Jean R a écrit :
Le mot même de "cantique" n'est pas islamique. Les formulations ne le sont pas vraiment non plus autant que je puisse en juger. Ne s'agissait-il pas plutôt de rassurer le bon peuple de France, voire son gouvernement, on ne faisait pas une nouvelle croisade ?
J'ignore le degré d'authenticité de ce "cantique", que certains ont d'ailleurs décrit comme un "Te Deum oriental". A noter que Journal des Débats et Lois du corps législatif l'a même présenté comme un "cantique du Muphti des Cophtes" (sic...)
Ce texte a-t-il été distribué, comme le présente le Moniteur, au sein de l’armée le 2 août 1798, a-t-il été seulement prononcé au sein de la grande mosquée du Caire ? Je l’ignore.
Néanmoins, sa retranscription dans la presse parisienne et provinciale n’est pas surprenante. Il ne s’agissait pas ici « de rassurer le bon peuple de France, voire son gouvernement, on ne faisait pas une nouvelle croisade », mais de relayer la politique religieuse appliquée en Egypte dans le cadre de la campagne ; point sensible que l’on savait (Bonaparte le premier) de toute première importance.
Ainsi, on peut citer de nombreux passages du Moniteur où est relayé ce genre de problématique :
Proclamation de Bonaparte en date du 2 juillet 1798 (publiée dans le Moniteur du 29 septembre)
« Je respecte, plus que les Mameluks, Dieu, son prophète et l'Alcoran.
[…]
N’est-ce pas nous qui avons détruit le Pape, qui disait qu'il fallait faire la guerre aux musulmans ? N'est-ce pas nous qui avons détruit les chevaliers de Malte, parce que ces insensés croyaient que Dieu voulait qu'ils fissent la guerre aux musulmans ? »
Cette proclamation fut commentée dans le Moniteur du 12 octobre, via la lettre de Lachevardière consul de la République à Palerme (20 septembre 1798) :
« Bonaparte fit la proclamation dont je t'envoie copie ; tu croiras peut-être qu'elle a été dictée par un musulman : non, mon ami ; celui que Mahomet inspire aujourd'hui, est le même homme qui demandait au pape sa sainte bénédiction ; il respecte partout et sait même mettre à profit les préjugés des Nations. (tel est le propre du génie.) »
Lettre de Bonaparte au Directoire exécutif, 6 juillet 1798 (publiée dans le Moniteur le 20 octobre)
« Les prières se font, dans les Mosquées, comme à l'ordinaire, et ma maison est toujours pleine des imans ou cadis, des scheiks , des principaux du pays , des muphtis ou chefs de la religion. »
Déclaration du mufti d’Alexandrie du 5 juillet 1798 (publiée dans le Moniteur du 21 octobre) :
« Le général en chef a aussi promis solennellement de ne jamais forcer aucun des habitants de changer sa religion, et de ne jamais exiger aucune innovation dans les pratiques religieuses; mais qu'au contraire son intention était que tous les habitants restassent dans leur religion. »
Lettre de Berthier au ministre de la Guerre, le 6 juillet 1798 (publiée dans le Moniteur du 21 octobre) :
«Le Peuple, qui était dans l'erreur, paraît devenir l'ami d'une Nation qui sait respecter ses mœurs, ses usages et sa religion.
[…]
[Des Arabes] dirent qu'ayant appris que nous ne venions faire la guerre qu'aux Mameloucks et à Murat-bey ; que nous étions les amis du Peuple, que nous ne venions pas détruire la religion de Mahomet, et leur enlever leurs femmes, ils demandaient à être amis des Français et à marcher avec eux. »
Proclamation de Bonaparte au peuple du Caire, 22 juillet 1798 (publiée dans le Moniteur du 24 octobre) :
« Ne craignez rien pour vos familles, vos maisons, vos propriétés, et surtout pour la religion du prophète, que j'aime. »