Châtillon a écrit :
La question est est-ce que ça choquait ?
Atlantéen a écrit :
A mon avis non: sinon les peintres qui les peignaient ne seraient pas devenus riches, connus et en vue comme l'étaient beaucoup d'entre eux.
En fait, un très petit nombre d’artistes pouvaient se permettre, grâce à leur réputation, de résister aux pressions et d’imposer leur nus ; pour les autres, c’était une sorte d’auto-censure qui prévalait. Et encore, même les plus renommés ne sont pas intouchables, par exemple Michel-Ange pour le plafond, puis plus tard, pour le Jugement Dernier de la Chapelle Sixtine.
Ainsi, l'Arétin, tout en reconnaissant que
"Le monde a plusieurs rois et un seul Michel-Ange", lui écrivait cependant que
"Qui est tant soit peu chrétien […] tient l'œuvre pour une mascarade, tant est bafouée la décence chez les martyrs et les vierges".Je relisais récemment (c’est pourquoi ce sujet m’est revenu en mémoire) quelques pages d’André Chastel à ce propos (
Les Ignudi de Michel-Ange, in Fables, formes et figures I, Champs Flammarion, p. 273-292). Il raconte le scandale provoqué d’abord par les fresques de ce plafond, puis surtout, plus tard, par le Jugement Dernier, et cite le théologien Ambrogio Catarino, qui mêle comme l’Arétin admiration et réprobation devant l’œuvre de Michel-Ange, dans ses commentaires sur les Epîtres de Saint-Paul (prononcés dans l’église San Silvestro devant l’artiste lui-même en 1551) :
"Il y a de notre temps un peintre-sculpteur extraordinaire, du nom de Michel-Ange, admirable dans la représentation de la nudité et des pudenda. Je fais l’éloge de son art, mais le condamne violemment et je le déteste. Car on voit de façon parfaitement indécente ces membres nus sur les autels et dans les sanctuaires importants du seigneur".A la fin de sa vie, Michel-Ange fut près de céder à cette pression (crise de mysticisme aidant, il est vrai) et envisagea de rhabiller ces nus, écrivant à Charles Borromée en 1561
"qu’il voulait l’arranger, se faisant un cas de conscience de laisser après lui une pareille chose".Mais ce sont les "
braghettoni", da Volterra en particulier, qui vont après sa mort s’en charger, avec parfois beaucoup de brutalité ; ainsi, la Sainte-Catherine nue du Jugement Dernier, sur laquelle le plâtre sera arraché au ciseau, avant d’être remplacé et repeint d’un peplum; et le visage de Saint-Blaise, au-dessus d’elle, détourné vers le Christ ; il faut dire que Michel-Ange les avait tous deux représentés dans une posture, qui serait disons… encore équivoque aujourd’hui, alors au XVIème siècle…
Heureusement, on dispose d’une copie du Jugement avant rhabillage, de Marcello Venusti (musée de Capodimonte, Naples) pour se faire un avant-après de ce détail de l'oeuvre :