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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 06 Mai 2009 13:15 
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Christiane Taubira publie un livre en réponse à celui de Nora et Chandernagor:

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Présentation de l'éditeur:

Citer :
Quel rapport entre la crise outre-mer, l'élection de Barack Obama vécue comme un exploit ou le drame de Clichy ? Quel rapport avec la loi Taubira reconnaissant la traite et l'esclavage comme crimes contre l'humanité, et devenue le symbole des lois mémorielles ? Est-il légitime que les politiques se mêlent d'histoire ? A quand l'égalité pour les exclus de notre histoire et de notre mémoire coloniales ? A quand l'égalité pour leurs descendants, exclus de la vie politique, économique et culturelle de la Nation ? Régulièrement accusée de remettre en cause la liberté pour l'histoire et surtout d'ouvrir la boîte de Pandore (concurrence des mémoires, communautarisme, repentance), Christiane Taubira répond ici pour éclairer la réflexion, essentielle dans une démocratie, sur l'articulation entre l'Histoire, la Mémoire et la Loi. Mais aussi et surtout pour défendre l'honneur des vivants et la mémoire des morts de cette histoire coloniale dont la société française est l'héritière. Vivants et morts qui, quelle que soit la couleur de leur peau, portent témoignage d'une certaine idée de l'Homme, de sa dignité et, pas si accessoirement que cela, de la France. Une leçon d'histoire et de politique servie par une plume généreuse et acérée.

Biographie de l'auteur
Députée de Guyane et membre de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée Nationale, candidate à l'élection présidentielle de 2002, Christiane Taubira a donné son nom à la loi du 21 mai 2001 reconnaissant la traite négrière et l'esclavage comme des crimes contre l'humanité. Elle est notamment l'auteur de L'esclavage raconté à ma fille (2002) et Rendez-vous avec la République (2007).

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"Il est plus beau d'éclairer que de briller" (Thomas d'Aquin).


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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 06 Mai 2009 15:28 
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Grégoire de Tours
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Je me penche sur le bilan de Liberté pour l'Histoire présenté par Phocas, et je suis quand même atterré. Je trouve vraiment questionnante une phrase comme : "La Mission parlementaire d’information sur les questions mémorielles [...] a conclu que l’Assemblée nationale devait cesser de voter des lois qualifiant de « génocide » et de « crime contre l’humanité » (notions modernes) des événements du passé", sachant que cette Mission était présidée par le Président de l'Assemblée Nationale lui-même. L'Assemblée Nationale, qui représente le peuple français, n'a pas de compte à rendre à des historiens ni à quelqu'autre corporation que ce soit. Je trouve vraiment inquiétant que des historiens fassent intrusion dans l'action politique, et prétendent dire au Législateur ce sur quoi il doit statuer et ce sur quoi il ne doit pas statuer. Ce n'est quand même pas aux historiens de faire les lois, ce n'est pas leur métier ni leur vocation !

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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 06 Mai 2009 16:07 
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De la même manière que ce n'est pas à la représentation nationale de fixer par la loi un jugement moral globalisant et inquisiteur s'appliquant à des périodes chronologiques qu'elle ne comprend pas et qu'elle n'a pas à juger sous le prétexte que cela correspond à une (des) idée(s) contemporaine(s) de l'opinion publique. :wink:

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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 06 Mai 2009 18:15 
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Philippe de Commines
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Inscription : 05 Jan 2008 16:29
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Mais il ne me semble pas que ce soient les historiens qui font la loi, Bergame.

Ils ont fait valoir leur point de vue, comme tout citoyen est fondé à le faire. Et dans sa sagesse, la commission a jugé ce point de vue pertinent.

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Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)

Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 06 Mai 2009 18:29 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Avr 2005 10:54
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Mais qui décide de ce qu'il faut juger et comment il faut juger, alors, si ce n'est ni le Législateur ni l'opinion publique ?

Oui, j'adhère déjà plus, Huyustus, mais d'une part, vous avez tort, tout citoyen n'est pas fondé à faire entendre son point de vue au Président de l'AN, il y a des députés pour cela et Nora a donc bénéficié d'une sorte de passe-droit ; et d'autre part, c'est inquiétant, quand même, ce corporatisme, je trouve. Soyons clair, lorsqu'on partage de toutes façons les convictions et les idées de ce petit groupe d'historiens, je suppose qu'on doit se féliciter de leur succès. Mais qu'on essaye alors de faire preuve d'un peu de décentration, et qu'on imagine que d'autres types de décisions de ce genre soient prises, des décisions avec lesquelles on se sentirait éventuellement moins en accord, cette fois, sous la pression d'autres lobbys. Je pense qu'on verra alors ce que je veux dire.
On peut dire ce qu'on veut, mais Taubira est députée, et elle a présenté un projet de loi comme tout député peut et doit le faire, loi débattue, discutée et approuvée par la représentation nationale. C'est son rôle, et c'est pour cela qu'elle est élue. Nora se réjouit de ses succès auprès de l'Assemblée, mais à quel titre, exactement ? Que je sache, lui n'est pas élu, et Liberté pour l'Histoire ne représente rien d'autre que les convictions qui sont les siennes et celles de ses amis.

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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 06 Mai 2009 20:09 
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Localisation : Provinces illyriennes
Citer :
Mais qui décide de ce qu'il faut juger et comment il faut juger, alors, si ce n'est ni le Législateur ni l'opinion publique ?

Juger et condamner le passé et les sociétés qui le peuplaient et le façonnaient ? En Droit pénal, cela s'appelle de la rétroactivité et ce principe est banni dans les démocraties.
Mais qui sont ces gens si imbus d'eux-mêmes pour se faire juges de ce que les générations passées ont fait ? D'ailleurs, il ne s'agit pas d'un simple jugement d'opinion - ce qui aurait été bien plus louable -, mais de la pire peine existant en Droit pénal.

Citer :
ce corporatisme

En quoi ce prétendu "corporatisme" diffère avec l'idéologie ambiante - véhiculée par une minorité d'individus décidés et formant aussi à ce titre un "corps", tout comme les députés d'ailleurs - de repentance systématique et de jugements à l'emporte-pièce (sans aucune volonté de nuancer) du passé de l'Humanité ?

Citer :
C'est son rôle, et c'est pour cela qu'elle est élue.

Depuis quand un représentant de la Nation a pour rôle de juger le passé lointain par des lois coercitives ? 8-|
Il faudrait trouver quelques précédents à cela dans l'histoire de la pratique constitutionnelle et du fonctionnement du pouvoir législatif de notre pays afin d'étayer pareille affirmation.
Cette loi était avant tout idéologique et rien d'autre.

Citer :
Nora se réjouit de ses succès auprès de l'Assemblée, mais à quel titre, exactement ? Que je sache, lui n'est pas élu, et Liberté pour l'Histoire ne représente rien d'autre que les convictions qui sont les siennes et celles de ses amis.

Les élus du peuple se sont peut-être rendu compte qu'une grande partie de la société se fichait de ces lois, voire ne les connaissaient même pas et que la profession a été pour le moins très réticente à l'égard de ce groupe de politique déterminés à juger l'histoire de manière si malhonnête et partiale. D'autant plus que cette loi a été versée dans les programmes scolaires. Là, le bord politique importe peu, les historiens ont horreur qu'on leur dise quoi enseigner.

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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 06 Mai 2009 20:49 
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Philippe de Commines
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Inscription : 05 Jan 2008 16:29
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J'ajoute que Nora a fait valoir son point de vue tout à fait légitimement, dans le cadre de la mission d'information.

Cette mission a été décidée par l'assemblée pour approfondir le sujet en recueillant l'avis des parties prenantes au débat public. Elle a choisi de recueillir l'avis de Nora, je ne vois vraiment pas ce que ça a d'illégitime. Les députés ne sont pas experts en tout, et il me semble qu'on leur reprocherait vertement, et à juste raison, de décider de tout sans interroger la société civile.

Par ailleurs, les groupes d'influence font partie du jeu normal de la démocratie libérale, tant qu'ils ne génèrent pas de conflit d'intérêt pour les députés. Et sur le sujet des lois mémorielles, on peine à voir quel conflit d'intérêt il pourrait exister.

Donc tout cela me semble parfaitement normal et légitime, et je ne comprends pas, vraiment pas, ce qui vous choque Bergame.

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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 07 Mai 2009 1:24 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 03 Jan 2008 23:00
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Je me permettrai seulement de souligner que Madame Taubira est une personnalité politique, et certainement pas une historienne.

Si pertinents que soient ses arguments d'un point de vue politique et éthique, devons-nous pour autant les considérer comme définitifs du point de vue de la recherche historique ?

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"Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".

Yves Modéran


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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 07 Mai 2009 8:04 
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Plutarque
Plutarque

Inscription : 03 Mars 2008 20:02
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Citer :
La judiciarisation de la recherche : quand la justice donne des leçons de méthodologie en sciences sociales

Le 12 novembre 2008, le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains a condamné trois enseignants chercheurs (les signataires) et leur éditeur (Michalon) à une amende de 20 000 euros suite à la plainte d’un groupe indépendantiste de Savoie d’une quarantaine de membres - la Confédération savoisienne - contestant deux lignes écrites dans la deuxième édition du livre La France rebelle, le qualifiant de « partisans du recours à la violence ». Le juge correctionnel, contre l’avis du ministère public, lui a donné raison, nous obligeant à interjeter appel (ce qu’à également fait le procureur). Cette affaire ne peut que susciter l’inquiétude à un moment où la recherche française subit déjà des attaques variées fortement déstabilisatrices.


Nous laisserons aux avocats le soin de revenir sur le refus du juge de considérer les délais de prescription de 3 mois à compter de la publication (quand la plainte a été déposée 7 mois après) pour nous concentrer sur l’essentiel, de notre point de vue de chercheurs : la prétention du juge à nous condamner dans le cadre de l’exercice de notre métier qui, si elle était confirmée en appel et ce contre la jurisprudence française mais aussi européenne (Cour européenne des droits de l’homme, affaire Paturel contre France, 22 décembre 2005), mettrait gravement en danger la liberté de la recherche. Il convient tout d’abord de souligner que du point de vue scientifique, l’assertion « partisan du recours à la violence » ne constitue ni une insulte ni une accusation mais un simple constat clinique fondé sur l’analyse froide de faits établis. Quels sont en l’espèce les faits ? La phrase incriminée s’inscrit dans un livre de plus de 700 pages qui reprend par le menu les différents mouvements contestataires en France (près de 4000 mouvements référencés). Contrairement à ce que les attendus du jugement en ont retenus, elle repose sur le recoupement raisonné d’informations réalisée par un spécialiste de la question sur la base de mémoires de DEA ou d’IEP, d’articles, d’archives, de revues de la presse activiste et régionale et de questionnaires auprès de militants. Ce travail permettait de comprendre le processus d’exclusion de quelques membres de la Ligue savoisienne (qui allaient fonder la Confédération savoisienne) pour « tentative grave de déstabilisation par la provocation » en cherchant à « entraîner [le] mouvement vers des méthodes qu’[il] désapprouve ». Elle s’appuyait en outre sur les déclarations du porte parole du groupe aux journées des indépendantistes de Corte en 2004 qui, après avoir accusé la France de « génocide et d’ethnicide », concluait : « ne vous leurrez pas, l’Etat français ne négocie qu’un genou à terre, un pistolet sur la tempe et un couteau dans le dos ». Plusieurs quotidiens s’en étaient fait l’écho à l’époque comme Libération (09/08/04), Marianne (14/08/04) et l’Humanité (09/08/04). Le délit de diffamation pour lequel nous sommes condamnés est motivé par deux cas de figure : la « volonté de nuire » et/ou la « mauvaise foi » ; c’est celle-ci que le juge nous reproche en ne retenant que cette dernière pièce versée au dossier pour nous expliquer « que le savoir universitaire ne peut s’identifier ni se réduire à des articles de presse » (ce en quoi nous sommes bien évidemment d’accord).


Comment comprendre dès lors ce jugement lorsque ceux-là mêmes qui font profession de rupture avec la France, s’affichent à une tribune politique aux côtés d’indépendantistes radicaux, ravis de trouver dans les ombres basques ou corses - autrement plus complexes à saisir - un semblant de légitimité ? Comment comprendre cette amende assortie d’un euro symbolique de dommages et intérêts pour un qualificatif fondé dans les faits quand des insultes racistes ou antisémites ou des diffamations ordurières sont rarement punies avec une telle sévérité ? Le livre stigmatisé par cette condamnation réunit des chercheurs reconnus dans leur discipline (science politique, sociologie, droit, anthropologie) et a connu un certain succès de librairie en dépit d’une approche exigeante parfois complexe. Il témoigne - et il n’est pas le seul - du dynamisme de la recherche française en dépit des critiques souvent fausses sur son retard supposé. Il témoigne surtout de la curiosité intellectuelle des chercheurs de terrain aussi à l’aise dans les bibliothèques qu’au contact de la société qu’ils dissèquent.


Par ce jugement, c’est à un processus de judiciarisation de la recherche en sciences sociales que l’on aboutit en ouvrant grand la porte à tous ceux que les conclusions souvent dérangeantes de la sociologie agacent. Gare aux formulations publiées qui demain pourraient faire l’objet d’une quête contentieuse pour qui saurait trouver entre les lignes quelques affirmations jugées désobligeantes ou trop raides. C’est aussi prendre la justice comme une utile plateforme politique, singulièrement lorsque l’audience naturelle vient à manquer. Il est bien regrettable qu’elle se prête à ce jeu facile et se mue en censeur des méthodes de recherche pour le plus grand profit des ennemis de la réflexion. C’est enfin faire peu de cas du délit de diffamation dont on peut se demander, comme ce fut le cas récemment, s’il est bien utile à la manifestation d’une saine justice.


Xavier Crettiez, Isabelle Sommier, Juan J. Torreiro Enseignants chercheurs en science politique et en sociologie


http://crps.univ-paris1.fr/article.php3?id_article=314

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"Pénétrer de présent la tradition elle-même: premier moyen de lui résister." (Lucien Febvre)


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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 07 Mai 2009 9:58 
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Grégoire de Tours
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C'est précisément ce que je dis, n'est-ce pas : Mme Taubira est une politique, et même une élue, donc c'est à elle (et ses collègues) de faire les lois, et à personne d'autre. Et je sais, les lois, c'est pas drôle, c'est ennuyeux, c'est contraignant, mais il en faut sans doute quand même.
Par ailleurs, je lis toujours les mêmes arguments sur ce site depuis des années maintenant, répétés à l'envie, et qui tiennent toujours aussi peu la route sur le plan juridique. Un juge ne juge pas "le passé" ni "les sociétés qui le façonnaient" ! Vous imaginez un juge, dans un Tribunal, déclarer : "J'appelle Le Passé à la barre" ? On parle d'affaires contemporaines, là, on parle du présent, du type de celles qu'évoque julien_b par exemple, on ne parle pas du passé ! On parle de qualifier juridiquement des faits tels qu'ils apparaissent éventuellement dans des revues, des brochures, des ouvrages, etc. "Génocide", par exemple, c'est une qualification juridique. Et ce n'est pas aux historiens, aux coiffeurs ou aux garagistes de dire à la société qu'est-ce qui est un génocide et qu'est-ce qui ne l'est pas. Ca, c'est le rôle du Législateur. C'est lui qui fixe le vocabulaire des crimes et délits, et ce, par des lois, votée par ceux-là même que vous élisez et qui vous représentent.
Mine de rien, c'est un peu le principe de la démocratie représentative que je rappelle, là.

Et pas de la démocratie libérale, non, car, que je sache, la République Française, sous la Ve, n'est pas une "démocratie libérale". Elle n'est justement pas conçue, comme d'autres peuvent l'être, comme un espace de compétition entre des minorités constitués en groupes de pression.
Car de quoi s'agit-il, lorsque Duc de Raguse dit par exemple :

Citer :
En quoi ce prétendu "corporatisme" diffère avec l'idéologie ambiante - véhiculée par une minorité d'individus décidés et formant aussi à ce titre un "corps", tout comme les députés d'ailleurs - de repentance systématique et de jugements à l'emporte-pièce (sans aucune volonté de nuancer) du passé de l'Humanité ? [...] Cette loi était avant tout idéologique et rien d'autre.

Il s'agit effectivement de la petite minorité X, portée par ses convictions, contre la petite minorité Y, portée par d'autres convictions. Et c'est bien ce que je veux dire. Car autant vous vous époumonnez lorsque ce sont des associations "minoritaires" qui saisissent les tribunaux, autant lorsque ce sont d'autres associations minoritaires, d'historiens "libéraux" cette fois, qui font pression sur l'Assemblée, vous trouvez cela très bien. Qui est partial ?
Hé bien, disons-le franchement, une bonne fois pour toutes : "Avant tout", il s'agit ici de politique. Idéologie contre idéologie. Droits de l'homme contre liberté d'expression. L'histoire, elle a quand même un peu bon dos -comme souvent, d'ailleurs.

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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 07 Mai 2009 11:06 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Citer :
Et pas de la démocratie libérale, non, car, que je sache, la République Française, sous la Ve, n'est pas une "démocratie libérale".


Elle l'est au sens Tocquevillien du terme et je crois que c'est comme cela qu'il faut l'entendre à ce propos : libéralisme politique.

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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 07 Mai 2009 11:24 
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Citer :
Un juge ne juge pas "le passé" ni "les sociétés qui le façonnaient" ! Vous imaginez un juge, dans un Tribunal, déclarer : "J'appelle Le Passé à la barre" ?

Qui fait allusion une seule seconde à un magistrat en exercice ? :-| (Nous ne sommes pas si bêtes pour penser qu'on va présenter Cortès devant une cour d'assise. Bon, si nous l'étions, grâce à vos lumières, nous ne le sommes plus ! :mrgreen:)
Il s'agit d'un ensemble de députés à un temps n qui juge les sociétés en question par l'intermédiaire de la Loi.

Citer :
On parle d'affaires contemporaines, là, on parle du présent

L'esclavage dans les antilles françaises au XVIème siècle, c'est le présent ? Première nouvelle...

Citer :
"Génocide", par exemple, c'est une qualification juridique

Absolument et malgré ce que Mme Taubira peut penser, l'esclavage ne constitue pas un génocide. Là, le politique s'est légèrement trompé, non ?

Citer :
C'est lui qui fixe le vocabulaire des crimes et délits, et ce, par des lois, votée par ceux-là même que vous élisez et qui vous représentent.

Exactement. Il représente les citoyens d'aujourd'hui et non ceux du XVIème siècle. A ce titre, il n'a pas à juger du pire crime qui existe les personnes de cette époque. Cela n'entre d'ailleurs pas dans les compétences traditionnelles du pouvoir législatif.
A ce titre l'Humanité entière durant plus de 5000 ans - à part quelques cas - peut-être qualifiée de criminelle contre elle-même puisque l'esclavage y était pratiqué. Soit !
Cette démarche va à l'encontre de tout travail d'historien : à savoir plaquer benoîtement - pour ne pas dire bêtement - nos valeurs actuelles et notre morale à des individus qui n'en auraient eu aucune compréhension. C'est pire qu'un anachronisme, c'est une lourde faute morale.

Citer :
que je sache, la République Française, sous la Ve, n'est pas une "démocratie libérale".

Ah bon ? C'est quoi alors, une "démocratie populaire" ? :rool: lol

Citer :
Car autant vous vous époumonnez lorsque ce sont des associations "minoritaires" qui saisissent les tribunaux, autant lorsque ce sont d'autres associations minoritaires, d'historiens "libéraux" cette fois, qui font pression sur l'Assemblée, vous trouvez cela très bien.

Visiblement vous m'avez mal lu et n'avez pas suivi cette affaire, c'est le moins qu'on puisse dire.
Ces historiens n'ont rien de "libéraux" et regroupent des entités de tous les bords politiques - s'ils sont déclarés - afin de défendre l'ingérence du politique dans la recherche historique et la rigidité législative que le pouvoir politique fixe sur telle ou telle question. Ils ont manifesté la même hostilité à la loi Taubira qu'aux "bienfaits" du colonialisme.
Cela veut tout de même signifier que c'est votre interprétation qui greffe une idéologie politicienne à cette réaction de ces associations et non pas le combat en lui-même. Vos interventions deviennent plus claires...

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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 07 Mai 2009 12:45 
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Grégoire de Tours
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Ca, cela veut dire que si je continue à discuter sur ce sujet, vous ou un autre modérateur allez me faire un rappel de la Charte, n'est-ce pas ? :wink: Pourtant, ce n'est pas moi qui ai dit que la loi Taubira était "uniquement idéologique et rien d'autre", c'est vous. Mais vous placez la discussion sur le terrain de l'idéologie tant qu'il est bien clair que l'idéologie concerne "ceux-d'en-face". Tandis que vous, bien entendu, à l'égal d'ailleurs de Liberté pour l'Histoire, vous occupez la position objective, impartiale et scientifique de l'historien. N'est-ce pas ? :wink:

Pourtant, à l'évidence, et vous le reconnaissez implicitement, vous envisagez cette question au travers d'une grille de lecture bien connue qui est celle du "combat" contre la prétendue "idéologie de la repentance" -ce sont vos termes, je vous le rappelle. Or, cela vous entraine vers des confusions évidentes.
Par exemple, une loi ne juge rien du tout, une loi prescrit ; c'est le juge qui juge. Dans l'affaire rapportée par julien_b par exemple, vous voyez bien que le chef d'accusation retenu n'a rien à voir avec les "lois de la repentance". C'est un juge qui décide que les termes "partisan du recours à la violence", même dans un ouvrage d'histoire, sont diffamatoires envers des personnes vivantes. Et pourquoi pas ? C'est peut-être discutable, je n'en ai aucune idée, je ne connais pas l'affaire, mais dans tous les cas, c'est un juge qui juge, au regard de la loi, certes, mais également au regard de son appréciation des faits. Et cela, on a un peu tendance à l'oublier, dans ce topic, et on préfère mettre en cause la loi et ceux qui l'ont votée, cet "ensemble de députés à un temps n ". Mais il ne s'agit toujours là que d'histoire, bien entendu.

Bref, comme je sens que le couperet de la modération n'est plus loin, avant donc que de vous laisser trancher et conclure, j'aimerais simplement, si vous me le permettez encore, et si vous voulez bien accepter un débat contradictoire à peu près honnête, vous poser cette simple question :

Duc de Raguse a écrit :
Citer :
"Génocide", par exemple, c'est une qualification juridique

Absolument et malgré ce que Mme Taubira peut penser, l'esclavage ne constitue pas un génocide. Là, le politique s'est légèrement trompé, non ?

Qu'est-ce qui vous fait supposer cela, exactement ?

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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 07 Mai 2009 15:37 
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Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8172
Localisation : Provinces illyriennes
Citer :
Ca, cela veut dire que si je continue à discuter sur ce sujet, vous ou un autre modérateur allez me faire un rappel de la Charte, n'est-ce pas ?

Quoi "ça" ? 8-|
Où avez pu pécher pareille baliverne ? Tout le monde a le droit de s'exprimer librement dans le respect de son interlocuteur que diable.

Citer :
Pourtant, à l'évidence, et vous le reconnaissez implicitement, vous envisagez cette question au travers d'une grille de lecture bien connue qui est celle du "combat" contre la prétendue "idéologie de la repentance" -ce sont vos termes, je vous le rappelle.

Oui et non. Je déplore juste une certaine dérive de ces lois mémorielles.

Citer :
Par exemple, une loi ne juge rien du tout, une loi prescrit ; c'est le juge qui juge. Dans l'affaire rapportée par julien_b par exemple, vous voyez bien que le chef d'accusation retenu n'a rien à voir avec les "lois de la repentance". C'est un juge qui décide que les termes "partisan du recours à la violence", même dans un ouvrage d'histoire, sont diffamatoires envers des personnes vivantes.

Je vous parle de loi sur l'esclavage qui condamne implicitement la société française du XVIème siècle de crime contre l'Humanité et vous me répondez encore par cette affaire judiciaire, qui n'a aucun rapport avec ladite loi.
C'est exprès que vous faites cea ou avez-vous peur d'entrer véritablement dans le sujet ? :mrgreen:

Citer :
Bref, comme je sens que le couperet de la modération n'est plus loin

Lorsqu'on a plus d'argument on crie à la censure (imaginaire). Ce procédé est éventé vous savez, il ne trompe plus personne.

Citer :
Qu'est-ce qui vous fait supposer cela, exactement ?

La simple définition d'un génocide... :wink:

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 Sujet du message : Re: Liberté pour l'histoire
Message Publié : 07 Mai 2009 16:13 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Avr 2005 10:54
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Bon hé bien je suis ravi d'apprendre que le procédé est éventé, c'est donc qu'il ne reposait sur aucun fondement. Tant mieux ! :wink:
Je suppose que nous pouvons donc continuer, si vous le voulez bien :

En passant, d'abord, une loi ne condamne pas plus qu'elle ne juge, décidément, les rapports entre le juge et la loi vous sont manifestement obscurs.

Mais peu importe, j'aimerais continuer sur le génocide, si vous le voulez bien toujours :
Lorsque vous affirmez que le politique s'est trompé en qualifiant l'esclavage de génocide, vous faites donc référence à la "simple" définition du génocide. Puis-je vous demander de la formuler en quelques mots, que nous soyons sûrs de parler de la même chose, et puis-je vous demander d'où vous tenez cette définition ?


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