Pierma a écrit :
Je crois qu'en pratique on utilise les deux termes, pour désigner ce phénomène. Comme en témoigne le mot "télévangéliste", par exemple.
Justement, les gourous "télévangélistes" sont désignés ainsi parce qu'ils s'arrogent une mission proche de celle des (quatre) évangélistes. Il convient donc de garder le mot évangéliques pour désigner les fidèles des Églises dont nous parlons.
Une précision toutefois : les Églises évangéliques ne se résument absolument pas au phénomène (et aux dérives) des télévangélistes.
Pierma a écrit :
J'ai découvert avec stupéfaction qu'il existait plusieurs évangiles non canoniques, ... (Est-ce qu'on ne parle pas aussi d'évangiles apocryphes ?) ... je me suis aperçu que c'était tout à fait intéressant.
Évangiles non canoniques et évangiles apocryphes sont effectivement des synonymes. Ils n'ont pas été retenus dans le
canon de l'Église, arrêté dès 382 et commun, au moins pour les livres du Nouveau Testament, à toutes les Églises chrétiennes (catholique, orthodoxe, protestanteSSS). Ces écrits apocryphes sont pour la majorité d'entre eux plus tardifs que l'époque apostolique (le temps des Apôtres eux-mêmes), au mieux du milieu du 2ème siècle et pour certains encore plus tardifs. Certains sont même en désaccord avec la doctrine officielle de l'Église / des Églises.
En revanche, certains des écrits apocryphes sont capitaux pour l'histoire de la spiritualité autant que pour l'histoire de l'art. Les pères de l'Église eux-mêmes en ont largement cités et commentés certains extraits choisis. Pour ne citer qu'un exemple, toute la spiritualité entourant la Nativité doit plus à ces écrits apocryphes qu'aux évangiles eux-mêmes. Et a fortiori, l'iconographie qui en découle.
Un exemple particulièrement flagrant : seul (sur quatre) l'évangile selon saint Matthieu mentionne l'arrivée de
mages venus d'Orient (Mt 2,1-12). Rien ne dit leur nombre ni leur état de rois, encore moins leur nom, leur âge ou la couleur de leur peau. Non ! il est seulement écrit : "DES mages venus d'ORIENT". D'ailleurs, il est à noter que les plus vieilles représentations des mages nous montrent des personnages, souvent au nombre de trois (à cause des trois cadeaux : l'or, l'encens et la myrrhe), mais parfois huit ou douze, ... portant un coiffe semblable à un bonnet phrygien.
C'est dans l'Évangile de Jacques (qu'on appelle Protévangile -celui qui parle des débuts- de Jacques, pour le distinguer des quatre canoniques) qu'apparaissent une foule de détails qui connaîtront le succès qu'on sait. Le livre en question date de la fin du 2ème siècle. Il est l'œuvre d'un certain Jacques dit le Juste (mais son attribution à un homonyme de deux apôtres n'est peut-être pas pour rien dans son succès). Il couvre avec pittoresque la naissance et l'enfance de Jésus, et n'apporte rien de contraire au corpus doctrinal qui se met alors en place, si ce n'est qu'il donne (dans les pages consacrées à l'enfance du "petit Jésus") l'image d'un Dieu omnipotent plutôt sévère. Bien que non retenu pour le canon, le livre est cité à partir du 3ème siècle par des pères aussi respectables qu'Origène ou Clément d'Alexandrie. C'est Tertullien qui lui donnera ses lettres de noblesse en donnant de longs commentaires qui fixeront définitivement l'image des
Trois Rois Mages.
On observe le même phénomène avec d'autres écrits apocryphes, notamment autour de la mort et de la résurrection du Christ : évangiles de Madeleine, de Nicodème, ..., et même de Judas. C'est ainsi qu'on "apprendra" des détails comme le nom du centurion Longin, le sommeil des gardes du tombeau, etc. On y trouve également la descente du Christ aux Limbes que les écrits canoniques ne mentionnent pas, mais qui via les apocryphes, puis via les pères de l'Église, sera carrément inscrite au
Symbole des Apôtres (le
Credo commun à toutes les Églises chrétiennes), sous la forme "Il est descendu aux enfers".
En résumé, l'histoire de l'art ne peut se comprendre sans la littérature apocryphe !