Merci à tous, je sors très enrichie de vos échanges.
Enki-Ea a écrit :
Mistigri 1er a écrit :
Ce serait intéressant de faire un sondage auprès du grand public pour déterminer qui accorde de la vérité au cadre historique de Dumas. Je pense que vous seriez surpris.
Je ne serais pas surpris étant donné que le "grand public" est abreuvé de football et d'émissions de télé imbéciles à longueur d'année. En venant sur ce forum, vous ne faites déjà plus partie de ce grand public, et l'on peut s'attendre à ce que vous fassiez un petit effort pour lire un livre d'histoire sur la période concernée et non pas tout attendre d'un appareil critique "clé-en-main" inclu dans un livre de Dumas.
Mais justement, c'est là mon point principal, je fais partie du grand public et défends son droit à une culture accessible et non stéréotypée. C'est justement parce que Dumas est panthéonisé, que c'est un auteur grand-public, qu'il faut offrir au grand-public un appareil critique. Hugo a été cité, également panthéonisé, et Voltaire, mais même s'ils sont célèbres, il ne sont pas aussi lus que Dumas (je n'ai pas de preuve, mais c'est mon impression).
Enki-Ea a écrit :
Il suffit par exemple de lire ce petit livre, quitte à sauter le premier chapitre portant sur l'économique et le social, et vous aurez une image relativement claire de la période: (Janine Guarrison, guerre civile et compromis).
Merci, je prends en compte cette recommandation, ce sera dans ma liste à lire.
Enki-Ea a écrit :
Je ne comprends pas trop la dent que vous avez contre Dumas. Transformer/romancer l'histoire est le lot de tous les auteurs de romans historiques ou dits historiques, de Walter Scott à Dan Brown.
Je n'ai pas une dent contre Dumas en particulier, c'est une question de circonstances. Il s'est trouvé que j'ai vu à la télé la "Dame de Monsoreau", que j'ai trouvé les personnages d'Henri III et Bussy interessants, que j'ai voulu approfondir, me suis retrouvée sur votre forum; et que vois-je, une distorsion affligeante de la réalité historique. Car il s'agit bien de distorsion, et non d'interprétation (car tous les historiens s'accordent à ce sujet). Je me suis donc dit que l'on prenait le grand public pour de la mdr, surtout en voyant qu'
un historien avait été conseiller pour ce film, donc je me sens flouée ... etc, etc.
Et quand je vais voir l'hommage fait à Dumas (les discours de la cérémonie au Panthéon, itou), on occulte quasiment ces distorsions. Comment le grand public peut-il s'y reconnaître ? C'est une offense méprisante qu'on lui fait ; "il doit faire l'effort" !!!, c'est un élitisme trop facile. S'il s'interesse au foot et autres émissions, c'est aussi parce qu'on ne lui rend pas accessible d'autres sujets (que je crois) plus essentiels comme l'histoire. Je ne blâme pas le grand-public, mais ceux qui conçoivent les programmes pour lui. FIN PARENTHESE, ce n'est pas le sujet de ce fil de discussion.
Enki-Ea a écrit :
Châtillon a écrit :
Je n’y crois pas trop. Personnellement, j’ai toujours eu beaucoup de difficulté à me faire une image très claire de cette épisode historique. Les images forgées par les légendes sont parfois tellement solides qu’il est difficile voir impossible de les défaire. Je pense ici à Henri de Navarre, érigé au XVIIIe siècle sur un piédestal beaucoup trop bien cimenté pour être rabaissé. Comment saisir alors les rapports ambigüs que le roi entretenait avec la religion ou encore avec sa belle-famille ? J’ai mis pas mal de temps personnellement pour les saisir. Et ce sont des ouvrages qui ne sont pas forcément accessibles au public qui me l’on permis (actes de colloques par exemple).
Les informations que les citoyens lambdas trouvent à leur portée continuent trop souvent de s’inscrire dans la légende. Les auteurs de vulgarisation existent ; mais pas forcément dans le bon sens. Même dans les ouvrages sérieux, il y a des choses à prendre et à laisser. Faute de pouvoir accéder physiquement et intellectuellement aux résultats de la recherche universitaire, je ne crois pas que le citoyen lambda ait la possibilité de faire ce travail de distillation historique.
Cher Châtillon, [...] je crois que vous exagérez l'importance de la "vision" dumasienne, qui n'est après tout qu'un romancier. [...]
Dumas n'était qu'un exemple cité; mais si vous regardez l'aura indirecte qu'il a à travers le cinéma mondial (plus de deux cents adaptations citées dans IMDB), je crois que c'est plus dommageable pour la culture de masse (considérée non péjorativement) que les ouvrages plus spécialisés ou moins renommés.
Enki-Ea a écrit :
Tout ça pour vous dire que l'historien doit combattre toutes les formes d'images ou de stéréotypes populaires, qu'ils aient pour origine la littérature, le politiquement correct [...], l'ignorance journalistique, l'idéologie, la politique... Il y a des thèmes, des événements qui ont été transformés et qui sont d'une importance autrement plus grande que les amuse-gueules de Dumas.
Je suis bien sûr complètement d'accord avec vous. Mais je parlais surtout, plus généralement, d'un principe d'honnêteté des éditeurs et des cinéastes envers leur public. Car n'importe quelle oeuvre, surtout dans notre ère multi-media, peut être galvaudée, lue et comprise hors contexte. C'est pourquoi les mises en garde ne suffisent plus dans les livres d'histoire, elles doivent être faites à la source même, dans les oeuvres littéraires ou artistiques elles-mêmes. C'est d'ailleurs le principe retenu pour les reéditions de Mein Kampf que je voudrais voir généraliser. (Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit; je ne compare pas les oeuvres!).
Imaginez par exemple le film de Begnini (?) la vie est belle, vue par un enfant ou un ado, sans contextualisation; que pensera-t-il alors de la Shoah?