Narduccio a écrit :
@ Gaete59, j'ai du mal à comprendre votre emportement.
J'entends tout à fait. Vous savez très bien que ce n'est pas le fait de donner une opinion mais la forme. L'auriez-vous exprimé ainsi ? J'en doute fort.
Et ceci quel que soit le "degré".
Le sujet principal est tout de même l'histoire de la littérature. Revenons à la définition du mot "littérature". D'autres intervenants ont cité des livres, personne avec cette sorte d'argument. Imaginez un post :
"... J'ai dû lire ceci lorsque j'étais encore pucelle..." .
Ceci vous pose une personne et le reste. Pour la poésie, c'est raté. Pour les oeuvres romantiques, c'est raté aussi. Pour Pascal, Montaigne etc. J'ai comme un doute...
Je peux donc avoir une opinion et me dire :
Voici un style de "plus" dans d'argumentation qui semble tenir la route
J'emploie ce style de "plus" en argumentation
Mon argumentation tient forcément la route avec ce "plus"...
Vous voyez le résultat.
Je vois que le fil s'enrichit. Et c'est du lourd. C'est chouette la littérature, ne nous étonnons pas que la jeune génération adore.
Le premier a avoir intégré le style "cru" est Louis-Ferdinand Destouches dans ses descriptions donc le XXème. Ah oui, on le connait mieux sous son pseudo : c'est Céline. Un peu nauséeux parfois.
Citer :
Vous devriez essayer de retrouver votre pureté/naïveté d'avant d'avoir été initiée à la littérature par vos professeurs.
La pureté et la naïveté ? Il faut changer de lecture. Surtout pas "Les Hauts de Hurlevent". Il faut s'être un peu débarrassée du carcan pour comprendre, justement. Cathy était tout sauf naïve et pure. Naïve oui, pour cette vaine tocade pour Edgar mais pure j'ai comme un doute. A moins que vous n'entendiez ces mots de manière biblique. Si la passion était pure et naïve, ceci se saurait.
----- @ Dédé -----
Pour être compris, ces deux livres et surtout celui d'Emily Brontë demandent à être lu en étant remis dans leur contexte. Pour les remettre dans le contexte, il faut connaître la période -de la narration-, le XIXème anglais. Maintenant, on peut lire ceci comme des romans "Arlequin" mais c'est se donner beaucoup de mal vu l'interpénétration des deux familles, la notion du temps, l'évolution des personnages etc. Il faut donc savoir ce que peut être la notion de passion, haine, culpabilité et autres... sur une vingtaine d'année et avec l'évolution des faits, de l'entourage (c'est connu que la narration est celle de Lockwood, de Joseph, d'Hélen -Nelly-). Nous avons donc déjà trois personnages de milieux très différents. Leur approche des personnages-clé sera donc très différente d'autant que Lockwood arrive à la fin. Alors oui je pense qu'il faut avoir un peu d'expérience pour comprendre cette histoire. En 1988, le livre était au programme d'anglais en terminale littéraire. En philo, je crois que l'on avait traité du désir et autres choses pures et naïves. Maintenant on peut y voir une gentille histoire d'amour dans les landes anglaises (pas même un quart du livre).
Chacun sait la place des femmes dans la société de cette époque : on passe de l'autorité du père à celle de l'époux. Mais là, il peut y avoir -de par l'ouverture d'esprit de Mr Earnshaw-, un choix (le roman se situe au XVIIIème).
Une famille dans la middle class. La seule chance pour une jeune fille : faire un beau mariage ou au pire une union dans son milieu. Heathcliff a atteint cette middle class grâce à son protecteur. Il a été élevé comme les enfants Earnshaw et il perd ce "privilège" le jour où il perd son protecteur. Le fils va le ravaler au rang du dernier des domestiques. Les enfants ont grandi mais désormais nul espoir d'union car comme le comprend Cathy dont le frère doit donner l'aval :
"... épouser Heathcliff serait me rabaisser. Si mon frère n'avait pas traité Heathcliff ainsi, tout aurait été possible..."Il y a aussi cet attachement viscéral au lieu :
"En quittant Hurlevent Cathy tourna le dos à tout ce qui avait fait son enfance...". Lorsqu'Heathcliff reviendra, , il rachètera Hurlevent à Linton Earnshaw, frère de Cathy, criblé de dettes. La fortune a changé, tout pourrait encore être possible, c'est sans compter avec la société du moment ainsi que l'exprime Edgar :
"Oui Cathy, je le recevrai car je sais qu'il est cher à votre coeur mais de grâce reprenez-vous devant la maisonnée, ne nous ridiculisez pas et songez qu'Heathcliff reste un domestique en fuite..." - Aucun espoir n'est permis. Un choix peut être fait, un choix à la "Anna Karenine" mais ceci se passe au XIXème et ce n'est que l'exaltation des sens qui d'ailleurs va se perdre dans l'ennui. Le seul but d'Heathcliff -après le décès de Cathy- est d'abattre cette maison. Il y parviendra par tractations et héritages. Etrangement, il tient sa vengeance et soudain, il abandonne : errance, recherche de rédemption ? Il n'y survivra pas. La haine fait vivre bien plus que l'amour. En perdant son but, Heathcliff perd la vie. Ceci aussi il fallait le démontrer à cette époque donc le sentir, en avoir la perception. Comment une jeune femme a pu décrire un panel de pulsions de manière aussi subtile, aussi intense, aussi transgressive. Elle décrit les sentiments tant du côté masculin que féminin. Un esprit cartésien ne peut comprendre ceci. Il comprendra le contexte, tout ce qui tient de l'analyse donc ce qui est connu, su, vu et revu. Les structures sociales seront déduites mais ceci est déjà donné dans le premier tiers du livre par Cathy :
"... Nelly, je suis Heathcliff, il est ma vie, il est mon âme. Qui peut vivre sans sa vie ? Qui peut vivre sans son âme ?". Voici aussi la grande question : jusqu'où peut-on aller par passion quelle qu'elle soit ? Et là encore au XIXème, il fallait drôlement avoir analysé la question. Un moment on a cru que Branwell (le plus doué) était l'auteur. Ceci ne se peut. Ce serait basé sur un fait divers survenu à Halifax alors qu'Emily enseignait. A noter cependant la récurrence chez les deux soeurs des profils d'homme avec les mêmes qualificatifs :
le teint brouillé (c'est pas classe pour l'époque), un mauvaise mise, taiseux, taciturne, solitaire, une violence rentrée, petit, rablé, le regard est très important, la gestuelle, tout ce qui est réprimé, la récurrence de la transgression et on ne sait plus qui est l'initiateur etc.
Cette trame sera reprise dans maints romans jamais égalés et très réducteurs. Les personnages sont grossiers, comptables et l'on peut deviner la fin. C'est ce qui fait la différence entre le normal et la passion. Qui peut dire comment va se terminer une histoire passionnelle ? La raison est hors, les pulsions ont toutes latitudes. Vous le voyez avec le personnage d'Edgar : la raison même, l'ennui bref la mort.
Appréciant le livre et l'adaptation avec Fiennes et Binoche, je n'ai pas compris la subtilité de votre second degré. Ceci dit je sais me débrouiller avec vis et écrous.