Mon argumentation repose sur le fait que le récit de la Genèse (Chapitres 12-25) est un document historique beaucoup plus fiable qu’on n’a bien voulu le croire. Pourquoi cette source aurait-elle moins de valeur qu’une autre? Parce qu’on a préjugé par le passé qu’elle n’était pas fiable? Le fait que l’on a eu ce texte sous nos yeux pendant toutes ces années sans en comprendre le sens m’apparaît plutôt être une raison pour redoubler d’attention.
À partir du moment où il devient possible de démontrer de façon objective que les informations contenues dans ce récit offrent une certaine cohérence, pourquoi faudrait-il en rejeter l’étude ou réduire celle-ci à la condition de roman? Dans un roman, il est permis de tordre la réalité afin de créer une illusion et faire naître des émotions. Or, dans le cas d’une analyse rigoureuse,
la même grille d’interprétation doit être appliquée à l’entièreté du récit. Elle ne peut varier au gré de l’histoire.
Si certains évènements nous paraissent improbables, il convient simplement de les identifier. Mais à mon avis, ce n’est qu’à la lumière de toutes les informations qu’il sera possible d’émettre une opinion valable.
Rappelons qu’en plus d’offrir une interprétation logique au récit de la guerre des rois et de la destruction de Sodome; de démontrer que la migration des ancêtres d’Abraham correspond à la migration des ancêtres de Hammourabi; l’analyse de ce récit m’amène également à croire qu’Abraham est fort probablement né en 1810 AEC. Cette nouvelle donnée va nous permettre de dresser une chronologie concrète qu’il sera possible de comparer avec des sources indépendantes. Voilà qui devrait enfin nous permettre de solidifier certaines hypothèses… Nous y sommes presque!
Souvenons-nous que Abraham est marié à sa demi-sœur Sarah, et qu’ensemble, ils sont incapables d’avoir un enfant. C’est pourquoi Sarah encourage son mari à aller vers sa servante Hagar. C’est ainsi que Ismaël vient au monde.
Mais voilà que « Yahvé » n’est pas satisfait : il exige d’Abraham un enfant de Sarah – la lignée doit être « Amorrite ». Il était effectivement inconcevable pour le fils d’une esclave égyptienne de prétendre au titre d’héritier d’une telle alliance qui aurait ouvert la voie à de possibles revendications égyptiennes.
Voyant Sarah vieillir, Yahvé-Hammourabi réalise que le temps presse et qu’il devra intervenir personnellement. En étant le géniteur de l’héritier, il s’assure d’un meilleur ascendant sur la région et accorde l’exclusivité du pouvoir à la lignée amorrite.
Citer :
Gn 17:16 Et je la bénirai, et même je te donnerai d'elle un fils; et je la bénirai, et elle deviendra des nations; des rois de peuples sortiront d'elle.
Donc, ce n’est plus Abraham, mais bien Sarah qui assurera désormais la descendance.
Citer :
Gn 17:17 Abraham tomba sur sa face, et il rit et dit en son coeur: Naîtrait-il un fils à un homme âgé de cent ans? et Sarah, âgée de quatre-vingt-dix ans, enfanterait-elle?
Ce passage important nous informe que Sarah a quatre-vingt-dix ans, c’est-à-dire 54 ans (=90x6/10) et que le
géniteur d’Isaac a « cent ans », c’est-à-dire 60 ans (=100x6/10). Mais ce verset peut être compris de deux façons fort différentes :
• L’interprétation théologique classique conclut qu’Abraham a « cent ans ». Le passage Gn 21 :5 annonçant la naissance d’Isaac 9 mois plus tard confirme qu’il a cet âge à la naissance d’Isaac, d’où l’origine de la confusion.
• Mais la relecture que nous proposons nous amène à un constat fort différent. Comme Abraham sait très bien que “Yahvé” est le géniteur d’Isaac, c’est de ce dernier dont il est ici question. C’est donc Hammourabi qui a « cent ans » lorsqu’il engendre Isaac (60 ans en 6/10). Par ailleurs, Gn 21 :5 confirme qu’Abraham a également cent ans à la naissance d’Isaac.
Cette interprétation est capitale, car elle permet de croire qu’Abraham avait le même âge que le géniteur d’Isaac. On peu donc conclure que si Hammourabi est né en 1810, Abraham serait aussi né cette année-là.
En voyant Hammourabi résolu à régler lui-même le problème, Abraham l’implore :
Citer :
Gn 17:18 Et Abraham dit à « Yahvé* »: Oh, qu'Ismaël vive devant toi!
On comprend qu’Abraham soit maintenant inquiet du sort qui sera réservé à son fils Ismaël.
Citer :
Gn 17:19 Et « Yahvé* » dit: Certainement Sarah, ta femme, t'enfantera un fils; et tu appelleras son nom Isaac; et j'établirai mon alliance avec lui, comme alliance perpétuelle, pour sa semence après lui.
Gn 17:20 Et, à l'égard d'Ismaël, je t'ai exaucé: voici, je l'ai béni, et je le ferai fructifier et multiplier extrêmement; il engendrera douze chefs, et je le ferai devenir une grande nation.
Gn 17:21 Mais mon alliance, je l'établirai avec Isaac, que Sarah t'enfantera en cette saison, l'année qui vient.
Après qu’Abraham ait accepté de se faire circoncire pour sceller l’Alliance, Hammourabi s’enquiert de Sarah.
Citer :
Gn 18:9 Et ils lui dirent: Où est Sarah, ta femme? Et il dit: Voici, dans la tente.
Gn 18:10 Et il dit: Je reviendrai certainement vers toi quand son terme sera là, et voici, Sarah, ta femme, aura un fils. Et Sarah écoutait à l'entrée de la tente, qui était derrière lui.
Gn 18:11 Or Abraham et Sarah étaient vieux, avancés en âge; Sarah avait cessé d'avoir ce qu'ont les femmes.
Gn 18:12 Et Sarah rit en elle-même, disant: Étant vieille, aurai-je du plaisir?... mon seigneur aussi est âgé.
Ici, Chouraqui traduit le mot « seigneur » par « Adon » qui fait plus clairement référence à Yahvé. Par ailleurs, la traduction anglaise de King James mentionne explicitement « lord ». C’est donc bien Hammourabi qui s’offusque que Sarah mette en doute sa virilité.
Citer :
Gn 18:13 Et « Yahvé* » dit à Abraham: Pourquoi Sarah a-t-elle ri, disant: Est-ce que vraiment j'aurai un enfant, moi qui suis vieille?
Gn 18:14 Y a-t-il quelque chose qui soit trop difficile pour « Yahvé* » Au temps fixé je reviendrai vers toi, quand son terme sera là, et Sarah aura un fils.
Il est clair que c’est Sarah qui aura un fils, plutôt qu’Abraham. Ce n’est que quelques versets plus loin que l’histoire se poursuit.
Citer :
Gn 21:1 Et « Yahvé* » visita Sarah comme il avait dit, et « Yahvé* » fit à Sarah comme il en avait parlé.
Il convient ici de noter l’utilisation de l’euphémisme « visiter » - qui à le même sens que « aller vers » pour signifier « mettre enceinte ».
Citer :
Gn 21:2 Et Sarah conçut, et enfanta à Abraham un fils dans sa vieillesse, au temps fixé dont « Yahvé* » lui avait parlé.
Situation on ne peut plus explicite : Hammourabi va à la rencontre de Sarah et la met enceinte dans la tente. Isaac naîtra neuf mois plus tard.
Citer :
Gn 21:3 Et Abraham appela le nom de son fils qui lui était né, que Sarah lui avait enfanté, Isaac.
Gn 21:4 Et Abraham circoncit Isaac, son fils, à l'âge de huit jours, comme « Yahvé* » le lui avait commandé.
Gn 21:5 Et Abraham était âgé de cent ans lorsque Isaac, son fils, lui naquit.
Comme Abraham a « cent ans » (60 ans en 6/10) lorsqu’Isaac vient au monde et que Hammourabi est mort en 1750, on déduit que Hammourabi est mort l’année de la naissance d’Isaac (=1810-60). Cette chronologie fonctionne et permet de croire que Hammourabi et Abraham on le même âge, et que Hammourabi a vécu assez longtemps pour engendrer Isaac.
Par ailleurs, nous verrons comment ces nouvelles informations m’amènent à croire que la guerre des rois a bel et bien eu lieu en 1764, soit juste avant la défaite de Élam…
PS Pour ceux qui seraient tentés de m’accuser de mercantilisme, je doute fortement qu’ils n’aient jamais publié d’essai historique! Il s’agit d’une opération qui ne se rentabilise tout simplement pas.
* Élohim dans le texte original
Bernard Lamborelle