Je vous recommande les intéressants mémoires ("traversées jésuites" au Cerf) du P Jean-Yves Calvez sj (qui fut notamment assistant du général de 1971 à 1983 puis professeur à Sciences Po Paris et aux Etats Unis). J'en retiens ce qui suit.

Sur la résistance à Vatican II : En 1971, un groupe de jésuites espagnols vinrent demander à Paul VI d'autoriser la création d'une nouvelle congrégation qui aurait regroupé les jésuites fidèles à la Tradition de leur compagnie et refusant les réformes du P Arrupe. Après longue réflexion le Pape a rejeté leur demande - pour ne pas créer un exemple qui aurait pu être imité par d'autres ordres selon le P Calvez. Peut-être aussi pour éviter que le P Arrupe ne se retrouve seul maître à bord sans opposition interne capable de le modérer (selon moi).

Sur la crise de la compagnie : Le P Calvez souligne que la période 1972-73 fut très dure avec le départ de nombreux Pères (300 en 1972) qui estimaient les réformes insuffisantes (notamment en raison du maintien du célibat sacerdotal).

Sur la tutelle pontificale : Il déplore à mots couverts les maladroites tentatives du Pape Paul VI de freiner la modernisation de la compagnie et souligne qu'à partir de 1972 les relations avec Paul VI furent empreintes d'une méfiance croissante - sentiment partagé par Jean-Paul Ier qui décéda la veille du jour où il devait recevoir une délégation jésuite et lui adresser un eremontrance paternelle mais ferme (le texte de son discours déjà rédigé fut diffusé par Jean Paul II).

Un bel exemple de jésuitisme : en 1980 le P Arrupe prononce une conférence sur la relation entre le Pape et la compagnie. Le P Calvez en retient surtout que le centre de la Foi est ... Dieu (sous entendu : le pape est bien secondaire).

Sur l'échec de la reprise en main tentée par Jean-Paul II en 1981 : peu d'explications claires sinon deux constats. Primo le délégué pontifical était un jésuite (ancien assistant général) manifestement peu soucieux d'engager des changements substantiels. Le cardinal Casaroli (secrétaire d'Etat) aurait aussi agi contre le volonté de reprise en main qui aurait été voulue non par le pape mais par "certains de ses conseilles". Qui ?

En résumé les relations furent plus tendues avec Paul VI qu'avec Jean Paul II. Ceci correspond peut-être aux deux personnalités : Paul VI était réformateur mais aussi assez autoritaire (formé par Pie XII) et appréciait peu qu'une compagnie aussi liée au st Siège évolue à un rythme non fixé par le Pape ??? à l'inverse Jean Paul II était un charismatique pragmatique peu intéressé par les questions institutionnelles et qui croyait plus au verbe qu'aux structures ??? Simple hypothèse.

Je me permets une légère parenthèse, pour mettre en perspective vos propos intéressants, cher Aigle, en vous renvoyant à la lecture d'un article de David Colon, « Les jésuites et la Jeunesse catholique en France dans l’entre-deux-guerres » (2008), paru dans Histoire@Politique. En dépit de son titre, l'article propose aussi une courte synthèse sur la place des jésuites dans la société française (et vis-à-vis du Saint-Siège) entre 1906 et 1918 puis pendant et après la Seconde Guerre mondiale.

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« But thought's the slave of life, and life's time fool. » (William Shakespeare)