Un article paru dans le Monde du 5 février 1999:
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DEBAT ORGANISE PAR LE " CLUB DES PARLEMENTAIRES TINTINOPHILES ", 3 FEVRIER 1999
Au Parlement, Tintin est à droite de la gauche et à gauche de la droite
POTET FREDERIC
LE GÉNÉRAL de Gaulle souffla un jour à l'oreille d'André Malraux que son " seul rival international était Tintin ". La confidence est passée à la postérité, mais une grave question n'a toujours pas de réponse : le héros d'Hergé est-il de droite ou de gauche ? Mercredi 3 février, dans les sous-sols de l'Assemblée nationale, cinq députés appartenant au " Club des parlementaires tintinophiles ", présidé par Dominique Bussereau (DL, Charente-Maritime), ont relancé ce débat, profitant du soixante-dixième anniversaire du reporter du Petit Vingtième.
Les discussions, suivies avec passion par plusieurs télévisions d'Europe mais aussi d'Australie et du Canada, ont commencé par un rappel " objectif " des intrusions de Tintin sur le terrain politique. L'occasion de rappeler que le journaliste à la houpette n'a jamais aimé la guerre, qu'il n'a jamais tué personne, qu'il s'en est pris au communisme (Tintin au pays des Soviets) autant qu'au libéralisme (Tintin en Amérique), qu'il a dénoncé l'esclavage (Coke en stock), a participé à la chute d'un dictateur (Tintin chez les Picaros) et s'est attaqué au trafic de drogue (Le Lotus bleu). Premier orateur inscrit, Yann Galut (PS, Cher) a fait semblant de révéler que Jacques Chirac avait décidé d'avancer la prochaine élection présidentielle au 1er avril 1999.
" La gauche plurielle a décidé de présenter Tintin, synthèse parfaite de Lionel Jospin, Daniel Cohn-Bendit et Jean-Pierre Chevènement ", a annoncé l'élu berrichon, tout en rêvant à voix haute d'un futur gouvernement dans lequel siégeraient la Castafiore (à la culture), Chang - ami chinois d'Hergé, récemment décédé - à l'immigration, le patron de la boucherie Sanzot (au commerce, aux PME et à l'artisanat), et les Dupont(d) - " premiers hommes politiques pacsés ", selon M. Galut - à la sécurité intérieure.
Didier Quentin (RPR, Charente-Maritime) ne pouvait être en reste. " Tintin est gaulliste, et je dirais même mieux : gaullien " : mépris de l'argent et du luxe, haine " des communistes façon Soviet suprême " comme " du capitalisme façon pétrodollar ". A l'image du Général, Tintin n'incarne ni la droite ni la gauche, affirme-t-il, mais une sorte de " troisième voie ". Pour Jean-Marie Bockel (PS, Haut-Rhin), le Tintin des Picaros a tout d'un " Che Guevara de la révolution permanente ". Et de s'interroger : " Je me demande si Milou n'est pas la prolongation d'Hergé qui, lui, était de droite. Le rôle de Milou n'est-il pas de remettre Tintin dans la droite ligne à chaque fois qu'il s'égare ? "
Pour le dernier orateur, André Santini (UDF, Hauts-de- Seine), " Tintin est l'idéal type du gentleman centriste ". " A quand Tintin chez les Giscaros ? ", a-t-il demandé, sans craindre d'emboîter le pas à Georges Marchais, qui avait proposé à Hergé l'idée d'un Tintin chez les Giscaros. Pour le maire d'Issy-les-Moulineaux, ses culottes de golf et sa galanterie devant la Castafiore témoignent de son éducation " bon teint ". " Si Tintin était de gauche, il serait allé au Congo avec des sacs de riz et des cameramen ", a-t-il dit. Avant de conclure, à destination de tous les chefs politiques : " Tintin ne promet pas la lune; il y va. "