De la vie, tout simplement ? Honnêtement, c'est le plus grand choc littéraire que le début du XXème siècle littéraire français ait connu, et ça n'a pas été qu'un succès de tapage. C'était la première fois qu'un roman vivait, bringuebalait, haletait, hurlait, bégayait autant (ça a soufflé pas mal de monde d'ailleurs, jusqu'à Sartre apprenti romancier - c'est Michel Winock je crois qui disait du Voyage qu'il avait rendu vétuste à peu près toute la production littéraire de l'époque). Le Voyage et Mort à Crédit ont travaillé "en profondeur" durant tout le XXème siècle malgré la mise à l'index de l'oeuvre célinienne, preuve de leur qualité littéraire intrinsèque.
Pour moi, c'est une oeuvre qui a autant d'ampleur que celles (pour le XXème siècle européen uniquement) d'un Proust, d'un Joyce, d'une Woolf, parce que, comme celle de leurs homologues, elle est radicalement originale, et qu'elle est le fruit d'une somme de réflexion et de travail, d'une minutie artistique obsessionnelle dont en France seul un Flaubert avait jusque là témoigné.
Tout ça est très subjectif, évidemment. Question de goût, donc (on en revient toujours là) ! Mais pour ce qui est du succès du Voyage en général, je pense vraiment que c'est son côté à la fois vivant et nihiliste, percutant et dénonciateur, son originalité profonde. Votre question témoigne de cette originalité, de ce côté "unique" : c'est le seul roman que vous n'ayez jamais fini ; c'est le seul que j'ai lu deux fois, coup sur coup.
Donc : on aime, ou on n'aime pas. Et il y a beaucoup de gens, comme vous, qui n'aiment pas !
_________________ "L'insécurité, voilà ce qui fait penser."
Albert Camus
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