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Message Publié : 16 Nov 2007 10:48 
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Inscription : 13 Mars 2006 10:38
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Localisation : Lorraine
Je reprends ici une remarque faite dans le sous-forum « Grand Siècle » à propos de la Relation de la cour de France d’Ezéchiel Spanheim, qui pose le problème du sens à donner aux textes des mémorialistes, entre les motivations que les auteurs eux-mêmes y ont apportées, et l’interprétation qu’en font les historiens.

Citer :
...les propos attribués à Spanheim, qui apparaissent de plus en plus comme ceux d'un porte-parole, que d'un témoin privilégié (le débat reste ouvert)...

Attribués à ? Y aurait-il un doute sur l'auteur de ce texte ?
Sinon, débat plus que jamais ouvert en effet... Porte-parole ? Au nom de quel groupe ou de quelle personne Spanheim s’exprimait-il ? Se sentait-il dépositaire d’un message particulier à délivrer ? C’est en répondant à cette définition même du porte-parole que Spanheim en mériterait me semble-t-il le qualificatif. Demandons-nous alors pourquoi a-t-il écrit cette relation ? Il s’agit d’un diplomate de retour de mission qui fait un rapport à son souverain, comme il le dit lui-même :

« Puisqu’on a désiré de moi une Relation de la cour de France après un emploi public de neuf années que je venais d’y remplir de la part de Leurs Altesses Electorales de glorieuse mémoire et aujourd’hui régnante, [...] ».

Bien sûr, sa Relation n'est pas objective, mais elle n’était pas destinée à une quelconque publication, si bien qu’elle est restée au fond des cartons des Archives d’Etat à Berlin jusqu’à une publication très partielle en 1781, passée totalement inaperçue. Tout au long du XVIIIème et même du XIXème siècle, Spanheim n’est cité que comme numismate et philologue, la monumentale Biographie universelle ancienne et moderne de Louis Gabriel Michaud publiée en 1842, par exemple, bien qu'elle lui consacre trois longues pages en donnant une impressionnante bibliographie, ne cite pas cette oeuvre. La première véritable édition de la Relation date de 1872. Si on le considère comme un porte-parole, on doit donc constater que sa parole n’a pas dépassé son souverain. En fait, Spanheim n’avait aucune intention de cet ordre, mais ce sont les historiens qui en établissant des comparaisons avec d’autres mémoires de cet ordre, comme celles de Saint-Simon, ont pu le bombarder porte-parole a posteriori, en lui attribuant des intentions qu’il n’avait pas. Par contre, pour Saint-Simon, c’est bien la nature même de son oeuvre plus qu’une construction historienne qui en fait un porte-parole, d'abord parce que, bien que ses Mémoires elles aussi fussent publiées après le temps qu’il évoque (1788), Saint-Simon envisageait cette publication, et se savait écrire pour la postérité :

« Il faudrait donc qu’un écrivain eût perdu le sens pour laisser soupçonner seulement qu’il écrit. Son ouvrage doit mûrir sous la clef et les plus sûres serrures, passer ainsi à ses héritiers, qui feront sagement de laisser couler plus d’une génération ou deux, et de ne laisser paraître l’ouvrage que lorsque le temps l’aura mis à l’abri des ressentiments ». (S’il est permis d’écrire l’histoire, introduction aux Mémoires)

Ensuite parce qu’elles sont davantage les Mémoires du duc inscrit dans sa caste que de l’homme (la part autobiographique n’étant paradoxalement pas le sujet principal des Mémoires), davantage une vision polémique, une philosophie de l’histoire, qu’une relation de faits : c’est le sens de ce qu’écrit Yves Coirault dans son introduction générale aux Mémoires dans l’édition de la Pléiade, lorsqu’il tente de définir l’état d’esprit de Saint-Simon lorsqu’il rédigeait son texte, éloigné alors de la cour et dans un monde qui n'était plus le sien:
« ...il est suffisamment instruit de l’universelle décadence et de l’imminence du chaos. Oui, tout est vanité, sauf peut-être l’écriture, l’exécution d’un ancien projet, qui, au début du siècle, n’apparaissait pas comme un si grand dessein ».

Y. Coirault trouve le mot juste en transformant le "projet" en "dessein": il afirme ainsi une volonté intime de l'auteur. Mais la tâche est souvent délicate donc de faire la part entre la volonté consciente des mémorialistes pendant l'écriture de porter un message, et de l'interprétation qu'en font longtemps après leurs exégètes.

J'ai utilisé ici deux exemples, limités au XVIIème siècle, pour ouvrir le débat, mais ils sont innombrables à toutes les époques et chacun peut avoir son originalité...

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 Sujet du message : Au sujet des mémoires
Message Publié : 11 Déc 2007 20:31 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 05 Oct 2005 20:39
Message(s) : 2064
Localisation : Lyon-Vénissieux
Il y a un proverbe qui dit ; 'Comme je n'ai rien à cacher, je n'écrirai pas mes mémoires".

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Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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