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 Sujet du message : Querelle des Universaux
Message Publié : 15 Nov 2006 23:56 
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Salluste
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Inscription : 15 Sep 2006 13:16
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Pour ne pas faire une trop grande digression sur le fil "Discours historique : discours partial", je profite de l'allusion de Bergame sur l'opposition entre nominalistes et réalistes qui fit grand débat au Moyen Age, pour ouvrir la discussion ici.

C'est dans son introduction à la Logique d'Aristote, que le philosophe Porphyre me semble-t-il ouvre cette question (IIIè siècle) : les choses, les espèces, les genres, qui servent à catégoriser, classer, désigner les objets et les formes vivantes, sont-ils des constructions de l'esprit, ou sont-ils bien réels ?
Là est l'origine de la fameuse "Querelle des universaux".
Au Moyen Age, la filiation philosophique d'Aristote est revendiquée par les réalistes qui considèrent que les universaux (donc les concepts généraux) s'inscrivent naturellement dans la réalité.
Au contraire, pour les nominalistes, ces concepts ne sont que des mots et non des objets réels.
Roscelin de Compiègne (v. 1050-1120) défend la vision des nominalistes en déclarant que les concepts généraux ne sont qu' un flatus vocis
Son ancien élève, brillant, le célèbre Abélard, structure la position des nominalistes en leur donnant des arguments solides.
Pour lui, les universaux ne sont que des catégories produites par l'esprit. Elles ressemblent aux choses mais ne se confondent pas en elles.
Le débat aujourd'hui continue...

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Message Publié : 16 Nov 2006 10:01 
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Inscription : 02 Juil 2006 20:33
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Commencer à Porphyre, c'est commencer bien tard. C'est <très> délicat, comme sujet.

Bien avant cette "ouverture" par Porphyre et avant la querelle à laquelle répondent les nominalistes, il y a le conflit d'entre l'existentialisme et l'idéalisme. Je veux signifier entre Socrate et Platon (Platon et son engeance dont Aristote fait partie).

Je caricature.

Socrate .- Connais toi toi-même ; tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien ; j'interroge mes interlocuteurs, les faisant accoucher de leurs idées ; leurs idées accouchées, ils jugent eux-même de la légitimités de celles-ci ; l'essentiel c'est ce renvoi à soi-même ; et ce broyeur de l'interrogation ; je procède en ne résolvant pas ; ce qui reste, tout passé au broyeur de l'interrogation, c'est la subjectivité déchirée (soi-même et son courage, sa vertu, son angoisse, son désespoir, sa crainte et son tremblement, sa nausée) ; ce qui reste, c’est le « je suis une question » ; il n'y a pas de concept d'existence, ni de concept d'ironie, ni l'un ni l'autre n'est réductible, etc. Connais-toi toi-même (bis) ; le message est indissociable de l'existence du messager.

Platon .- Mais non, malheureux. Tes sens sont trompeurs, tu ne peux pas te rapporter à toi-même ; plaçons le centre de nos soucis en dehors de l'individu ; faisons de l'individu un sujet à disséquer ; faisons de notre soucis l'objectivité froide ; pensons carrés ; pensons en géomètres ; accrochons-nous aux lignes droites qu'on aura tracées sur la feuille de l'existence ; spéculons ; vos sens sont trompeurs, la Vérité vous échappe (vous ne saisissez pas le vrai qu’il y a « derrière » les choses) mais je sais comment la trouver ; le politique me dit comment puisque c'est lui que je sers - même si je ne suis pas roi, je suis philosophe ; le politique, lui-même oligarchique, me dicte les universaux dont je vais vous parler, ouvrez votre bouche que je vous donne ce pain Vrai.


Il est très difficile de "penser l'objectivité" (pensée la réalité des objets, la réalité extérieure) sans tomber en même temps dans le schéma platonicien qui persiste à travers des figures telles qu'Aristote et les scolastiques (c'est-à-dire aussi la plupart des théologiens catholiques en tous cas jusqu'à Luther), telles que Hegel etc. et telles que « le chirurgien de tous les chirurgiens » : Descartes, celui qui dissèque du mort. Cela dit, on peut "penser l'objectivité" sans considérer des universaux. Les universaux n'étaient - à peu près - que l'illustration du pouvoir politique en place. Le discours "Il y a des essences qui participent de chaque existant et qui les déterminent" pointe du doigt ce qu'il y a "derrière" la chose et que l'homme ne peut atteindre en tant que "ses sens sont trompeurs et qu'il n'a des choses que des idées". On peut aussi penser que ses sens sont trompeurs tout en pensant la particularité "mes sens sont trompeurs, je n'ai des choses que des idées, je n'ai pas accès aux choses mêmes qui sont singulières et que rien de pré-existant ne détermine". Ce schéma là a dépendu – dépend - du pouvoir en place (de la structure sociale…). Le pouvoir du temps de Platon a voulu des universaux.

Il y a d'autres courants qui y échappent à la conception d'universaux, ce sont les empiristes, les positivistes, les nominalistes, les structuralistes. Ne parlons pas des existentialistes car en "principe" leur(s) souci(s) n'est pas là et tout ceci n'est que spéculation desquelles ils préfèrent se soustraire. (moi-même je préfèrerais presque mais d'un autre côté, j'aime causer et comme disait Brel "je préfère me tromper que me taire").

L'empiriste .- Les choses sont telles que j'en fais l'expérience. Il n'y a que du particulier.

Le nominaliste .- La science n'étudie pas les choses mais les mots (génériques) qui les désignent. Le concept de chien ne mord pas (Frege), Ceci n’est pas une pipe (Magritte), Alice fatiguée : Pouvez-vous arrêter une minute ? / Je ne peux pas arrêter une minute, le temps va trop vite (Carroll) – voyez les tares du langage (et, par extension, de la logique).

Les soucis carrolliens et le nominalisme ne sont pas non plus inconnus du mouvement surréalistes qui va "bosser" contre les universaux.

Tout ceci est bien entre-mêlé, c'est un sac de nœuds tissé de nuances et de circonstances politiques, historiques (bref, structurelles) et il faudrait bien plus qu’un forum pour apporter la lumière.

J'ai dit bien peu et j'ai trop dit.

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Message Publié : 16 Nov 2006 10:17 
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Inscription : 15 Sep 2006 13:16
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Tristan Ludlow a écrit :
Commencer à Porphyre, c'est commencer bien tard. C'est <très> délicat, comme sujet.

Bien avant cette "ouverture" par Porphyre et avant la querelle à laquelle répondent les nominalistes, il y a le conflit d'entre l'existentialisme et l'idéalisme. Je veux signifier entre Socrate et Platon (Platon et son engeance dont Aristote fait partie).


Le titre de ce fil est incomplet...Il faut comprendre "Querelle des Universaux...au Moyen Age".
Ce qui n'enlève rien à votre développement très précis ! :)
J'y reveindrai plus tard, faute de temps maintenant... :)

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Message Publié : 16 Nov 2006 11:04 
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Inscription : 02 Juil 2006 20:33
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sénéchal a écrit :
Le titre de ce fil est incomplet...Il faut comprendre "Querelle des Universaux...au Moyen Age".

Alors là, j'avoue que j'ai des lacunes concernant le Moyen Âge.

Il me semble que le Moyen Âge a enfanté des théologiens plutôt que des philosophes et qu'il a même fait danser (fusionner, pour Saint Thomas d'Aquin) théologie et philosophie. Par ailleurs, la théologie catholique (se) composait avec la scolastique (l'exemple le plus frappant est probablement Saint Anselme).

La scolastique : Aristote (c'est-à-dire Platon et son engeance).

A ce stade, je pré-sent qu'il y a un lien étroit entre le pouvoir (de l'institution catholique, la main-mise, sorte de collectivisme, ce genre de choses) qu'il y a un lien étroit entre le pouvoir, donc, et le discours philosophico-théologique MAIS j'avoue que j'ignore pratiquement tout de ce discours. Lacune, donc.



Pourquoi avoir choisi cette période ?

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Message Publié : 02 Déc 2006 0:32 
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Inscription : 15 Sep 2006 13:16
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Tout simplement parce qu'elle se pose avec plus d'acuité vers le XIIè et le XIIIè siècle, et qu'il s'agit d'une période que j'affectionne particulièrement !

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 Sujet du message : Re: Querelle des Universaux
Message Publié : 01 Fév 2014 15:21 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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Bonjour,

La Bible est réaliste. En effet, dans la Genèse, c'est Dieu qui attribue des noms aux choses. Il y a donc une réalité derrière les concepts.
les nominalistes s'appuyaient ils sur des docteurs de l'église néoplatoniciens ? Ou sur complètement autre chose ?

Bien à vous.

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et tout le reste n'est que littérature


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