ThierryM a écrit :
Si je peux me permettre, la question est mal posée dans ses termes. Parce qu'elle implique que le judaïsme est unique et, donc, présentant une vision partagée par tous les Juifs, il serait possible d'apporter une réponse unique. Or, c'est faux. Il est plus correct de parler des judaïsmes, compte tenu des nombreuses tendances géographiques et historiques qui caractérisent une religion plurimillénaire ; et donc, compte tenu de ces diverses tendances du judaïsme, il y a plusieurs réponses à votre question.
Effectivement, le dieu tel qu'il est décrit dans l'Exode
(20.5) [...]punis l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent,20.6 et qui fais miséricorde jusqu'en mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements.. Nul question du Paradis ou d'Enfer. Le Shéol dont il est question rappelle le monde des morts babylonien que visite Gilgamesh : un monde sombre moins agréable que la vie.
On voit là deux notions qui se succède dans le rapport à la divinité. D'un côté, le contrat liant une ou plusieurs divinités à la prospérité physique d'une communauté. De l'autre, l'engagement individuel qui assigne à chacun un avenir dans l'au-delà en fonction de ses actes (ou plus tard, de ses opinions) individuelles. Il semble bien que cette notion de châtiment ou bénédiction individuelle apparaisse chez les Egyptiens, mais elle n'est pas forcément partagée. Les Grecs, par exemple, en dehors des héros, vouent l'homme normal à la réincarnation.
La foi n'est pas indispensable dans le fait religieux : dans la plupart des peuples ayant conscience du 'monde magique', il n'y a pas besoin de croire un fait miraculeux précis (une résurrection, la mission d'un homme), on sait que l'homme est entouré de divinités qui peuvent agir sur lui, que ce soit des êtres surnaturels, des esprits d'animaux, les morts... Dès lors, deux attitudes peuvent être adoptées : faire appel à certaines personnes capables de communiquer avec ces divinités : shaman, derviches, Pythie... ; passer un contrat entre la communauté et la divinité pour assurer sa prospérité.
C'est Paul Veyne qui dit que dans
"Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?", les Grecs ne prenaient certainement pas pour argent comptant les légendes, mais tenait pour acquis que le respect des rites était indispensable à la survie de la communauté. C'est d'ailleurs contre ce mode de pensée que Saint Augustin écrira sa
Cité de Dieu, en réponses aux Païens qui font remarquer qu'il a suffit d'abandonner le culte de Jupiter et compagnie pour se prendre une invasion barbare dans les murs de Rome
On remarquera que le bouddhisme, au moins dans sa forme du Petit Véhicule, fait apparaître encore un autre mode de pensée : le salut ne dépend pas de la foi, mais d'une prise de conscience de la nature réelle du monde, illusoire, tout comme les dieux. Plus tard, la foi fera son retour dans le Grand Véhicule, avec le besoin d'une aide des Boddhisatva -réincarnations volontaires du Bouddha - pour atteindre l'état d'Eveil.