Citer :
je voudrais avant tout rappeler que le sens antique de secte ne signifie rien d'autre que "courant de pensée"; ce n'est qu'à l'époque moderne que le mot a pris une connotation négative
Il est permis de s’interroger sur le sens de ce mot à l’époque moderne, car on trouve à de multiples reprises dans Voltaire, en particulier dans les cinq premières
Lettres philosophiques, le mot secte, jamais dans un sens péjoratif :
« C’est ici [l’Angleterre] le pays des Sectes. Un Anglais, comme homme libre, va au ciel par le chemin qui lui plaît. » (Cinquième lettre, Garnier, 1964, p.23)
«
Quoique la Secte Episcopale et la Presbytérienne soient les deux dominantes dans la Grande-Bretagne [...](Sixième lettre, p.28)
On constate que Voltaire met une majuscule à ce mot, sauf une fois, en parlant des Anti-Trinitaires (Sixième lettre, p. 31-32):
« Il y a une petite secte composée d’Ecclésiastiques et de quelques Séculiers très savants [...] »
En précisant plus loin :
« Celle-ci est encore trop petite pour obtenir la liberté des Assemblées publiques ; elle l’obtiendra sans doute, si elle devient plus nombreuse [...] »
Et pour la nuance avec « Religion » :
« N’est-ce pas une chose plaisante que Luther, Calvin, Zwingle, tous écrivains qu’on ne peut lire, aient fondé des Sectes qui partagent l’Europe, que l’ignorant Mahomet ait donné une Religion à l’Asie et à l’Afrique [...]"
«
Religion » signifierait donc selon lui qu’elle est restée unie, «
Secte » une division suffisamment importante numériquement, et «
secte » une scission réunissant un nombre faible de fidèles. Et dans mon opinion, d’après cette expression « qui partagent », de Voltaire, je pensais que «
Secte » venait du latin «
seccare » (couper).
Mais vérification faite, le Larousse donne le sens de «
suivre » (d’après «
secta », une forme de «
sequi »).
Mais pas de sens péjoratif en tout cas, dans
Les lettres philosophiques ; cependant, le même Voltaire écrit dans l’article Secte du
Dictionnaire philosophique :
« Toute secte, en quelque genre que ce puisse être, est le ralliement du doute et de l’erreur [...] Quand la vérité est évidente, il est impossible qu’il s’élève des partis et des factions. Jamais on n’a disputé s’il fait jour à midi. »
« Quelle serait la religion véritable, si le christianisme n’existait pas ? C’est celle dans laquelle il n’y a point de sectes; celle dans laquelle tous les esprits s’accordent nécessairement. »
« Secte et erreur sont synonymes. »
Un sens péjoratif apparaît donc ici, mais il est encore assez différent du sens actuel : Voltaire le définit plutôt comme «
contraire à la raison. »