Bonjour,

J'aimerai soulever un point qui m'interpelle particulièrement. Étant Breton, je m’intéresse beaucoup à l'histoire de la Bretagne.
Voilà, j'ai vu qu'en Bretagne, les fidèles catholiques, au moins depuis le XVe siècle, adoraient et croyaient en de nombreux saints locaux, chacun ayant un pouvoir spécial de guérison, comme par exemple saint Tugen dans le Finistère, qui guérit la rage. On voit qu'en Bretagne, plus qu'ailleurs qu'en France, les saints ont une grande importance et influence dans la société rurale, jusqu'au milieu du XXe siècle. Des fidèles bretons vouaient un véritable culte à certains saints bretons, celui-ci prenant une importance semblable à celle du Christ ou de la Vierge Marie.

J'ai en réalité une question et une ouverture à méditer ...

Ma question est la suivante : peut-on parler d'un catholicisme polythéiste, dans le cas de la Bretagne, au moins entre le XVe, jusqu'au début du XIXe siècle ? Étant donné que le catholicisme est puissant en Bretagne à l'époque moderne (l'échec de la réforme protestante le prouve), la raison de cette enracinement dans la société ne viendrait-elle pas de ce ''paganisme'' (le terme est à prendre avec des pincettes dans cette utilisation), assez exacerbé chez les Bretons ? On remarque aussi que la déchristianisation, certes très sensible, ainsi que l'affaiblissement du clergé breton, (moins de prêtres par paroisse avec la création des séminaires) commence au début du XVIIe siècle, en conséquence de la réforme tridentine ; réforme qui va tenter de limiter le culte des saints.
Mon ouverture est celle-ci, elle est plus générale et pas qu'à la Bretagne. Peut-on avancer que le christianisme s'est implanté dans la basse-société grâce à mélange de vieilles traditions (pourquoi pas gallo-romaine) et aux nouvelles, imposées sous le Bas-Empire, puis ensuite ?

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''J'ai trouvé Rome en briques et l'ai quittée en marbre'' -Auguste, empereur romain, [27 av JC - 14 ap JC]-

Le succès du christianisme, c'est bien d'avoir absorbé nombre de fêtes païennes pour absorber aussi leurs adorateurs : Sol Invicus (Noël), la fête du solstice d'été (la Saint-Jean), Samhain (la Toussaint), et sans doute d'autres. Sans parler des temples antiques : nombre d'édifices religieux importants s'élèvent sur les fondations de temples païens.

J'ai eu l'occasion aussi de visiter un château dans le marais de la Brenne où notre guide nous a expliqué les origines des nombreuses vierges noires trouvées durant le Haut Moyen Âge, enfouies dans le sol ou parfois cachées dans un arbre creux. Il s'agirait en réalité d'idoles antiques cachées au début de la christianisation pour leur épargner la destruction. Retrouvées des décennies après, elles faisaient figure de miracle divin et se retrouvaient christianisées séance tenante. Les idoles de femme, de toute façon, ont un rôle intemporel dans les mythes et les religions depuis l'époque préhistorique, et nombre de Vierge à l'enfant rappellent de très près les représentations d'Isis tenant dans ses bras Horus enfant.

Pour ce qui est de la Bretagne, la christianisation de certains artefacts païens (pas de tous, toutefois) est flagrante : nombre de pierres levées ont été gravées de croix bien chrétienne, pas seulement pour battre en brèche le paganisme mais aussi parce que les évangélisateurs avaient constaté que les croyances étaient bien plus ancrées dans ces zones-là. Et ils ont eu raison, leur méthode a beaucoup mieux fonctionné que celles, beaucoup plus brutales, de l'Inquisition, plus tard.