L'action de Justinien, sur le plan interieur comme extérieur, est sujette à controverses dans la communauté des historiens.
Deux thèses s'affrontent. La plus communément répandue est que l'action de Justinien a ruiné l'Empire. Cependant, quelques byzantinistes dont Pierre Maraval et Jean Pierre Arrignon soutiennnent qu'au contraire, il a enrichi l'empire et que la crise ayant suivi la fin de son règne ne lui est pas imputable. Qu'en est il réellement?
Dans son
Histoire de l'Etat byzantin, George Ostrogorsky déclarait
Citer :
Les charges que la politique de Justinien faisait peser sur la population devinrent de plus en plus lourdes et s'aggravèrent sans fin du fait des grandes expéditions et de l'inlassable activité de batisseur de l'empereur. Les conquêtes de Justinien eurent pour rançon l'épuisement des ressources financières du pays
Par son "activité de batisseur", Ostrogorsky entend aussi bien les monuments prestigieux comme Sainte Sophie, que les constructions réalisées dans les villes reconquises, afin de les réintégrer à l'Empire, mais aussi les innombrables forteresses et postes avancés frontaliers.
Pour ce qui est des deux premières catégories de constructions, nous ne discuterons pas dessus, elles semblent nécéssaire au rayonnement de l'Empire. Pour ce qui est des forteresses, nous serons plus mitigés.
Justinien en fait construire énormément, mais il n'a pas assez d'hommes pour les garder. La ligne fortifiée du Danube n'empêche pas les Sklavènes de se répandre dans les Balkans. Sur la frontière orientale, le problème est le même lors de la paix éternelle où les troupes qui la gardaient ne sont plus payées par Justinien (Procope,
Anecdota, XXIV, 12-14). Suite à la Paix Eternelle, il remédia aux problèmes de soldes qui touchent les troupes frontalières de manière radicale en proclamant que la paix leur apportait bien assez de bienfaits pour qu’ils puissent faire cadeau à l’Etat de leur solde. Par la même occasion, il leur enleva jusqu’au nom de troupes régulières . Ceci hâta la désintégration de ces troupes qui furent bien forcées de se trouver une occupation civile afin de pouvoir subsister. Ainsi, quand Chosroès pénétra dans l’empire romain en 540, il n’y avait non seulement personne pour l’arrêter, mais il n’y avait personne non plus pour le voir arriver!
Ces fortifications coutaient cher mais n'était bien souvent ni gardées ni entretenues. Faute de troupes suffisantes pour les garder, l'ennemi pouvait passer entre les mailles du filet.
La question des conquêtes de Justinien a déjà été abordée dans un autre sujet. Nous parlerons plutot de sa politique de fin de règne. Après des décennies de guerres incessantes contre les Goths à l'Ouest, les Slaves au Nord et les Perses à l'Est, Justinien, plutôt que de les affronter tous, préféra leur verser un lourd tribut. Cela montre au moins que l'Empire avait les moyens financiers, probablement prodigués par ses nombreuses conquêtes, pour "acheter" la paix.
En 561, Justinien accepte, alors qu'il n'a pas perdu la guerre, loin de là, de verser 30 000 nomismata d'or aux Perses pendant au moins 50 ans (Menandre, frg. VI, I, 314-97). Il fit de même avec les Slaves. On peut certes y voir un succès diplomatique de la part de Justinien qui parvient ainsi à mettre fin à une guerre difficile à mener sur 2 fronts simultanés. Cependant, ces solutions « diplomatiques » attisaient l’avidité des ennemis. Les ressources de l’État n’étant pas illimitées, ces tributs devaient être financés par des impôts mécontentant la population, et induisant ainsi une autre source de difficultés.
Lorsque les successeurs de Justinien voulurent rompre avec ces pratiques, c'est parce qu'ils n'en avaient sans doute plus les moyens. a l'avènement de Justin II les caisses sont presque vides, et l'amélioration de la situation financière passait par la suppression des subsides accordés à l'ennemi. Ceci entraîna bien evidemment la guerre avec les conséquences que l'on connait, couplée avec la dernière vague des grandes invasions : les Lombards en Italie.
Dès lors, crises et invasions vont se succèder jusqu'au IXe siècle. Si Justinien avait mené une autre politique de consolidation des acquis, de fermeté à l'extérieur, une politique financière plus solide, cette crise aurait-elle pu être atténuée?
Justinien a t-il, au contraire, par ses nombreuses conquêtes, contribué à enrichir l'empire?