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Message Publié : 21 Fév 2006 21:13 
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Localisation : Cherbourg
Voici un aperçut d'une partie seulement de l'histoire littéraire en URSS. Une partie seulement...

A évoquer la littérature russe du XXème siècle, nous serions tenté d’analyser soit, une littérature pro-soviétique effectuée sur commande, soit, une littérature plus libérée comme celle de la période du «dégel » sous Krouchtchev.

Mais au-delà des thèmes et des époques abordés, nous nous arrêterons, non sur le fond mais sur la forme la plus marquante de cette littérature. L’exotisme encore bourgeois et campagnard hérité du XIXème siècle apparaît dans de nombreux récits du XXème. Le lyrisme de la langue russe - y compris dans sa traduction -, l’exubérance d’un peuple à travers ses joies et ses souffrances, avant même le thème de fond (l’histoire) ont su toucher le cœur des français.

La littérature russe reflète l’âme du pays. Un pays immense au climat continental passant sans transition du chaud au froid et du gel au dégel. De même, une population qui, dit-on, à l’image de son pays passe du rire aux larmes et des larmes au rire. Un pays doté aussi d’une riche culture musicale, théâtrale, picturale (peinture, iconographie, etc…) et gastronomique. Le tout à l’image même de la Russie, chaud, sensuel, populaire, profondément ancré dans des croyances ancestrales et développant le culte de l’amour pour la patrie.

La littérature est de même. Elle définit une musicalité d’écriture dans des thèmes et des styles forts différents les uns des autres. Il les accompagne comme un fil conducteur. Les auteurs transposent cette culture sous une forme de poésie romanesque accentuée par la beauté de la langue russe. A tel point qu’Anna Akhmatova, la poétesse rebelle, déclarait que ses textes prennent en français une lourdeur irrémédiable. Art toujours délicat que de traduire de la poésie! Souvent censurée par le régime soviétique, il n’y a guère qu’une trentaine d’année que l’occident la découvre vraiment. Ce court extrait de « Requiem » présente un caractère à la fois romantique et révolté typique de l’attrait que nous avons de la littérature russe.

Paisible coule le Don
La nuit entre dans la maison
La lune entre sans façon
Elle voit une ombre dans la maison

Cette femme est malade
Cette femme est solitaire
Le mari mort, le fils est en prison
Priez à mon attention


Ce passage oscillant entre poésie naturelle descriptive et détresse nous renvoie vers « Le Pays » de L. Petrouchevskaïa. Une description naturaliste d’une mère solitaire et alcoolique élevant seule sa fille. « …personne ne les voit s’endormir si tôt la tête posée sur l’oreiller, s’en retourner au pays qu’il leur faudra quitter tôt le matin… ». Une sorte de poème en prose baudelairien (Le vieux saltimbanque, etc…). Soljenitsyne développera lui dans « La maison de Matriona » un style réaliste. Le repas et les chants funèbres autour du poêle surchauffé ne sont pas sans rappeler un style et un thème propre à Barbey d’Aurévilly. Un siècle d’écart confondu dans une lecture identique. A l’heure où en France le roman explose et où, souvent, la quantité l’emporte sur la qualité, on retrouvera dans les romans et autres écrits russes du XXème siècle un style et des thèmes proches de nos classiques du XIXème. C’est en fait très attachant. Même des ouvrages de critique politique tel « Les aventures singulières du soldat Ivan Tchonkine » de V.Voïnovitch revêt un caractère propre à l’âme russe, c’est-à-dire, entre rire et larmes. Un pauvre homme battu Dieu sait pourquoi dans un bureau de police et qui, par homonymie avec le chef suprême Staline fait que le policier s’interroge sur sa conduite à tenir. Les scènes d’interrogatoire sont humiliantes mais elles nous renseignent sur les méthodes de certains fonctionnaires staliniens. En même temps, elles sont tellement ahurissantes que, même sans être drôles, elles provoquent un sourire. Dans la littérature russe, les personnages, opprimants comme opprimés, sont hauts en couleur!

Mais alors, la Russie littéraire du XXème siècle serait-elle « engluée » uniquement dans des thèmes de passion et de révolte ? Non, car à l’époque du «dégel littéraire » , nombreux sont ceux et celles qui ont voulu retrouver les sentiments humains (amoureux notamment comme chez Olga Bergoltz) détachés du productivisme et du machinisme. D’autres tel Ivan Bfremov avec « La nébuleuse d’Andromède » nous offre une politique-fiction sur une société idéale dans un monde interplanétaire. Simplement la Russie du XXème siècle vivait aussi bien de première place dans la conquête spatiale que de moujiks affrontant l’hiver sibérien dans leur izba isolée ; de révoltés des goulags que de héros du peuple. Ce sont ces forces vives, belles ou dramatiques et souvent antagonistes que nous recherchons dans la littérature russe.

On l’aura compris, réduire la littérature russe du XXème siècle à «L’archipel du goulag» de Soljenitsyne serait comme réduire la littérature française du XIXème à « Germinal » de Zola. Même si la dénonciation de la dictature stalinienne et en particulier des camps pris une ampleur internationale, ce qui combla avant tout le lecteur français, c’est la chaleur du style. Un engouement pour un style, une couleur. En Russie, le rouge synonyme de sang patriotique tsariste, de révolte socialiste ou simplement de beauté artistique pourrait être la couleur de la littérature nationale. En choisissant un ouvrage russe, c’est une couleur que nous choisissons de lire. Le rouge de l’amour, de la patrie, du sang et de la révolte.


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Message Publié : 22 Fév 2006 12:22 
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Inscription : 28 Nov 2005 23:03
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Localisation : Galaxie d'Andromède, Système solaire Zeta
Et la littérature soviétique de science fiction ?
Emmanuel Todd en avait écrit quelques lignes dans 'La chute finale'.
Au début elle était assez lyrique puis un peu moins par la suite, mais comme ce sont les soviétiques qui ont été à l'origine de la conquête spatiale, ils ont dut publier des choses intéressantes dans ce domaine.

_________________
"L'histoire me sera favorable car j'ai l'intention de l'écrire". Winston Churchill.


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Message Publié : 23 Fév 2006 9:39 
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Je cite Ivan Bfremov et "La nébuleuse d'Andromde". Mais c'est vrai que c'est plus un conte philosophique que réellement une oeuvre de science fiction pure.


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Message Publié : 03 Mars 2006 11:02 
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1ère année Deug russe. Histoire littéraire.
Sujet: "Choisissez et commentez l'oeuvre littéraire qui vous paraît le mieux représenter l'époque du "dégel littéraire".

rappel: période sous Krouchtchev d'une certaine "libéralisation" de la pensée.


« LE DEGEL»

Elia Ehrenbourg


« Le dégel » d’Elia Ehrenbourg semble l’ouvrage littéraire le plus approprié pour parler de cette période post-stalinienne. En fait, la plupart des ouvrages de cette période peuvent servir d’exemple. Notre sensibilité peut, par exemple, nous faire nous tourner vers la poésie mais « Le Dégel » reste non seulement un ouvrage paru dès le début de cette période (1953) mais aussi un ouvrage novateur qui condense la plupart des sentiments exprimés à cette époque et qui seront repris par là suite par les autres écrivains.

L’auteur, Elia Ehrenbourg décrit des sentiments et des situations finalement très humains. L’amour est au centre de deux êtres, un homme (l’ingénieur Koroteev) et une femme mariée (Lena). Ils devraient respecter une certaine « morale » familiale (ici, non pas religieuse, cela va de soi, mais « soviétique » qui, si on réfléchit, semble bien similaire dans la forme) et surtout avoir des sentiments l’un pour l’autre uniquement dans un but productiviste lié à leur rôle au sein même de la société soviétique. Au contraire, l’amour ici représente cet idéal naturel recherché par les artistes de l’époque. Il recentre l’homme et la femme sur leur nature propre, individuelle.

Ce n’est pas pour autant une œuvre anti-soviétique. La période du «dégel» est-elle d’ailleurs anti-soviétique? Non. Mais la nature humaine à travers l’amour, la mort, la maladie (etc…) peut et doit s’exprimer librement y compris au sein d’une société communiste, et même, pourquoi pas, dans le but de promouvoir son idéologie. C’est une façon de dire : « Je suis soviétique mais je vis sans contrainte et je m’exprime librement ». Un parallèle est fait avec l’art. Dans le roman, un peintre envie un autre peintre de réaliser des peintures « qui ne peuvent pas être faites sur commande ». Effectivement, la période stalinienne représentait une « mainmise » sur la création artistique, par et pour le pouvoir en place.

C’est surtout une façon de redécouvrir une certaine liberté d’écriture. Parfois très impertinente. Dans « Le Dégel » , Elia Ehrenbourg donne une image négative du mari de Lena, le directeur d’usine Jouravliov. Cette image sera largement reprise dans la littérature soviétique de cette époque pour désigner notamment le corps administratif et la lourde bureaucratie soviétique.

Elia Ehrenbourg dénonce dans ce roman l’importance primordiale accordée au travail, tout au moins à la place que l’homme soviétique occupe dans la société industrielle. Jouravliov perd son emploi. C’est effectivement dramatique mais après l’échec de son couple, il ne souffre que de cette perte d’emploi et non pas du départ de sa femme.

« Le Dégel » annonce symboliquement le printemps. La chaleur et le soleil reviennent. C’est d’ailleurs la fin du roman : de la rue « parviennent les bruits d’une journée de printemps ». En fait, « Le Dégel » d’Elia Ehrenbourg représente lui-même le printemps littéraire que la plupart des artistes de cette époque attendent.

La période de « dégel » s’arrêtera en 1964 avec la destitution de Khrouchtchev. Ces 10 années depuis 1953 ne représentent pas une période de réelle liberté d’expression littéraire et artistique mais effectivement marquèrent plus de souplesse dans les productions et surtout dans la dénonciation du contrôle systématique de l’état sur les artistes.


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Message Publié : 03 Mars 2006 11:03 
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Localisation : Cherbourg
1ère année Deug russe. Histoire littéraire.
Sujet: "Choisissez et commentez l'oeuvre littéraire qui vous paraît le mieux représenter l'époque du "dégel littéraire".

rappel: période sous Krouchtchev d'une certaine "libéralisation" de la pensée.


« LE DEGEL»

Elia Ehrenbourg


« Le dégel » d’Elia Ehrenbourg semble l’ouvrage littéraire le plus approprié pour parler de cette période post-stalinienne. En fait, la plupart des ouvrages de cette période peuvent servir d’exemple. Notre sensibilité peut, par exemple, nous faire nous tourner vers la poésie mais « Le Dégel » reste non seulement un ouvrage paru dès le début de cette période (1953) mais aussi un ouvrage novateur qui condense la plupart des sentiments exprimés à cette époque et qui seront repris par là suite par les autres écrivains.

L’auteur, Elia Ehrenbourg décrit des sentiments et des situations finalement très humains. L’amour est au centre de deux êtres, un homme (l’ingénieur Koroteev) et une femme mariée (Lena). Ils devraient respecter une certaine « morale » familiale (ici, non pas religieuse, cela va de soi, mais « soviétique » qui, si on réfléchit, semble bien similaire dans la forme) et surtout avoir des sentiments l’un pour l’autre uniquement dans un but productiviste lié à leur rôle au sein même de la société soviétique. Au contraire, l’amour ici représente cet idéal naturel recherché par les artistes de l’époque. Il recentre l’homme et la femme sur leur nature propre, individuelle.

Ce n’est pas pour autant une œuvre anti-soviétique. La période du «dégel» est-elle d’ailleurs anti-soviétique? Non. Mais la nature humaine à travers l’amour, la mort, la maladie (etc…) peut et doit s’exprimer librement y compris au sein d’une société communiste, et même, pourquoi pas, dans le but de promouvoir son idéologie. C’est une façon de dire : « Je suis soviétique mais je vis sans contrainte et je m’exprime librement ». Un parallèle est fait avec l’art. Dans le roman, un peintre envie un autre peintre de réaliser des peintures « qui ne peuvent pas être faites sur commande ». Effectivement, la période stalinienne représentait une « mainmise » sur la création artistique, par et pour le pouvoir en place.

C’est surtout une façon de redécouvrir une certaine liberté d’écriture. Parfois très impertinente. Dans « Le Dégel » , Elia Ehrenbourg donne une image négative du mari de Lena, le directeur d’usine Jouravliov. Cette image sera largement reprise dans la littérature soviétique de cette époque pour désigner notamment le corps administratif et la lourde bureaucratie soviétique.

Elia Ehrenbourg dénonce dans ce roman l’importance primordiale accordée au travail, tout au moins à la place que l’homme soviétique occupe dans la société industrielle. Jouravliov perd son emploi. C’est effectivement dramatique mais après l’échec de son couple, il ne souffre que de cette perte d’emploi et non pas du départ de sa femme.

« Le Dégel » annonce symboliquement le printemps. La chaleur et le soleil reviennent. C’est d’ailleurs la fin du roman : de la rue « parviennent les bruits d’une journée de printemps ». En fait, « Le Dégel » d’Elia Ehrenbourg représente lui-même le printemps littéraire que la plupart des artistes de cette époque attendent.

La période de « dégel » s’arrêtera en 1964 avec la destitution de Khrouchtchev. Ces 10 années depuis 1953 ne représentent pas une période de réelle liberté d’expression littéraire et artistique mais effectivement marquèrent plus de souplesse dans les productions et surtout dans la dénonciation du contrôle systématique de l’état sur les artistes.


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