Très cher Jean-Claude,
Votre modération dans le débat vous honore.Modération qui s’explique très bien du fait que vous ayez compris que les dénonciations d’hypercritique à géométrie variable ne vous étaient pas adressées qu’à vous et presque pas adressées à vous.
Ceci étant dit, je tiens à préciser que ma position n’est pas aussi tranchée que vous voulez bien me faire dire .Lorsque je parle, derrière des spécialistes de l’histoire de religieux (précités)d’influence mutuelle de l’islam sur le protestantisme,elle n’est finalement qu’indirecte, mais il est inimaginable que « la probabilité soit nulle ».En effet, comment penser une seconde que, lorsqu’on sait que dans les villes d’islam la proportion de musulmans était minoritaire jusque dans le bas moyen âge, que des idées pour le moins similaires n’aient été qu’un hasard ?
Les contacts entre croyants étaient constants bien qu’emprunts d’incompréhension mutuelle.
Effectivement la trinité était considérée par l’essentiel des musulmans comme un polytéisme à part entière, ce qui n’empeche pas de concevoir des dialogues omniprésents .
Les idées s’exportent, et tout le monde est d’accord pour le dire, avec les échanges répétés.
De là a en arriver à un héritage direct des premiers théoriciens de la Réforme, c’est un peu aventureux mais plausible, reste à déterminer en quelles proportions . Mais surtout comment imaginer qu’un homme de savoir comme Luther ait étudié le Coran sans en tirer les conséquences en profondeur ??
Ou alors de nous dire que ce dernier était d’une naiveté sans précédent .Tout va à l’encontre de cette assertion et c’est une banalité de le dire. Les abus du clergé catholique étaient sans cesse dénoncés par les musulmans médiévaux(par exemple la rémission des péchés par des hommes comme les autres). C’est gratuit de dire que les conceptions théologiques des mahométans ont transpirés dans les écrits de Luther et peut etre de Calvin, néanmoins l’état d’esprit ambiant dans les penseurs de l’humanisme ne pouvait pas ne pas etre influencé par les musulmans, c’etaient des hommes de leur temps.
Etudier le Coran quand bien même est ce pour mieux le discréditer ne suffit pas à impliquer un hermétisme total aux valeurs révolutionnaires pour l’époque qu’était l’islam.
Bref, tout s’explique très bien si influence (meme indirecte), il y a ; et tout semble dissonnant et artificiel si influence il n’y a pas. Pour le reste c’est de la foi et nous n’avons rien à en dire mais cette foi éminemment respectable ne doit pas nous mener à nier l’évidence…
Ce qu’en dit WP en anglais :
http://en.wikipedia.org/wiki/Protestantism_and_IslamPour le sommaire constat du silencieux ABD77 , il ne l’a pas sorti de son chapeau, des gens tout à fait respectables ont fait le meme ; j’en veux pour preuve le texte sur les divergences et les convergences de ces deux religions(que je cite preque in extenso car il est simple, clair et va droit au but), de Jean-Claude Basset, de la Faculté de théologie protestante de l'université de Lausanne, 7 février 2000...
Un regard serein doit permettre de poser les bases d'un rapprochement autant que d'un débat fructueux sur les points de divergence.
La Réforme protestante se caractérise par un retour aux sources bibliques et donc largement sémitiques, proches de l'islam, tels la référence aux prophètes de l'Ancien Testament ou l'attachement à Abraham.
La primauté accordée à l'Écriture rejoint la priorité absolue que les musulmans accordent au Coran et la manière dont ils désignent les juifs et les chrétiens comme « gens du Livre ».
Le rapport entre Écriture et tradition (sunna en islam) peut être repris dans le contexte élargi des religions fondées sur un livre révélé, judaïsme, christianisme et islam ; mais on n'évitera pas un débat sur la nature de la révélation et de l'inspiration des textes, indirectement lié à la question de la légitimité d'une lecture historique et critique dont les protestants furent les initiateurs, et qui est aujourd'hui largement mais non unanimement acceptée par les chrétiens et rejetée par les musulmans.
Musulmans et protestants partagent le souci d'une adoration rendue a Dieu seul, à l'exclusion de tout intermédiaire, fut-il un ange, un saint ou un prêtre. Il existe donc un parallèle frappant entre la soli Deo gloria (« à Dieu seul la gloire ») de Calvin et l'insistance musulmane sur la transcendance absolue de Dieu : lâ ilâha illa allâh (« pas de dieu sinon Dieu »).
Ce n'est assurément pas un hasard si le problème de la prédestination a revêtu à un moment donné une acuité comparable.
Là où il y a divergence, c'est dans l'approche trinitaire de Dieu dans le christianisme, que l'islam interprète comme un trithéisme, de même que le christocentrisme affirmé des Réformateurs.
Sans rien diminuer du caractère irréductible des deux perceptions de Dieu, un grand pas serait franchi si l'on pouvait reconnaître de part et d'autre qu'aucune théologie, même inspirée, ne saurait épuiser la réalité d'un Dieu radicalement transcendant.
La grâce de Dieu mise en avant par les Réformateurs trouve un écho dans l'invocation musulmane : bismillâh al-rahmân al-rahîm, « au nom de Dieu le miséricordieux qui fait miséricorde ».
La sola fide, la « foi seule » qui sauve, n'est pas étrangère à la école asharite qui fait référence dans la tradition sunnite.
Il n'en reste pas moins que l'articulation entre la foi et les oeuvres est foncièrement différente ; cela tient à la fois à l'importance de la loi, que l'islam partage avec le judaïsme et que le protestantisme a fortement contestée à la suite de Paul, et à la réalité du péché soulignée par la tradition protestante pour qui l'être humain ne peut rien sans le pardon divin.
Il s'ensuit une vision globalement plus pessimiste de la nature humaine qu'en islam où l'avertissement et l'orientation de Dieu suffisent à assurer une juste relation.
Le culte protestant, comme la prière musulmane, frappe par une évidente simplicité, tant sur le plan du déroulement centré sur l'Écriture que sur celui de l'architecture et de la symbolique : même refus des images et des statues, au profit de la parole priée, récitée et prêchée.
Si la liturgie protestante frappe par un certain immobilisme, contrairement à la gestuelle de la prière musulmans (salât), c'est par le chant qu'elle assure la participation communautaire. Si elle a maintenu les sacrements, elle les a réduits au baptême et à la cène tout en les simplifiant ; et elle fait une plus large place à la prière libre ou personnelle de l'officiant et de la communauté.
Les protestants ont en commun avec les sunnites - à la différence des chi'ites - le refus d'un clergé séparé de l'ensemble des croyants et doté d'une hiérarchie et de pouvoirs particuliers.
D'un côté comme de l'autre, il n'y a pas d'habit religieux, et l'imam, comme le pasteur ou le rabbin, n'a pas de statut sacerdotal ; les uns comme les autres ont la liberté de se marier.
Dans la même ligne, l'adage sunnite : « pas de monachisme en islam » vaut aussi largement pour la tradition protestante où les communautés de femmes et d'hommes sont l'exception. On ne trouve pas davantage de lieux de décision centralisées par delà les entités politiques respectives, tout au plus des organismes de consultation à l'échelle mondiale, tant pour ce qui est de l'islam que du protestantisme.
Fondée sur les mêmes Dix commandements de Moïse, l'éthique personnelle et familiale offre de nombreuses similitudes.
Il n'en demeure pas moins que là où l'islam se caractérise par une fidélité stricte à la loi (sharî'a), le protestantisme a mené un combat pour le libre examen face à tous les pouvoirs, qu'ils soient religieux ou politiques.
La priorité de la conscience personnelle conduit à une certaine relativisation des normes morales, et même doctrinales, notamment dans le courant libéral. C'est assurément là l'origine de ce que l'on peut appeler l'individualisme protestant qui a fait fortune dans la société occidentale, par contraste avec les normes communautaires qui marquent les sociétés musulmanes.
C'est aussi la porte ouverte à une plus grande adaptation à de nouvelles valeurs sociales, comme les droits de l'homme et la liberté religieuse, ou l'égalité entre hommes et femmes qui a conduit à l'accession de ces dernières au ministère pastoral.
Au niveau social enfin, le protestantisme s'accorde avec le sunnisme traditionnel pour reconnaître une certaine laïcité de la société, contre toute tentation d'opposer la sphère politique à la sphère religieuse.
Non seulement le pouvoir politique ne relève pas des instances religieuses pour assurer le bien-être de tous, mais on reconnaît aux croyants la liberté et le devoir de développer leurs responsabilités que ce soit dans le domaine du commerce et de l'industrie ou dans celui de la science.
On ne peut pas plus imaginer dans le monde musulman que dan le monde protestant un procès du type de celui qui a opposé Galilée à l'Inquisition catholique au XVIIe siècle.
Même si la tradition protestante est réputée pour sa méfiance vis-à-vis de la mystique, on doit mentionner ici l'indéniable convergence du soufisme (tasawwuf) avec le protestantisme.
En relation avec la piété protestante, on peut citer le souci de l'intériorité par delà la loi extérieure ou la relation personnelle à Dieu, la méditation des textes et des réunions de prière.
Ce n'est assurément pas un hasard si des chrétiens protestants peuvent entrer en résonance spirituelle avec bon nombre de textes ou même de prières soufis.
Ce rapide inventaire ne saurait laisser de côté la tradition chi'ite.
Éloigné du protestantisme par son idéalisation des imams et de Fatima (objet d'une piété qui n'est pas sans rappeler la mariologie), le rôle central de soin clergé, la vénération des saints et une piété populaire souvent bruyante, ce courant de l'islam ne manque pas non plus d'affinités avec la tradition protestante.
Si la figure de Jésus apparaît quelque peu estompée par rapport au sunnisme, le scandale du martyre de Hussein (petit-fils de Mohammed tué dans un combat aussi injuste qu'inégal) et la présence cachée de l'imam dont on attend le retour offrent des rapprochements avec la christologie et l'eschatologie chrétiennes telles que les comprend la tradition.
Les protestants peuvent aussi se retrouver dans la persistance de l'ijtihâd, la réflexion religieuse et philosophique, et dans une certaine séparation entre les sphères religieuses et politiques telle qu'on la trouvait en Iran, du XVIe siècle jusqu'à la révolution de l'ayatollah Khomeiny.Bien à vous.