Inscription : 06 Fév 2004 7:08 Message(s) : 3532
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Saladin a écrit : Sur l'île de Sainte Hélène, ses propos sont à la fois élogieux et critiques au sujet de cette même religion musulmane, il ne la met guère plus en avant que d'autres (christianisme, judaïsme), c'est en quelque sorte un bilan de sa vision politico-religieuse. J’avais plus haut retranscrit ce qu’avait dicté Napoléon sur l’Islam dans « Mémoires pour servir à l'histoire de France, sous Napoléon : écrits à Sainte-Hélène par les généraux qui ont partagé sa captivité, et publiés sur les manuscrits entièrement corrigés de la main de Napoléon ». J’ajoute ici les passages concernant le christianisme formulés au même moment : « La religion chrétienne est la religion d'un peuple civilisé, elle est toute spirituelle ; la récompense que Jésus-Christ promet aux élus, est de contempler Dieu face à face. Dans cette religion, tout est pour amortir les sens, rien pour les exciter. La religion chrétienne a été trois ou quatre siècles à s'établir, ses progrès ont été lents. Il faut du temps pour détruire, par la seule influence de la parole, une religion consacrée par le temps. Il en faut davantage quand la nouvelle ne sert et n'allume aucune passion. Les progrès du christianisme furent le triomphe des Grecs sur les Romains. Ces derniers avaient soumis, par la force des armes, toutes les républiques grecques; celles-ci dominèrent leurs vainqueurs par les sciences et les arts. Toutes les écoles de philosophie, d'éloquence, tous les ateliers de Rome étaient tenus par des Grecs. La jeunesse romaine ne croyait pas avoir terminé ses études, si elle n'était allée se perfectionner à Athènes. Différentes circonstances favorisèrent encore la propagation de la religion chrétienne. L'apothéose de César et d'Auguste fut suivie de celle des plus abominables tyrans ; cet abus de polythéisme rallia à l'idée d'un seul Dieu créateur et maître de l'univers. Socrate avait déjà proclamé cette grande vérité : le triomphe du christianisme, qui la lui emprunta, fut, comme nous l'avons dit plus haut, une réaction des philosophes de la Grèce sur leurs conquérants. Les saints pères étaient presque tous Grecs. La morale qu'ils prêchèrent fut celle de Platon. Toute la subtilité que l'on remarque dans la théologie chrétienne, est due à l'esprit des sophistes de son école. Les chrétiens, à l'exemple du paganisme, crurent les récompenses d'une vie future insuffisantes pour réprimer les désordres, les vices et les crimes qui naissent des passions ; ils firent un enfer tout physique avec des peines toutes corporelles. Ils enchérirent de beaucoup sur leurs modèles, et donnèrent même à ce dogme tant de prépondérance, que l'on peut dire avec raison que la religion du Christ est une menace.
L'islamisme est la religion d'un peuple dans l'enfance; il naquit dans un pays pauvre et manquant des choses les plus nécessaires à la vie. Mahomet a parlé aux sens, il n'eût point été entendu par sa nation, s'il n'eût parlé qu'à l'esprit. Il promit à ses sectateurs des bains odoriférants, des fleuves de lait, des houris blanches aux yeux noirs, et l'ombre perpétuelle des bosquets. L'Arabe qui manquait d'eau et était brûlé par un soleil ardent, soupirait pour l'ombrage et la fraîcheur, et fit tout pour obtenir une pareille récompense. Ainsi l'on peut dire par opposition au christianisme, que la religion de Mahomet est une promesse. L'islamisme attaque spécialement les idolâtres ; il n'y a point d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète : voila le fondement de la religion musulmane; c'était, dans le point le plus essentiel, consacrer la grande vérité annoncée par Moïse et confirmée par Jésus-Christ. On sait que Mahomet avait été instruit par des juifs et des chrétiens. Ces derniers étaient une espèce d'idolâtres à ses yeux. Il entendait mal le mystère de la trinité, et l'expliquait comme la reconnaissance de trois dieux. Quoi qu'il en soit, il persécuta les chrétiens avec beaucoup moins d'acharnement que les païens. Les premiers pouvaient se racheter en payant un tribut. Le dogme de l'unité de Dieu que Jésus-Christ et Moïse avaient si répandu, le Koran le porta dans l'Arabie, l'Afrique et jusqu'aux extrémités des Indes. Considérée sous ce point de vue, la religion mahométane a été la succession des deux autres ; toutes les trois ont déraciné le paganisme.
Né chez un peuple corrompu, assujetti, comprimé, le christianisme prêcha la soumission et l'obéissance, afin de désintéresser les souverains. Il chercha à s'établir par l'insinuation, la persuasion et la patience. Jésus-Christ, simple prédicateur, n'exerça aucun pouvoir sur la terre: mon règne n'est pas de ce monde, disait-il. Il le prêchait dans le temple, il le prêchait en particulier à ses disciples. Il leur accorda le don de la parole, fit des miracles, ne se révolta jamais contre la puissance établie, et mourut sur une croix, entre deux larrons, en exécution du jugement d'un simple préteur idolâtre.
La religion mahométane née chez une nation guerrière et libre, prêcha l'intolérance et la destruction des infidèles. A l'opposé de Jésus-Christ, Mahomet fut roi ! Il déclara que tout l'univers devait être soumis à son empire, et ordonna d'employer le sabre pour anéantir l'idolâtre et l'infidèle. Les tuer fut une œuvre méritoire. Les idolâtres qui étaient en Arabie furent bientôt convertis ou détruits. Les infidèles qui étaient en Asie, en Syrie, et en Egypte furent attaqués et conquis. Aussitôt que l'islamisme eut triomphé à la Mecque et à Médine, il servit de point de ralliement aux diverses tribus d'Arabes. Toutes furent fanatisées, et une nation entière se précipita sur ses voisins. Les successeurs de Mahomet régnèrent sous le titre de califes. Ils réunissaient à la fois le glaive et l'encensoir. Les premiers califes prêchaient tous les jours dans la mosquée de Médine ou dans celle de la Mecque, et de là envoyaient des ordres à leurs armées, qui déjà couvraient une partie de l'Afrique et de l'Asie. Un ambassadeur de Perse, qui arriva à Médine, fut fort étonné de trouver le calife Omar dormant au milieu d'une foule de mendiants sur le seuil de la mosquée. Dans la suite, lorsque Omar se rendit à Jérusalem, il voyageait sur un chameau qui portait ses provisions, n'avait qu'une tente de toile grossière, et n'était distingué des autres musulmans que par son extrême simplicité. Durant les dix années de son règne, il conquit quarante mille villes, détruisit cinquante mille églises, fit bâtir deux mille mosquées. Le calife Aboubeker qui ne prenait au trésor, pour sa maison, que trois pièces d'or par jour, en donnait cinq cents à chaque Mossen, qui s'était trouvé avec le prophète au combat de Bender. Les progrès des Arabes furent rapides; leurs armées mues par le fanatisme attaquèrent à la fois l'empire romain et celui de Perse. Ce dernier fut subjugué en peu de temps, et les musulmans pénétrèrent jusqu'aux frontières de l'Oxus, s'emparèrent de trésors innombrables, détruisirent l'empire de Cosroès, et s'avancèrent jusqu'à la Chine. Les victoires qu'ils remportèrent en Syrie, à Aiquadie, à Dyrmonck, leur livrèrent Damas, Alep, Emesse, Césarée, Jérusalem. La prise de Pelouse et d'Alexandrie les rendit maîtres de l'Egypte. Tout ce pays était copte et fort séparé de Constantinople par les discussions d'hérésie. Kaleb, Derar, Amroug, surnommés les glaives ou les épées du prophète, n'éprouvèrent aucune résistance. Tout obstacle eût été inutile. Au milieu des assauts, au milieu des batailles, ces guerriers voyaient des houris au teint blanc et aux yeux bleus ou noirs, couvertes de chapeaux de diamants, qui les appelaient et leur tendaient les bras; leurs âmes s'enflammaient à cette vue, ils s'élançaient en aveugles et cherchaient la mort qui allait mettre ces beautés en leur puissance. C'est ainsi qu'ils se sont rendus maîtres des belles plaines de la Syrie, de l'Egypte et de la Perse; c'est ainsi qu'ils ont soumis le monde. »
_________________ " Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)
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