Sans compter qu'à force de citer toujours les acteurs, tous les ouvrages sur un même sujet se ressemblent...
J'y vois encore là le débat séculaire sur le rôle de l'historien. Doit-il faire revivre le passé en s'effaçant derrière lui ou le recréer à partir des données factuelles dont il dispose ? Citer à tout bout de champ, c'est concevoir l'histoire dans sa fonction cumulative ; saupoudrer son raisonnement par des citations, c'est concevoir l'histoire dans sa fonction différentielle. Voir ci-dessous les deux équations :
Fonction cumulative a écrit :
h = P + p (où P est le passé de l'histoire et p le présent de l'historien)
avec p = 0
C'est la vieille lune positiviste anti-Michelet de la crainte du moi romantique de l'historien, qui les a conduits à concevoir une méthode critique où l'historien fait jaillir le fait de la source, s'effaçant derrière son objet, et liant les faits par un récit.
Fonction différentielle a écrit :
h = P / p
avec p ≠ 0, sinon la division est impossible
C'est une vision consacrée par Marrou et entamée sous les Annales, où l'historien construit son objet, ses sources, voire son temps avec Braudel.
Ce sont d'ailleurs les historiens qui se réclament de cette démarche qui peuvent écrire des pages somptueuses et érudites sans beaucoup citer. Les ouvrages de Foucault ne passent pas pour être blindés de notes infrapaginales.
Si depuis les années 1970, la narrativité et le récit en histoire a connu un souffle nouveau, notamment avec Paul Veyne et le
linguistic turn anglo-saxon, on ne peut guère dire que les ouvrages de Bordonove sont de la même trempe. C'est plutôt un retour à la fin du XIXe, voire un retour à Michelet !