xylogravure (qui revient à la mode, en cette période), qui ne permet pas, comme la chalcogravure, des nuances de gris, et accentue donc les oppositions.
(
Le violon)
Toutefois, il lui arrive toutefois de charger et de complexifier ses scènes d'intérieur.
(
Femmes à leur toilette, 1897, Musée d'Orsay)
Vallotton peint plusieurs genres : le portrait, le paysage, la nature morte, le nu féminin... Felix Vallotton semble quelque peu obsédé par les personnages féminins, qui apparaissent souvent, dans ses oeuvres, comme dominateursz, dangereux, étouffant l'Homme. La scène mythologique ou biblique lui permet, après 1899, de dépasser les conventions de la peinture bourgeoise, en en reprenant les thèmes, mais en les agrémentant de son propre regard et de ses propres fantasmes. Ses personnages sont alors grotesques, expressifs. Ainsi, dans
La Haine réinterprète-t-il, à sa manière, le mythe d'Adam et Eve.
(
La Haine, 1908, Musée d'art et d'histoire de Genève)
Mais au contraire de ses nus et de son érotisme parfois dérangeant, Vallotton, lorsqu'il évoque la guerre de 14-18, qui l'a profondément marqué, vire presque à l'abstraction. Pas d'homme dans ces représentation : de grands cônes de lumières, qui s'entrechoquent dans des compositions bancales.
(
Verdun, nuées de gaz, 1917, Musée de l'Armée)
Vallotton, contemporain de Cézanne, quoique de trente ans plus jeune, peut lui aussi être vu comme un préfigurateur des fauves, et en particulier de Matisse, dont la
Musique[/] ou la première version de la [Danse, dans la première décennie du XXe siècle, rappelle fortement une toile comme les
Femmes au bain de 1896 (collection particulière). Matisse lui emprunte la ligne noire, le goût de l'aplat et des contrastes colorés, la simplicité (ou la fausse simplicité) des compositions.
Plus d'informations sur l'exposition ici :
http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/ ... s-la-glacePlus de reproductions
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