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Message Publié : 26 Oct 2006 11:14 
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Salluste
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La société produit un "discours vrai" : c'est le discours qu'elle prend pour vrai. C'est un discours en harmonie avec la sensibilité sociale, ses conventions, sa morale, ses cognitions.

Par exemple, un temps "la terre est plate" faisait partie du "discours vrai" tel que celui qui disait autrement disait faux, était déraisonnable eu égard de la société et se trouvait condamné. "Les noirs n'ont pas d'âmes" ou "les femmes n'ont pas d'âme" ont aussi fait partie du "discours vrai" d'une époque et d'une société.

Pour en (re)venir à l'histoire, m'est avis que le discours historique n'échappe pas à ce "discours vrai".

Par exemple : A l'âge classique, la sensibilité sociale remplace les lépreux (quantitativement sur le déclin) par le fou. Comme elle les substitue par des hôpitaux généraux et consort. C'est le fou qu'on interne et qu'on exclu, c'est le fou qui est l'impur. Le fou que la société pré-sent, celui qui heurte la sensibilité sociale. In veritas, c'est celui qui n'est pas conforme au "discours vrai" du siècle des lumières : il est déraisonnable (surtout eu égard du siècle rationaliste). Par ailleurs, le fou n'avait, à l'origine, pas droit au traitement médical, il n'entrait pas dans la sphère de la médecine et il était placé indifféremment dans des prisons, des maisons de correction ou des hôpitaux généraux. La naissance de la clinique ne fut pas immédiate. On demandait au fou de "reprendre le droit chemin", de "retrouver la lumière", de "retrouver la raison", c'est-à-dire qu'on lui demandait d'être en conformité avec son siècle rationaliste (celui qui préférait le travail à l'oisiveté, celui qui préférait l'intelligence à l'idiotie, celui qui préférait les axes autoroutiers aux chemins de traverse, etc).

A partir de là va naître un "discours vrai" sur la folie. C'est ce que la société prend pour vrai à propos du fou (ce nouveau spécimen). Ce discours, avant d'avoir appartenu à la clinique et au psychiatre, appartenait aux droguistes et aux religieux. La naissance de la clinique va suivre et c'est tout un "discours vrai" sur la folie qui va suivre : un discours nosographique (table des symptômes) principalement. Physiologique et chimique, aussi "le mélancolique doit avaler de la limaille de fer pour se fortifier, parce que le fer est fort", etc.

Aujourd'hui, le discours historique va traiter de "la folie de Charles VI", de "la folie de feu Wilson", de "la folie du président Schreber", et j'en passe et des meilleurs. Usant par là même de tout le "discours vrai" de la clinique et du psychiatre à propos de la folie, cette nouvelle déraison. Cette immoralité, surtout. Ce chemin de traverse, cette marginalité : cette lèpre de l'esprit.

A une autre époque, il aurait traité le sujet tout autrement, en fonction du "discours vrai" du moment. Dans d'autres cultures, il va aussi le traiter en fonction de son "discours vrai" : les africains vont dire "Charles VI était un grand sorcier, un homme sacré", nous disons "Charles VI était fou". Du temps de Charles VI, c'était surtout "il a été empoisonné ou ensorcelé" : le "discours vrai" du moment. Et le discours historique n'y échappe pas, il est névralgique, il est engagé, il est discours social. Adieu, la froideur de la scolastique. Adieu, l'objectivité du positivisme. Bienvenue à la chaleur humaine au sein même du discours historique, ce discours engagé ... humain, trop humain.


Post-scriptum : c'est pour ça qu'un temps j'avais écrit ici "la Terre fut plate avant de s'arrondir".

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« Suffering also has its worth. Through sorrow, pride is driven out, and pity felt for those who wander in samsara; Evil is avoided, goodness seems delightful. »

Shantideva


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Message Publié : 27 Oct 2006 18:10 
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En effet, c'est le discours qu'elle prend pour vrai.
Autre discours partial et pas un des moindres : celui de l'Education nationale.
Voici une liste (malheureusement) tellement vrai tirée du livre "Etre de droite un tabou français" de Eric Brunet:
Citer :
... La mythologie des enseignants se nourrit de Guernica en tout genre. Eternel militant, l'enseignant est bipolaire. Une bipolarité de western, avec ses bons et ses méchants :
les gentils humanistes de gauche et les méchants fachos.

Côté valeurs sûres : il y a les républicains espagnols, Mesrine, Jospin, les quotas, la redistribution, l'agriculture raisonnée, Salvador Allende, le flnc, la IIIème république, kouchner, l'afrique, les indiens d'amériques centrale, Lénine, jean ferrat, staline le vainqueur de hitler même s'il a un peu dérapé, les martyrs de gaza, médecins sans frontières, jaurès, josé bové, robert enrico, greenpeace, le développement durable, jean moulin, robespierre, che guevara, fidel castro, le cuirassé potenkine, ...

Les valeurs repoussoirs : les crs ss, l'ultra-libéralisme, hitler-le pen-mégret, sarkosy-qui-ne-pense-qu'à-2007, le ministre de l'éducation nationale quel qu'il soit, la mondialisation, la certification ISO, les américains sauf mickael moore, le FMI qui étrangle les pays émergents, john ford, l'avancement au mérite, stendhal, les pages saumons du Figaro, alain delon, raymond aron, toute la droite sauf borloo et simone Veil,, les privatisations, le football où le fric est roi, revel, louis XIV, les echos, bonaparte, dsk, l'argent, la chasse, la cia, l'économie, la colonisation, indistinctement tony blair et thatcher, le secteur privé, mitterrant, louis malle, les stocks options, les fonds de pension, internet, la rentablité...


Je me rappelle également des études de textes du journal de référence "Le Monde" :roll:
:lol: Comment voulez-vous aller à l'encontre d'une telle dictature de l'esprit ?


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Message Publié : 27 Oct 2006 21:30 
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Polybe
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Bonsoir,

Je pense que dans le débat sur l'objectivité du discours en histoire il ne faut pas mélanger tous les discours tenus par un individu pour disqualifier celui du scientifique par ceux du citoyen.
Si Foucault - par exemple ; je crois reconnaître l'influence diffuse du maître du doute dans le premier message - montre la contingence historique des énoncés (y compris scientifiques), il montre aussi comment par la déconstruction on peut - peut-être pas fonder une vérité - mais démasquer les illusions de son époque.

Ce qui me dérange plus que la "fiche de lecture express" sur Foucault, c'est le message de MG42 qui semble mélanger (à dessein ?) dans le tableau qu'il nous peint des profs leurs opinions politiques et leur objectivité professionnelle. Un enseignant ou un chercheur est "dressé" à mettre ses idéologies au placard quand il est devant ses ouailles. Certains ne le font pas, mais je n'en ai pas rencontré beaucoup au cours de ma jeune carrière. L'immense majorité cherche une objectivité non feinte par la présentation la plus froide et impartiale possible des faits avant de proposer une interprétation dépassionnée. En caricaturant un peu, on peut avoir toutes les éditions du Capital aux presses de Moscou reliées cuir de sky synthétique et passer pour un affreux libéral aux yeux de ses élèves parce qu'on présente certains processus historiques depuis tous les points de vue possibles.

La "dictature de l'esprit" c'est largement une fable propagée par certains esprits retords (n'y voyez pas d'attaque personnelle, on ne se connaît pas et je ne vous colle aucune étiquette) qui voudraient bien que l'enseignement soit moins producteur d'esprit critique chez les élèves (regardez donc sur ma droite, encore un peu, un peu plus... voilà). Avec la rhétorique de la manipulation, cette arme est un paim béni pour ceux qui n'ont pas de visibilité dans les médias traditionnels faute de talent ou de représentativité réelle : "regardez donc comme on nous ment puisque mes idées sont considérées comme fausses !" On nous ment d'autant plus et la manipulation est d'autant plus importante que le consensus est large dans l'affirmation que ces idées sont infondées.

Il y aurait un beau sujet de thèse sur ces mythologies victimaires de l'extrême droite en France (notamment) : on nous ment, on nous dit rien ; on a raison, alors on nous laisse pas parler ; et le reste à l'avenant.

Malheureusement, et ce sera le mot de la fin, il y a un champ historique de la certitude assez clairement défini et si l'on peut discuter de tout en historien, on ne peut pas aller jusqu'à admettre de contre-vérités non plus. Ce qui, vous en conviendrez, dessert largement ceux qui veulent nous faire prendre des vessies de cochon pour des lanternes dans un but bassement életoraliste sur la base du "je suis seul à dire la vérité, c'est donc bien qu'il y a un complot".

Cordialement

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C'est du moins ç'qu'on prêche en latin à la Sorbonne<i>


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Message Publié : 27 Oct 2006 23:12 
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Salluste
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Sur le discour vrai produit par la société. Ne faut-il pas plutôt comprendre "pensée unique" comme l'a décrit JF Kahn ? Pensée qui ensuite, énonce un discours unique, qui est entendu in fine comme un discours vrai...

De sorte que toute critique à contre-courant, lorsqu'elle est audible, est a priori fausse, affabulatrice, risible.



Maintenant, en histoire, il y a des invariants ( comme il s' en dégage de l' histoire "bataille" par exemple), des points d'accord et des questions qui divisent la communauté des chercheurs.
Mais ce qui est considéré comme "vrai", je ne pense pas qu'il faille l'imputer à l'air du temps.
Sur l'exemple de la folie, l'historien va définir ce qu'est la folie (c'est la base de toute étude), en fonction de quels facteurs ? Le facteur clinique défini par les spécialistes d'aujourd' hui, ou par l'idée de ce qu'elle représentait, de ce qu'elle signifiait pour les hommes de l'époque où il place son étude ?
L'historien se penche plutôt sur la représentation de la folie dans la période concernée, sa signification sociale, à partir des sources, et pas entièrement sur sa propre conception de la maladie telle que nous la connaissons aujourd'hui.

Jean-Claude Schmitt préconise même, pour étudier le christianisme médiéval, de ne pas utiliser la terminologie chrétienne ! Il évite ainsi l'écueil de la transposition des valeurs que nous attribuons aux préceptes catholiques, et que les hommes du Moyen Age leur attribuaient également.


Le discours historique, à mon sens, n'est pas le fruit d' un regard unanime dicté par l'air du temps.
S'il est considéré, sur une question, comme étant "vrai", il le reste tant qu'une nouvelle approche en nuancera ou réduira à rien le propos.
C'est tout simplement la logique scientifique observable dans toutes les compartiments du savoir.

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Message Publié : 28 Oct 2006 18:47 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Avr 2005 10:54
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La définition du vrai est-elle dépendante de la période historique ? C'est difficile d'avancer que sur un objet X, il existerait une définition de X qui rendrait compte en quelque sorte de ce qu'il est vraiment, ou "essentiellement", quelque soit les conditions de son énonciation (sociales, historiques, culturelles, etc.) tandis que ce serait la représentation de X qui serait sujette à relativisation. Car est-il possible d'avoir une appréhension immédiate de l'objet ? ou cette appréhension est-elle toujours médiatisée ? En fait, de l'objet X, nous n'avons jamais que des représentations. On peut ainsi montrer effectivement que la définition de l'objet "fou" a évolué avec l'histoire.

Maintenant, bien entendu, il existe des invariants, en histoire, comme dans n'importe quelle discipline. L'épistémologie naïve considère qu'il existe des objets de connaissance empirique qui soient aussi "essentiellement" vrais que 2+2=4. Ou puisque personne ne peut nier la progression de la connaissance, que celle-ci tend vers une représentation de l'objet identique à "sa" vérité. C'est effectivement peu ou prou la doctrine de Popper dans laquelle un énoncé est considéré comme vrai tant qu'un autre ne vient pas le détroner.
Il faut d'abord rappeler que Popper lui-même excluait les sciences humaines et sociales de cette conception de la science. Selon lui, ces disciplines fonctionnent selon un autre modèle. Et par ailleurs, d'autres épistémologues ont depuis montré que la doctrine de Popper décrivait un processus qu'on pourrait qualifier d'idéal, mais qui ne tenait pas vraiment sur le plan empirique. Ils l'ont d'ailleurs montré -juste retour des choses- en s'appuyant sur l'histoire, en particulier l'histoire des sciences.

En fait, comme le suggère sénéchal, le modèle dominant aujourd'hui consiste à privilégier une sorte de consensus implicite. Ce qui est "vrai", c'est ce qui constitue un point d'accord au sein de la communauté des chercheurs de la discipline concernée. Une vérité conventionnelle, donc, sociale, oui, et historique. Il est donc un peu vain, me semble-t-il, de fustiger la "pensée unique" -qui est bien souvent double, d'ailleurs, comme je l'ai déjà écrit ici : la "pensée unique", c'est toujours celle de l'Autre- car, jusque dans ses fondements scientifiques, la vérité est conventionnelle. D'ailleurs, je pense pour ma part que c'est justement ce qui différencie aujourd'hui la pensée scientifique de la pensée dogmatique : La vérité appartient à la seconde, non à la première.


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Message Publié : 28 Oct 2006 23:53 
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Salluste
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Inscription : 15 Sep 2006 13:16
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Je partage entièrement votre avis Bergame.
Juste une toute petite précision. J'ai employé l' expression pensée unique pour le discours produit par la société en général, ses relais d'opinion, etc...
Je ne parlais pas du discours historique en particulier... :)

Cordialement.

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Message Publié : 29 Oct 2006 8:27 
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Philippe de Commines
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Tristan Ludlow a écrit :
Adieu, la froideur de la scolastique


Mais la scolastique n'était-elle pas le "discours vrai" de l'époque ?
Partant du postulat "Dieu existe et est unique et c'est celui des chrétiens", Son but n'était-il pas de faire entrer toute pensée, toute philosophie, dans ce postulat ? ou j'ai mal compris ?
Est-il discours plus lié initimement à une époque ?

-----

PS qui n'a rien à voir: que vient faire dans cette discussion le crédo politique de monsieur MG42 (qui a bien le droit de voter pour qui il veut tant que ses amis ne sont pas au pouvoir, mais pas de le dire ici, me semble-t-il) ?
Citer :
La mythologie des enseignants se nourrit de Guernica en tout genre

Serait-il aussi négationiste à propos de cet évènement ?

_________________
"La vie des hommes qui vont droit devant eux, renaitraient-ils dix fois en dix mondes meilleurs, serait toujours semblable à la première. Il n'y a qu'une façon d'aller droit devant soi." (Pierre Mac Orlan)


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Message Publié : 29 Oct 2006 11:49 
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dédé a écrit :
PS qui n'a rien à voir: que vient faire dans cette discussion le crédo politique de monsieur MG42 (qui a bien le droit de voter pour qui il veut tant que ses amis ne sont pas au pouvoir, mais pas de le dire ici, me semble-t-il) ?
Citer :
La mythologie des enseignants se nourrit de Guernica en tout genre

Serait-il aussi négationiste à propos de cet évènement ?

Oui, en effet il y aurait à redire sur Guernica, mais là n'est pas le sujet....
par contre je ne vois pas en quoi mon intervention est hors sujet, bien au contraire, elle démontre bien qu'il existe une ligne de conduite intellectuelle hors de laquelle il ne fait pas bon s'aventurer sans être taxé de fâââchiste :pong: , de râââciste :pong: etc.

Tristan Ludlow a écrit :
La société produit un "discours vrai" : c'est le discours qu'elle prend pour vrai. C'est un discours en harmonie avec la sensibilité sociale, ses conventions, sa morale, ses cognitions.
c'est exactement ce que je veux dire.

senechal a écrit :
Sur le discour vrai produit par la société. Ne faut-il pas plutôt comprendre "pensée unique" comme l'a décrit JF Kahn ? Pensée qui ensuite, énonce un discours unique, qui est entendu in fine comme un discours vrai...
De sorte que toute critique à contre-courant, lorsqu'elle est audible, est a priori fausse, affabulatrice, risible.
.
là aussi, c'est bien au sens que je le constate tous les jours.


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Message Publié : 29 Oct 2006 13:09 
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Grégoire de Tours
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Mais quand même, il y a une chose que je ne comprends pas. Veuillez je vous prie accepter que je ne parle pas de vous, mais d'un individu quelconque, X.
Si X adopte un discours, ou développe des propos qu'on peut rapprocher de discours "fascistes", pourquoi donc X aurait-il peur de s'assumer comme fasciste ? Bon, qu'on refuse de se reconnaitre comme "raciste", je le comprends, c'est puni par la loi. Mais à ma connaissance, ce n'est pas le cas du "fascisme", ou me trompai-je ?
N'est-ce pas au fond parce que X a bien le sentiment diffus, lui aussi, que le fascisme, "c'est pas bien" ? Est-ce qu'il n'intègre pas, lui aussi, le discours de la société ?

Effectivement, il existe des valeurs, dans une société. Elles ne forment pas un corpus aussi fixé que cela, mais peu importe : admettons. Disons que X ne se retrouve pas personnellement dans chacune de ces valeurs. Disons par exemple que, étant bien nanti, il regrette fortement de devoir se justifier parfois à propos de sa richesse personnelle, et fustige cette société où l'argent est dévalorisée et où l'égalité semble être une idéologie dominante. Je pose la question : Qu'est-ce qui oblige X, au fond, à se justifier ? Je propose une réponse : Au fond, il sent bien, lui aussi, même si cela lui est difficile à avouer, qu'effectivement, il lui faut se justifier, au moins à ses propres yeux. Parce qu'au fond, il a lui aussi intégré le corpus de valeurs de la société dans laquelle il évolue.

Vous connaissez la théorie de Kant : L'éthique est rationnelle. Supposons une société au sein de laquelle la valeur "enrichissement personnel" est plutôt négative. Lorsque l'homme riche revendique une éthique contraire, réclame que ce critère soit valorisé positivement, il demande en fait une exception pour lui-même. Mais il ne demande pas que son éthique personnelle devienne l'éthique de tous, car tous les hommes ne peuvent devenir riches, sinon personne ne le serait.

Au fond, MG42, si vous "démontrez" quelque chose, c'est surtout que vous avez parfaitement intégré quelles sont les valeurs de la société dans laquelle vous évoluez, et qu'au fond, vous les faites votre :wink: Car effectivement, il est difficile de défendre, sur le plan éthique, cad sur le plan des valeurs, l'ultra-libéralisme, Hitler, "le FMI qui étrangle les pays émergents", ou beaucoup d'autres exemples que vous citez. Si l'on vous demandait d'ailleurs ce qu'il y a de moral dans chacun de ces exemples, je pense que vous seriez un peu ennuyé, non ?


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Message Publié : 29 Oct 2006 13:36 
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Bergame a écrit :
Mais quand même, il y a une chose que je ne comprends pas. Veuillez je vous prie accepter que je ne parle pas de vous, mais d'un individu quelconque, X.
Si X adopte un discours, ou développe des propos qu'on peut rapprocher de discours "fascistes", pourquoi donc X aurait-il peur de s'assumer comme fasciste ? Bon, qu'on refuse de se reconnaitre comme "raciste", je le comprends, c'est puni par la loi. Mais à ma connaissance, ce n'est pas le cas du "fascisme", ou me trompai-je ?
N'est-ce pas au fond parce que X a bien le sentiment diffus, lui aussi, que le fascisme, "c'est pas bien" ? Est-ce qu'il n'intègre pas, lui aussi, le discours de la société ?

Effectivement, il existe des valeurs, dans une société. Elles ne forment pas un corpus aussi fixé que cela, mais peu importe : admettons. Disons que X ne se retrouve pas personnellement dans chacune de ces valeurs. Disons par exemple que, étant bien nanti, il regrette fortement de devoir se justifier parfois à propos de sa richesse personnelle, et fustige cette société où l'argent est dévalorisée et où l'égalité semble être une idéologie dominante. Je pose la question : Qu'est-ce qui oblige X, au fond, à se justifier ? Je propose une réponse : Au fond, il sent bien, lui aussi, même si cela lui est difficile à avouer, qu'effectivement, il lui faut se justifier, au moins à ses propres yeux. Parce qu'au fond, il a lui aussi intégré le corpus de valeurs de la société dans laquelle il évolue.

Vous connaissez la théorie de Kant : L'éthique est rationnelle. Supposons une société au sein de laquelle la valeur "enrichissement personnel" est plutôt négative. Lorsque l'homme riche revendique une éthique contraire, réclame que ce critère soit valorisé positivement, il demande en fait une exception pour lui-même. Mais il ne demande pas que son éthique personnelle devienne l'éthique de tous, car tous les hommes ne peuvent devenir riches, sinon personne ne le serait.

Au fond, MG42, si vous "démontrez" quelque chose, c'est surtout que vous avez parfaitement intégré quelles sont les valeurs de la société dans laquelle vous évoluez, et qu'au fond, vous les faites votre :wink: Car effectivement, il est difficile de défendre, sur le plan éthique, cad sur le plan des valeurs, l'ultra-libéralisme, Hitler, "le FMI qui étrangle les pays émergents", ou beaucoup d'autres exemples que vous citez. Si l'on vous demandait d'ailleurs ce qu'il y a de moral dans chacun de ces exemples, je pense que vous seriez un peu ennuyé, non ?


Excellent !

J'ajouterai un point : profiter de ce fil pour mettre en cause un discours historique, quel qu'il soit, c'est oublier que le fil pose la question de "tous les discours", y compris celui qui se veut d'opposition, non conformiste ou minoritaire. En d'autres termes, l'humilité (ou la sagesse) commanderait d'admettre que le discours habituellement défendu par X ou MG42 est aussi "faux" ou "vrai" que celui de Y ou moi-même... Faut-il encore l'admettre publiquement...

de toute façon, je suis toujours étonné par ces personnes qui dénoncent la "dictature de la pensée" dont elles seraient immunisées, j'ignore par quel miracle, sauf à considérer que l'interessé est supérieurement intelligent et, quasiment, extra-terrestre !

cordialement


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Message Publié : 29 Oct 2006 13:43 
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Polybe
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Citer :
elle démontre bien qu'il existe une ligne de conduite intellectuelle hors de laquelle il ne fait pas bon s'aventurer sans être taxé de fâââchiste , de râââciste etc.


Là encore, on mélange allègrement l'opinion politique de l'individu et l'argumentaire du professionnel qu'est l'historien.
Nier l'existence des chambres à gaz est condamné par la loi au titre de négationnisme, par la moral du plus grand nombre comme opinion "raciste", "fasciste" ou que sais-je d'autre et par la communauté historienne comme une ânerie, une contre-vérité.
En tant qu'enseignant et chercheur, je prend le négationnisme pour ce qu'il est : une erreur. En tant qu'individu, en tant "qu'animal politique" ai-je envie de dire, je tiens le négationnisme pour une manipulation qui sert la soupe à certaines tendances politiques. Les deux opinions sont parallèles, mais les deux raisonnements sont étanches l'un à l'autre.

Il est profitable à certains de mélanger les genres en se focalisant sur la condamnation morale de certaines opinions pour faire oublier qu'elles sont avant tout des fables.
C'est la stratégie victimaire de l'extrême droite dans ce pays : faire croire que sur bien des sujets on les musèle parce qu'ils disent la vérité et qu'elle est insupportable à certains.
Or, le problème se résume à savoir si l'on tolère un discours faux à but propagandiste dans un démocratie car - même si je rejoins les contributeurs de ce fil sur l'aspect collectif de la construction de la vérité - il y a des points sur lesquels on ne peut pas dire tout et son contraire sans mentir. Il en vas ainsi de l'existence de l'extermination des juifs d'Europe ou de l'existence d'Alexandre le Grand : dire que les installations homicides ou le fils de Philippe II n'existent pas est faux, tout simplement.

Quant à la pensée unique, c'est bien un fantasme : comment se fait-il que certains se rendent compte de sa présence si le système est aussi bien huilé qu'ils le pensent ?

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Message Publié : 29 Oct 2006 23:20 
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Salluste
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Inscription : 15 Sep 2006 13:16
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Il est bon en effet de rappeler que parmi les critiques d'un discours considéré comme vrai, majoritairement accepté, se cachent des sophismes qui font de leur réfutation une preuve de l'existence d'un complot visant à les museler.
Là réside le danger.
C'est cette réthorique mécanique qu'utilise l'extrême-droite et entendue à chaque élection, ou ce même discours employé par les Créationistes par exemple (au point d'avoir renverser aux E.U.le discours vrai à leur profit !)

Mais la pensée unique n'est pas un simple fantasme.
C'est tout simplement le travail de réflexion, d'autocritique et d'observation qui conduit à la définir. Une sorte de métacognition. Parfois, lorsqu'on rêve, on sait que l'on rêve, et on en est ensuite certain au réveil!

Cette pensée unique s'applique à la manière de percevoir le monde et d'en rendre compte, journalistiquement, ou politiquement.

Donc pour s'en rendre compte, il suffit pour ceux qui s'en donnent la peine, de prendre du recul par rapport à l'unicité des points de vue.
Prendre du recul, mettre de la distance...ne serait-ce pas aussi le travail de l'historien ?
Cela ne doit pas être si impossible que cela ! (:8:)

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Message Publié : 30 Oct 2006 7:51 
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Philippe de Commines
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Si parfois je me demande à quoi sert tout le temps passé sur ce forum, il est des moments comme celui-ci où je finis par comprendre.
A ce que j'ai exprimé comme une simple révolte, bien peu argumenté, face à la négation d'un fait (Guernica) qui fait partie de ce qu'on m'a enseigné ...

(parenthèse: merci à Ramon, mon professeur de dessin , qui en venait, qui nous avait fait travailler sur la toile de Picasso, en même temps que le professeur d'histoire nous parlait de la guerre d'Espagne, et que Françoise, professeur de français, nous faisait lire l'Espoir de malraux)
(parenthèse 2: un seul des trois était communiste, les deux autres étaient gaullistes, je ne sais pas si c'est important ...)

... Guernica, disais-je, qu'on m'a enseigné, certainement avec une part de mythologie , comme tout enseignement

(parenthèse 3:part de mythologie que l'individu normalement constitué, et honnête, est capable de détecter, grâce à l'esprit critique développé par l'éducation dans un pays libre)

... à ma simple révolte, disais-je, vous avez développé des arguments qui vont me permettre de lever la tête et comprendre, peut-être, pourquoi certains ont tellement besoin de nier l'histoire qui les dérange. Je vous admire, d'être capables de faire preuve de raison, quand je ne suis capable que (!) de coeur. Merci.

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Message Publié : 30 Oct 2006 7:55 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 23 Oct 2004 9:14
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NG42 a écrit :
être taxé de fâââchiste , de râââciste etc.

Juste une précision: pour ma part, je ne taxe personne de quoi que ce soit, et je vous mets au défi de trouver ce genre de qualificatif dans mes 800 interventions.
J'ai écrit "négationiste" pour la négation d'un fait historique. Simplement.

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"La vie des hommes qui vont droit devant eux, renaitraient-ils dix fois en dix mondes meilleurs, serait toujours semblable à la première. Il n'y a qu'une façon d'aller droit devant soi." (Pierre Mac Orlan)


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Message Publié : 30 Oct 2006 9:15 
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Salluste
Salluste
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Inscription : 02 Juil 2006 20:33
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Localisation : Nalanda Monastery, France
Comme Optimus Princeps l'a noté, il y avait effectivement l'influence foucaldienne dans mon message.

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Par extension, il s'agit de structuralisme. Dans le jeu de Go, une pierre n'a de valeur qu'en fonction de la configuration du goban (i.e. du plateau). Pareillement, le sujet n'a de point qu'en fonction de la configuratio sociale, de la structure sociale.


Il ne s'agit pas de tenir des propos idéalistes (au sens platonicien du terme) comme Bergame y a <presque> pensé. Il ne s'agit pas de dire "nos sens sont trompeurs ; nos perceptions sont biaisées ; les apparences sont trompeuses ; blabla blablabla blabla ... en conséquence, le discours historique retrace une perception comme une autre et n'atteint pas la vérité sur l'objet blablabla".


Il s'agit plutôt de ceci : Le politique produit des "discours vrai", ceux dont il use pour châtier et remettre droit comme un tuteur ferait. On reconnait le pouvoir qui s'exerce obscurément derrière les institutions (et leur discours) en critiquant et en attaquant (c'est oeuvrer pour la mise en lumière).


Bref, ce qui n'a aucun sens, par exemple, c'est de se demander "Caligula était-il fou ?" alors qu'il se trouvait dans une configuration sociale dans laquelle la folie n'avait pas de visage. Ou bien encore de se demander "Caligula était-il hors la loi ?" dans une configuration ou les lois n'étaient pas les notres d'une part, et ou Caligula lui-même faisait (ou était) la loi - si toutefois il n'était pas au dessus.

Je tiens seulement à souligner que le discours historique retrace le "discours vrai" d'une société ou plutôt d'une structure sociale. Et que ce "discours vrai" est l'instrument du politique. En somme, l'histoire d'une société, c'est toujours l'histoire de (ou par) son pouvoir.

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« Suffering also has its worth. Through sorrow, pride is driven out, and pity felt for those who wander in samsara; Evil is avoided, goodness seems delightful. »

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