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Message Publié : 20 Juil 2007 18:40 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 13 Jan 2007 20:12
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Voici l'introduction de Paul Veyne à son essai "les Grecs ont-ils cru à leurs mythes _ essai sur l'imagination constituante"
A méditer pour tous ceux qui croient encore détenir la vérité historique... plus que les autres !

Citer :
Comment peut-on croire à moitié ou croire à des choses contradictoires ? Les enfants croient à la fois que le Père Noël leur apporte des jouets par la cheminée et que ces jouets y sont placés par leurs parents : alors, croient-ils vraiment au Père Noël ? Oui, et la foi des Dorzé n'est pas moins entière ; aux yeux de ces Ethiopiens, nous dit Dan Sperber, "le léopard est une animal chrétien, qui respecte les jeûnes de l'Eglise copte, observance qui, en Ethiopie, est le test principal de la religion ; un Dorzé n'en est pas pour autant moins soucieux de protèger son bétail le mercredi et le vendredi, jours de jeûne, que les autres jours de la semaine ; il tient pour vrai et que les léopards jeûnent, et qu'ils mangent tous les jours ; les léopards sont dangereux tous les jours : il le sait d'expérience ; ils sont chrétiens : la tradition le lui garantit"
Sur l'exemple de la croyance des Grecs pour leur mythes, je m'étais donc proposé d'étudier la pluralité des modalités de croyance : croire sur parole, croire d'expérience, etc. Cette étude m'a, à deux reprise, projeté un peu plus loin.
Il a fallu reconnaître qu'au lieu de parler de croyances, on devait bel et bien parler de vérités. Et que les vérités étaient elles-mêmes des imaginations. nous ne nous faisons pas une fausse idée des choses : c'est la vérité des choses qui, à travers les siècles, est drôlement constituée. Loin d'être l'expérience réaliste la plus simple, la vérité est la plus historique de toutes. Il fut un temps où les poètes ou historiens fabulaient de toutes pièces des dynasties royales, avec le nom de chaque potentat et son arbre généalogique ; ce n'était pas des faussaires et ils n'étaient pas non plus de mauvaise foi : ils suivaient la méthode alors normale pour parvenir à des vérités. Poursuivons cette idée jusqu'au bout et nous verrons que nous tenons pour vraies, à leur manière, ce que nous appelons fictions, une fois le livre refermé : l'Iliade ou Alice sont vraies, ni plus ni moins que Fustel de Coulanges. Aussi bien tenons-nous pour des rêveries, assurément intéressantes, la totalité des productions du passé et ne tenons-nous pour vrai, très provisoirement que "le dernier état de la science". C'est cela, la culture.
Je ne veux pas du tout dire que l'imagination annoncerait les futures vérités et qu'elle devrait être au pouvoir, mais que les vérités sont déjà des imaginations et que l'imagination est au pouvoir depuis toujours ; elle, et non pas la réalité, la raison, ni le long travail du négatif.
Cette imagination, on le voit, n'est pas la faculté psychologiquement et historiquement connue sous ce nom ; elle n'élargit pas en rêve ni prophétiquement les dimensions du bocal où nous sommes enfermés : elle en dresse au contraire les parois et, hors de ce bocal, il n'existe rien. Pas même les futures vérités : on ne saurait donc donner à celles-ci la parole. dans ces bocaus se moulent les religions ou les littératures, et aussi bien les politiques, les conduites et les sciences. Cette imagination est une faculté, mais au sens kantien du mot ; elle est transcendantale ; elle constitue notre monde au lieu d'en être le levain ou le démon. Seulement, chose à faire s'évanouir de mépris tout kantien responsable, ce transcendantal est historique, car les cultures se succèdent et ne se ressemblent pas. Les hommes ne trouvent pas la vérité : il la font, comme ils font leur histoire, et elles le leur rendent bien.

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Ne parlez jamais sèchement à un Numide.


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Message Publié : 20 Déc 2009 2:43 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 22 Déc 2008 13:52
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%1 :wink:


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Message Publié : 20 Déc 2009 3:22 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
Un très bon ouvrage qui se rappel ici à mon bon souvenir... Cela fait déjà quelque temps que je l'ai lu et y remettre le nez ne me ferait pas de mal... :mrgreen:

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 20 Déc 2009 9:35 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 25 Juil 2009 21:18
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Localisation : Vienne (86)
Paul Veyne, Jean Pierre Vernant, Pierre Vidal Nacquet...des hommes parlant de mythologie ( entre autre ) avec une intelligence remarquable.

_________________
> Le courage, c'est de comprendre sa propre vie... Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille... Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel.
( Jean Jaurès )


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Message Publié : 20 Déc 2009 13:57 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Localisation : Limoges
C'est l'histoire comme je l'aime ; intelligente, remarquablement bien pensée, un brin polémique... En bref des historien qui savent (et savaient malheureusement) s'investir dans leur matière et sortir d'un carcan d'une absolue rigueur.

_________________
Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 20 Déc 2009 14:20 
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Tite-Live
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Inscription : 05 Sep 2009 12:57
Message(s) : 343
Localisation : nederland
Bonjour,

En ce qui concerne J.P.Vernant,ce lien contient une dizaine d'entretiens sur la TRS(Suisse),très intéressant!

_________________
Ecrire l'Histoire, c'est foutre la pagaille dans la Géographie.
[Daniel Pennac]


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Message Publié : 20 Déc 2009 21:38 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 25 Juil 2009 21:18
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Localisation : Vienne (86)
Pédro a écrit :
C'est l'histoire comme je l'aime ; intelligente, remarquablement bien pensée, un brin polémique... En bref des historien qui savent (et savaient malheureusement) s'investir dans leur matière et sortir d'un carcan d'une absolue rigueur.


Après les poussées nationalistes et théologiques qui ont dernièrement polluées ce forum celà fait du bien de se ressourcer en discutant d'une pensée intelligente et raisonnée. :wink:

_________________
> Le courage, c'est de comprendre sa propre vie... Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille... Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel.
( Jean Jaurès )


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Message Publié : 20 Déc 2009 22:48 
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Georges Duby
Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Aspasie mineure a écrit :
Citer :
Les hommes ne trouvent pas la vérité : il la font, comme ils font leur histoire
L'essentiel est la, tout est construit mais cette construction est notre réalité et elle nous guide par sa représentation.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 21 Déc 2009 22:21 
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Jules Michelet
Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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Ouvrage magistral effectivement, c'est un de mes livres de chevet. Contre les idées arrêtées, les conclusions qui se veulent définitives, cela peut paraître désespérant à certains, mais finalement ce livre tape très souvent juste, et pour moi c'est une véritable incitation à pratiquer et apprécier encore plus la discipline historique. En plus c'est court, disponible à un prix copain, alors on a aucune excuse de ne pas l'avoir lu et relu.


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Message Publié : 21 Déc 2009 23:18 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 27 Oct 2009 8:31
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Je suis un peu réservé, j'aimerais plus d'explications.

Je n'arrive pas à comprendre comment l'auteur conçoit la vérité. Ce que l'on croit ? Les traditions ? La culture ? Un mélange de tout ça ?

Si l'on prend l'exemple de l'enfant qui prend le père noël pour vrai, et qui sait que les parents placent les jouets devant la cheminée - c'est le seul qui corresponde à ma culture -, il me semble que c'est un état provisoire de l'enfant ; en réfléchissant, il va très vite prendre le père noël pour faux. Si quelqu'un lui pose la question, ou s'il doit exercer cette "vérité", alors il ne va plus la considérer comme vraie.

J'admets qu'il existe des relations complexes entre vérité, imagination, expérience, culture, etc. Cependant il me semble que le noeud essentiel se trouve entre vérité et réalité, même si celui entre vérité et imagination est majeur, comme le dit l'auteur. Effectivement comme il le dit, si la réalité n'entre pas en ligne de compte, alors l'imagination ne serait plus qu'un bocal qui se ferme, et nous ferions la vérité, nous ne la trouverions pas.

Prenons, d'ailleurs, le terme "imagination" lui même. L'auteur dit : Cette imagination, on le voit, n'est pas la faculté... Que voit-il ? Rien, s'il n'y a pas de réalité.

D'où le fait que l'histoire, qui revisite les traces de la réalité passée, puisse enrichir aussi bien notre compréhension du présent que notre imaginaire, à mon opinion.

Maintenant, il est difficile de se faire une opinion sur un texte aussi court qui aborde tant de choses. Pourriez-vous m'expliquer ?


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Message Publié : 21 Déc 2009 23:18 
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Tite-Live
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Inscription : 14 Déc 2007 13:07
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J'aime beaucoup ce livre... cependant, je ne vois viens dans le passage que vous citez qui fasse référence à la "vérité historique"...

_________________
"Un monde ne saurait être fictif par lui-même, mais seulement selon qu'on y croit ou pas." - Paul Veyne


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Message Publié : 22 Déc 2009 1:50 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Avr 2005 10:54
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Mista a écrit :
Je suis un peu réservé, j'aimerais plus d'explications.

Je n'arrive pas à comprendre comment l'auteur conçoit la vérité. Ce que l'on croit ? Les traditions ? La culture ? Un mélange de tout ça ?

Si l'on prend l'exemple de l'enfant qui prend le père noël pour vrai, et qui sait que les parents placent les jouets devant la cheminée - c'est le seul qui corresponde à ma culture -, il me semble que c'est un état provisoire de l'enfant ; en réfléchissant, il va très vite prendre le père noël pour faux. Si quelqu'un lui pose la question, ou s'il doit exercer cette "vérité", alors il ne va plus la considérer comme vraie.

J'admets qu'il existe des relations complexes entre vérité, imagination, expérience, culture, etc. Cependant il me semble que le noeud essentiel se trouve entre vérité et réalité, même si celui entre vérité et imagination est majeur, comme le dit l'auteur. Effectivement comme il le dit, si la réalité n'entre pas en ligne de compte, alors l'imagination ne serait plus qu'un bocal qui se ferme, et nous ferions la vérité, nous ne la trouverions pas.

Prenons, d'ailleurs, le terme "imagination" lui même. L'auteur dit : Cette imagination, on le voit, n'est pas la faculté... Que voit-il ? Rien, s'il n'y a pas de réalité.

D'où le fait que l'histoire, qui revisite les traces de la réalité passée, puisse enrichir aussi bien notre compréhension du présent que notre imaginaire, à mon opinion.

Maintenant, il est difficile de se faire une opinion sur un texte aussi court qui aborde tant de choses. Pourriez-vous m'expliquer ?


Mais je crois que vous avez bien cerné le problème. Veyne est effectivement relativiste -j'avais tenté de définir ce qu'était le relativisme en histoire ici. Veyne est d'ailleurs un cas très intéressant pour l'historiographie car il est sans doute, en France, celui qui assume le mieux, et je dirais, qui expérimente consciemment, une autre écriture de l'histoire. Jon Elster, un épistémologue des sciences sociales important, disait d'ailleurs que "Les Grecs ont-ils cru" est l'ouvrage le plus radical de Veyne. Dans "Le Pain et le Cirque", on est encore à un niveau où disons, la vérité "existe", mais elle est l'objet de manipulations de la part des acteurs historiques eux-mêmes. Dans "Comment on écrit l'histoire", l'influence de Foucault est plus évidente, et il s'agit de dire que la vérité est elle-même historique. Comme vous l'avez très bien vu, l'opinion de Veyne est que les hommes du passé pensaient dans des catégories qui étaient celles de leur temps et que, par conséquent, l'histoire appartient à l'histoire, et ne peut pas réellement servir à la compréhension de notre présent : Nous pensons, nous comprenons le réel, notre réel, avec des catégories de la pensée qui sont les notres, elles aussi -et qui, par exemple, ne sont pas celles des Grecs. En conséquence, l'histoire légitime ne peut être que descriptive, et s'attacher à essayer de voir le réel à travers les yeux des acteurs historiques -qui ne sont pas nos yeux à nous. C'est typiquement une approche phénoménologique, et je suis personnellement assez d'accord avec cela : Autant que possible, il faut essayer de comprendre le réel historique comme pouvaient le comprendre les acteurs de ce réel -et non pas nécessairement comme on le comprend, nous. Car si l'on ne respecte pas ce principe, on est naturellement porté à juger les acteurs historiques, par exemple à leur attribuer inconsidérément des responsabilités pour des évènements qui se sont révélés "désastreux" par la suite, ou au contraire, à accorder trop d'importance à leur part personnelle dans l'occurence d'évènements qui se révèleront ensuite "bénéfiques". "Désastreux" et "bénéfiques" étant non seulement des jugements de valeur, mais encore, des évaluations dont les acteurs historiques étaient bien sûr incapables -je parle de tous ceux qui n'avaient pas le don de lire l'avenir.

Dans "Les Grecs ont-ils", le raisonnement est poussé au bout parce que l'ouvrage porte sur les croyances des acteurs historiques. Comment pénétrer les croyances d'individus qui ne pensaient pas comme nous, et surtout, comment juger de leur "vérité" ? Je reprends votre très bon exemple :

Citer :
Si l'on prend l'exemple de l'enfant qui prend le père noël pour vrai, et qui sait que les parents placent les jouets devant la cheminée - c'est le seul qui corresponde à ma culture -, il me semble que c'est un état provisoire de l'enfant ; en réfléchissant, il va très vite prendre le père noël pour faux. Si quelqu'un lui pose la question, ou s'il doit exercer cette "vérité", alors il ne va plus la considérer comme vraie.

Soit, mais qu'arriverait-il si personne ne lui posait la question ? Et même : qu'arriverait-il si l'enfant grandissait dans un "monde" (au sens du réel tel qu'il est perçu par l'individu, son environnement, les phénoménologues appellent cela "Umwelt" ou "monde vécu") dans lequel tout le monde croit au Père Noël ? N'y a-t-il pas des chances pour que l'enfant, en grandissant, continue de croire au Père Noël ? En fait, voici à peu près l'idée de Veyne : Dans ce monde-là, le Père Noël serait aussi vrai et aussi réel pour l'enfant devenu adulte que la relativité générale est réelle pour vous.
Autre manière de dire : Ce qui est vrai, c'est ce qu'on croit vrai et ce que tout le monde autour de nous croit vrai.

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...que vont charmant masques et bergamasques...


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Message Publié : 22 Déc 2009 8:33 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 27 Oct 2009 8:31
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Merci pour toutes ces précisions. De mon coté je précise que je ne suis pas du tout opposé à ces idées, seulement je pense que, si on va au bout de leur logique, elles conduisent à des erreurs.

Par exemple, toujours avec le père noël que vous reprenez, il n'est pas possible que tout le monde croit que le père noël place les cadeaux, puisque au moins les parents le font. Une société où tout le monde croirait que c'est le père noël seulement - c'est malheureusement possible et des choses du même type sont arrivées - ne le croirait que à cause d'un forçage autoritaire, d'une force qui obligerait à y croire, empêchant de voir ou d'entendre. Bref, ce serait une société en souffrance ; un discours qui ne se baserait que sur les croyances du moment masquera cette souffrance.

Autrement dit, il y a forcément quelqu'un ou quelque chose qui pose la question :-) Et ce, dans le temps des acteurs. Mais peut être deviens-je trop extrême moi même ?

Après, en déduire que telle chose est bonne ou mauvaise sont des erreurs de perspective, je plussois.

Pour le reste je suis tout à fait d'accord avec l'importance de la démarche de Monsieur Veyne, surtout si sa démarche est consciente et assumée. Sans doute l'a-t-il mieux décrite en d'autres endroits. Nous pensons en catégories, affirme-t-il... (ou affirmez-vous ? )... est-ce vraiment le cas de tous ? Je ne le crois pas, je n'en suis pas sûr, il me semble avoir entendu dire que l'accès à la généralité, à la généralisation, la factorisation, était une conquête récente de l'esprit humain (disons, entre -500 et +500)... la mythologie étant elle même un mode de pensée, est-ce une catégorisation ?... j'ai peine à imaginer qu'un spécialiste de la mythologie l'assimile à notre mode de pensée par catégorisation ?...

Pour répondre à Aspasia, qui ne voit rien sur la vérité historique (ha... ces catégories...) dans le passage, mon problème est que je ne vois pas trop ce qu'est le concept de vérité dans le passage, justement. Et, comme nous sommes dans un forum d'histoire, une première hypothèse est que ce n'est pas la vérité technique, ou politique, ou religieuse, ou...


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Message Publié : 22 Déc 2009 10:54 
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Philippe de Commines
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Inscription : 25 Juil 2009 21:18
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L'interview, de Paul Veyne accordé, à l'express nous donne des pistes de réflexion utiles sur un sujet complexe.

http://www.lexpress.fr/culture/livre/jean-pierre-vernant-le-sens-de-la-vie_809732.html

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Message Publié : 22 Déc 2009 13:19 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Avr 2005 10:54
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La discussion porte sur l'historiographie de Paul Veyne, non Jean-Pierre Vernant.

Mista a écrit :
Par exemple, toujours avec le père noël que vous reprenez, il n'est pas possible que tout le monde croit que le père noël place les cadeaux, puisque au moins les parents le font. Une société où tout le monde croirait que c'est le père noël seulement - c'est malheureusement possible et des choses du même type sont arrivées - ne le croirait que à cause d'un forçage autoritaire, d'une force qui obligerait à y croire, empêchant de voir ou d'entendre. Bref, ce serait une société en souffrance ; un discours qui ne se baserait que sur les croyances du moment masquera cette souffrance.

Autrement dit, il y a forcément quelqu'un ou quelque chose qui pose la question :-) Et ce, dans le temps des acteurs. Mais peut être deviens-je trop extrême moi même ?

:wink:
Examinons ensemble ce que vous êtes en train de dire. Vous êtes en train de dire qu'une société dans laquelle les croyances des individus concordent peu ou prou est une société "en souffrance". Pourquoi ce jugement unilatéral ? Parce que, dites-vous, cette concordance ne peut être imposée que par en haut, autoritairement. Il ne peut s'agir que d'une société dans laquelle le pouvoir impose, par la contrainte et l'endoctrinement, une idéologie, c'est-à-dire un système de croyances. Et à cette société "en souffrance", vous opposez implicitement une société dans laquelle, par contraste, les croyances peuvent être plurielles. Qu'êtes-vous donc en train de faire ? Hé bien vous êtes tout simplement en train de réfléchir dans les termes de l'alternative démocratie / totalitarisme. N'est-ce pas ?
Mais cette alternative, elle est spécifiquement celle de notre temps. Le raisonnement que vous produisez ici, c'est un raisonnement qui n'a de sens que depuis la seconde moitié du XXe s. et encore, essentiellement pour des occidentaux. Vous comprenez que c'est précisément le contraire de ce que propose Veyne : S'abstraire autant que possible des catégories qui sont les notres, aujourd'hui, pour tenter de comprendre le réel tel qu'il était perçu, compris, évalué, par les acteurs de ce réel historique.
En l'occurence, je pense que si vous essayez, vous verrez qu'il est tout à fait possible de concevoir des sociétés dans lesquelles les individus partagent peu ou prou un système de croyances communes, sans forcément y associer l'idée que cette croyance ait été imposée d'en haut, par la contrainte et l'endoctrinement, ou du moins, sans que cet "endoctrinement" conduise nécessairement à la "souffrance". Essayez simplement de réfléchir au statut du christianisme dans l'occident médiéval, par exemple. Diriez-vous que l'occident médiéval était une société "en souffrance" ?

Pour être complet, il y a aussi un autre problème, plus concret. C'est que, dites-vous, on peut vérifier si le Père Noël existe, puisque lorsqu'on est adulte, on place soi-même les cadeaux au pied du sapin. Donc on sait, à ce moment-là, que le Père Noël n'existe pas. Vous avez raison, il y a, dans cet exemple, la possibilité d'une vérification empirique que tout le monde peut faire. Mais e que cela signifie, c'est que l'exemple, en fait, n'est pas si bon que cela. Parce que le propre des dieux, c'est qu'on n'est jamais en position de vérifier empiriquement leur existence ou leur inexistence. C'est la raison pour laquelle leur existence ou leur inexistence n'est seulement et ne peut être, qu'une question de croyance.


Citer :
Pour le reste je suis tout à fait d'accord avec l'importance de la démarche de Monsieur Veyne, surtout si sa démarche est consciente et assumée. Sans doute l'a-t-il mieux décrite en d'autres endroits. Nous pensons en catégories, affirme-t-il... (ou affirmez-vous ? )... est-ce vraiment le cas de tous ? Je ne le crois pas, je n'en suis pas sûr, il me semble avoir entendu dire que l'accès à la généralité, à la généralisation, la factorisation, était une conquête récente de l'esprit humain (disons, entre -500 et +500)... la mythologie étant elle même un mode de pensée, est-ce une catégorisation ?... j'ai peine à imaginer qu'un spécialiste de la mythologie l'assimile à notre mode de pensée par catégorisation ?...


Vous utilisez ici le terme "catégorie" au sens fort, je l'utilise au sens faible, comme un terme qui appartient à la tradition philosophique et caractérise, diversement selon les auteurs, les facultés cognitives en général. Mais vous voyez, lorsque vous réfléchissez implicitement dans les termes de l'alternative "démocratie" / "totalitarisme", vous pensez dans des catégories qui sont celles de notre époque.

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