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 Sujet du message : Archives en péril ?
Message Publié : 07 Avr 2008 13:27 
Bonjour,
J'ai recu ca et je voudrais votre avis :
(Deplacer si necessaire, je ne suis pas sur d'etre au bon endroit )

Le texte du nouveau projet de loi sur la conservation et la communication des Archives a été adopté par le Sénat. Des auditions ont été faites par la commission des lois de l'Assemblée nationale cette semaine et le texte doit être prochainement voté (dans la deuxième quinzaine d'avril selon le calendrier parlementaire, peut-être le 17). Ce texte est disponible sur le site de l'Assemblée :
page d'accueil aller à la rubrique « document parlementaire », projet n° 566 ou cliquez sur ce lien :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl0566.asp

Ce projet mérite TOUTE notre attention dans son ensemble, mais plus particulièrement le chapitre « régime de communication ». Il prévoit certes un raccourcissement des délais légaux d'accès à une partie des documents (vingt-cinq ans contre trente, ou cinquante contre soixante par exemple) mais comprend aussi quatre points très inquiétants.

- La création d'une nouvelle catégorie d'archives : les archives incommunicables. Elles pourront ne jamais être communiqués au nom de la « sécurité nationale » (armes biologiques.) et de la « sécurité des personnes », certainement immortelles. Il y a une contradiction dans les termes du texte, qui ne permet pas de comprendre quelles sont les intentions du législateur. Il est dit :

Art. L213-1 : "Les archives publiques sont [...] communicables de plein droit" et L 231-2 : « il existe des archives qui "ne peuvent être consultées" ».

Cet art. 213-2 n'a pas de raison d'être, car :

- 1/ les informations permettant de concevoir des armes biologiques ou de destruction de masse sont nécessairement récentes ; or celles-ci sont déjà couvertes par l'art. 213-2 I 3° ;

- 2/ les informations de nature à compromettre la sécurité des personnes sont déjà visées par le 213-2 I 4°.

- Un nouveau délai, fixé à soixante-quinze ans, est créé, fondé sur une extension de la notion de protection de la vie privée, visant la plupart des archives publiques (Art. L. 213-2-4). Il y a ici amalgame entre la « protection de la vie privée » (celle-ci n'étant pas plus définie) et le fait de rendre publique « une appréciation ou un jugement de valeur », catégories particulièrement floues. Ou pire, le fait de « faire apparaître le comportement d'une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice ». Pratiquement tous les dossiers d'archives publiques, tels les rapports de préfets, les rapports et archives de police, contiennent des jugements de ce type. Qui décidera - et sur quels critères - ce qui doit être ouvert alors ?

Fixer la barre à 75 ans, conduirait de plus à refermer de nombreux dossiers ouverts depuis 15 ans. Verra-t-on se de refermer pour quelques années les études sur le Front populaire, la 2e Guerre mondiale et Vichy, ou celles sur la guerre froide qui commençaient à s'ouvrir librement ?

Certes, restent les dérogations, mais c'est placer les chercheurs sous le sceau du privilège individuel pour 25 ans de plus.

- Une notion de « secret des statistiques » est introduite de façon répétitive (14 occurrences au mot secret, dont 8 au secret statistique). L'article 25 - nouveau - dit dans un I que les documents administratifs (immédiatement consultables en vertu de la loi de 1978 sur la transparence administrative) ne sont communicables qu'aux intéressés quand ils portent atteinte au secret de la vie privée ou comportent des jugements sur les personnes. C'est le cas des dossiers d'instituteurs par exemple.

Dans un II, il ajoute que les documents visés aux I sont consultables dans les conditions fixées par le 213-2 : c'est-à-dire 75 ans. Et comme ce II de l'article 25 nouveau ne mentionne pas le 213-3, qui est l'article autorisant des dérogations, le couvercle est vissé. Nul chercheur ou citoyen ne verra les dossiers de cour de justice ou les dossiers personnels avant 75 ans : aucune dérogation n'est possible.

- L'art. 213-I 4° aurait pour conséquence d'interdire toute recherche sérielle postérieure à 1923 ; l'art. 213-2 4° rend très difficile la consultation des listes nominatives.

- Enfin, le système des protocoles, déjà en vigueur pour les Chefs d'État et dont on a constaté les dérives dans certains cas est étendu à tous les papiers des ministres (Art. L. 213-4). Il permettra à ceux- ci de traiter les archives publiques produites par eux et par leurs collaborateurs, comme des archives privées jusqu'à leur décès.

Les nouvelles dispositions prévues par ce texte sont extrêmement graves : elles traduisent une défiance inquiétante de la part des pouvoirs publics envers la communauté des chercheurs certes, mais de façon plus globale, envers la communauté des citoyens. Elles sont en contradiction flagrante avec les recommandations du Conseil de l'Europe adoptées le 21 février 2002 par le comité des ministres.


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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 12 Avr 2008 13:04 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 01 Nov 2006 16:49
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Localisation : Triangle des bermudes
Moi j'vais le donner mon avis, sans détour et sans concession. Pourquoi nos politiques s'intéressent-ils à l'histoire? Quels sont les motivations du législateurs? Pourquoi nos politiques détruisent, saccagent et pillent ? Pourquoi se préoccupent-ils d'histoire ? Pourquoi votent-ils à tour de bras des textes sans en débattre avec les concernés ? Pourquoi une poignée d'individus s'arroge-t-il l'ensemble des pouvoirs et des décisions ? S'ils ne sont pas coupables, alors de quoi ont-ils peur ? En repoussant à la fin de leur vie, les archives qu'ils redoutent, ils refusent d'affronter avec leurs enfants, nos enfants, l'objet de leur peur. Ceux sont des lâches!

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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 12 Avr 2008 16:59 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Inscription : 19 Mars 2005 18:17
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Localisation : Paris
Ce projet de loi est effectivement assez effarant, mais, depuis plusieurs semaines, les amendements déposés par les députés ont peut-être permis de la modifier. La commission parlementaire qui s'en occupe, a déjà reçu les professionnels. Parmi ces derniers, se trouve l’Association des archivistes français, qui exerce un poids crucial dans le domaine.

Or sur son site, l'AAF affiche clairement son désaccord avec le projet : Lien vers l'AAF
Donc ne crions pas au loup.


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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 12 Avr 2008 17:30 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 01 Nov 2006 16:49
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Localisation : Triangle des bermudes
Si je comprends bien, ce projet de loi va avoir lieu et il sera cautionné par l'association des archivistes de France. Certes, cette association n'est pas d'accord. Il est donc possible que ce projet n'est pas lieu ou ne soit pas complètement validé. Et bien on verra comment l'aaf va faire pression sur ce projet et où vont-ils le mener. D'accord, ne crions pas au loup encore et encore... Finalement, il faut commencer dès maintenant à archiver. >:(

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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 16 Avr 2008 22:17 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 05 Jan 2008 16:29
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Un article du Monde de ce jour, plutôt rassurant.

J'en isole un commentaire de la commission des lois de l'assemblée :
La commission des lois a écrit :
"Le maintien du secret pendant une trop longue période, loin de protéger l'action de l'Etat, paraît plutôt de nature à favoriser les fantasmes de toutes sortes sur l'histoire récente et les théories du complot."


Article complet :
http://www.lemonde.fr/culture/article/2 ... _3246.html

Le Monde a écrit :
Des historiens dénoncent un projet de loi visant à limiter l'accès aux archives

a colère est montée vite et fort. Adopté dans l'indifférence par le Sénat, le 8 janvier, le projet de loi relatif aux archives, qui sera examiné par les députés à partir du 29 avril, suscite une vague de protestation. Ainsi, initiée le 12 avril par l'Association des usagers du service public des archives nationales (Auspan), une pétition visant à dénoncer le projet de loi a recueilli, en trois jours, 500 signatures d'historiens et chercheurs.

La fronde excède largement les seuls milieux académiques : tandis que le Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire (CVUH) dénonce un projet qui "aggrave les conditions actuelles d'accès aux archives et porte atteinte aux droits des citoyens", la Ligue des droits de l'homme s'inquiète de la menace qui pèserait sur "l'instrument de connaissance et de mémoire partagée que représentent les archives publiques dans une démocratie".

La révolte paraît à la mesure des attentes déçues. A l'origine, le projet du ministère de la culture se présentait comme un texte d'ouverture, visant à libéraliser la grande loi du 3 janvier 1979 en permettant aux citoyens d'"accéder avec plus de facilité aux sources de leur histoire". Ainsi, le délai de trente ans, jusqu'ici préalable à toute consultation d'archive publique, était remplacé par le principe de la "libre communicabilité".

Quant aux cinq régimes d'exception, qui s'échelonnaient de soixante à cent cinquante ans, suivant qu'ils mettaient en cause la vie privée, la sûreté de l'Etat, les affaires judiciaires, les données médicales ou patrimoniales, ils n'étaient plus que trois : vingt-cinq, cinquante et cent ans. Dans toutes les catégories, les délais se trouvaient raccourcis. Certes, une nouvelle catégorie d'archives "incommunicables" était créée, portant sur les armes de destruction massive et la protection des agents secrets. Mais l'équilibre général représentait un réel progrès aux yeux des chercheurs.

LA PRESSION DES NOTAIRES

Or le Sénat, contre l'avis du gouvernement, a transformé le texte de façon très significative. Il a d'abord réduit la portée de certaines mesures (sur les actes notariés, les archives des juridictions et les registres de mariage), notamment sous la pression des notaires.

Bien plus : il a durci quelques aspects du régime existant. Ainsi, au nom de l'allongement de l'espérance de vie, le texte voté par les sénateurs fait passer de soixante à soixante-quinze ans le délai de consultation pour les "documents dont la communication porte atteinte à la vie privée". Une exigence fondamentale des citoyens, insiste René Garrec, rapporteur (UMP) du texte au Sénat.

Un prétexte fallacieux, rétorque Sonia Combe, membre du CVUH et auteur d'un livre intitulé Archives interdites (Albin Michel, 1994) : "En 1996, le rapport du conseiller d'Etat Guy Braibant avait souligné cette utilisation abusive de la notion de "vie privée", dès lors qu'elle est étendue aux agissements des fonctionnaires d'Etat. En France, on maintient fermées les archives des camps d'internement qui existaient sous l'Occupation au nom de la protection de la vie privée des gardiens... La législation allemande est beaucoup plus claire : pour elle, la vie privée ne peut pas concerner les actes commis sous l'uniforme ou dans l'exercice de telle ou telle fonction."

A l'instar de Sonia Combe, nombreux sont les historiens qui considèrent le texte du Sénat comme une immense régression : "Avec une telle loi, Benjamin Stora n'aurait pas pu réaliser ses travaux sur la guerre d'Algérie, déplore Denis Peschanski. Idem pour nous, historiens de la seconde guerre mondiale. On ne peut pas nous faire la leçon sur le devoir de mémoire et empêcher le citoyen d'avoir accès aux archives. Par exemple, les politiques souhaitent qu'on rende compte de ce qu'ont vécu les harkis. Si on recule les limites d'accès aux documents, comment faire cette histoire-là ?"

"ON EST DES GENS BIEN"

Si le texte du Sénat devait être voté en l'état par les députés, notent les détracteurs du projet, certaines archives concernant la guerre d'Algérie ne seraient disponibles que soixante-quinze ans après la fin du conflit, soit en 2037. Surtout, ces restrictions refléteraient la suspicion que l'Etat français continue de faire peser sur les chercheurs : "On est des gens bien, quand on nous connaît, ironise l'historienne Anne Simonin. En France, il y a une vision très fantasmatique du secret d'Etat, comme si on allait aux archives pour attenter à la mémoire officielle. Mais en dix ans, il n'y a pas eu une seule action intentée par le ministère de la justice pour usage abusif. Qu'on en finisse avec cette vision négative du citoyen ! Il faut espérer que l'Assemblée nationale réagisse..."

Il se pourrait qu'Anne Simonin et ses amis aient été entendus : la commission des lois de l'Assemblée a adopté une série d'amendements qui, s'ils étaient confirmés en séance, reviendraient sur certains des éléments les plus controversés votés par les sénateurs. Pour les documents relatifs à la "vie privée", le délai de communication serait de nouveau ramené à cinquante ans. Parmi les arguments utilisés par la commission, on lit celui-ci : "Le maintien du secret pendant une trop longue période, loin de protéger l'action de l'Etat, paraît plutôt de nature à favoriser les fantasmes de toutes sortes sur l'histoire récente et les théories du complot."

Jean Birnbaum et Nathaniel Herzberg
500 signataires contre "le culte du secret"

Les 500 signataires - historiens, sociologues, philosophes, généalogistes ou simples usagers, français mais aussi américains, anglais ou canadiens - de la pétition contre le projet de loi sur les archives, adressée à "Mesdames et messieurs les députés et sénateurs", affirment que ce projet "renoue avec le culte du secret" et "va à l'encontre des recommandations du Conseil de l'Europe et des pratiques et législations en vigueur dans les grandes démocraties occidentales". Parmi les signataires : Alya Aglan, Jean-Pierre Azéma, Philippe Artières, Christine Bard, Alain Blum, Raphaëlle Branche, Herrick Chapman, Emmanuel Faye, Marc Lazar, Gérard Macé, Marie-Anne Matard-Bonucci, Claude Mazauric, Gérard Noiriel, Todd Shepard, Patrick Weil, Annette Wieviorka...

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Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)

Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 18 Avr 2008 7:20 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 26 Oct 2005 18:58
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Plus le temps passe et plus les acteurs politiques français donnent l'impression que l'Histoire est loin mais très loin d'être une science humaine. Pire, ils se substituent à elle (voir les lois mémorielles) et ils n'hésitent pas à la tordre pour leur petite propagande personnelle (voir les exploits récents de Mélanchon). Mais apparemment, cela ne leur suffit pas. Certains voudraient aller plus loin en maintenant inaccessible les archives.

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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 18 Avr 2008 12:58 
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Hérodote
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Inscription : 17 Avr 2008 9:29
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bonjour à tous,

Le projet de loi fait grincer des dents toute la communauté des archivistes. Je suis particulièrement contre ce texte. En effet, l'Association des Archivistes Français ne va pas se laisser faire, et il n'est pas exlus qu'il y est des grêves. De plus ce projet de loi qui vise soit-disant à "réduire les délais de communicabilité", ne fait que les augmenter.

Daniel Laurent a écrit :
Fixer la barre à 75 ans, conduirait de plus à refermer de nombreux dossiers ouverts depuis 15 ans. Verra-t-on se de refermer pour quelques années les études sur le Front populaire, la 2e Guerre mondiale et Vichy, ou celles sur la guerre froide qui commençaient à s'ouvrir librement ?


En effet Daniel, les archives qui étaient désormées ouvertes vont se voir fermées, et donc plus communicable au grand public sauf sur demande de dérogation motivée, et encore. Certaine archives seront même plus du tout communicable, et là toutes demandes dérogations sera complètement inutile. Ensuite, il faut voir comment le projet de loi va être appliqué dans les différents services d'archives qu'ils soient municipaux, départementaux, nationaux, ou encore régionaux (même si les archives régionales sont encores trop jeunes pour être communiquées).

J'ai reçu un mail alarmant du syndicat des Archives de France qui est plus qu'inquiétant concernant les mesures prise dans le projet de lois.

En voici la teneur

Communiqué du Syndicat CGT des Archives de France a écrit :
Mesdames et Messieurs les députés,

Votre assemblée doit examiner en première lecture le 29 avril 2008 le projet de loi relatif aux archives.

A l’heure où vous examinerez ce texte, la direction des archives de France, qui l’a conçu et rédigé, vivra ses dernières heures. En effet, le second Conseil de modernisation des politiques publiques vient de confirmer le 4 avril dernier que cette grande direction à vocation interministérielle va disparaître au sein d’une nouvelle direction du patrimoine (réunissant l’ancienne direction du patrimoine, la direction des musées de France, la direction du livre et de la lecture).

Pour l’ensemble des professionnels du réseau des archives, cette nouvelle sonne le glas de la politique de renouveau des archives entamée depuis plusieurs années. Il apparaît à tous indispensable de conserver cette direction afin d’assurer à ses missions une visibilité suffisante dans l’organigramme de l’Etat, témoignant clairement de son rôle interministériel. Seule une direction des archives de France de plein exercice, forte et disposant de moyens en crédits et en personnels, est à même de jouer ce rôle. C’est le sens du communiqué de l’intersyndicale des Archives de France (CFDT-CFTC-CGC-CGT) du 16 janvier 2008 et du vœu du Conseil Supérieur des Archives qui a réuni le 10 mars 2008 de nombreuses personnalités et des historiens.

La disparition de la direction des archives de France constitue un recul extrêmement grave. Alors que 2008 va fêter le bicentenaire des Archives nationales à l’Hôtel de Soubise, le gouvernement remet en cause deux siècles de construction démocratique afin de garantir la cohérence d’une politique nationale des archives, afin d’assurer à tous le libre accès aux archives.

Dans ces conditions, il va sans dire que le projet de loi sur les archives qui vous est présenté n’a plus grand chose à voir avec le projet de loi initié dans les années 1990, porteur de démocratie, d’ouverture des archives.
Les allers retours avec le gouvernement, la consultation des différents ministères et les différents amendements adoptés par le Sénat aboutissent aujourd’hui à un projet de loi qui comporte peu d’avancées mais de nombreux et inquiétants reculs.

«Balkanisation» des services publics d’archives et privatisation de la gestion des archives

Loin de revenir sur la «balkanisation» constatée par Guy Braibant lors de son rapport en 1996, la loi dessaisit un peu plus la direction des archives de France et les services publics d’archives de leurs prérogatives.(article L.212-4- I, II et III)

Faute de moyens, les ambitions de la direction des archives de France ont été revues à la baisse: la loi confirme une circulaire du 1er ministre de 2001 et abandonne tout préarchivage par la direction des archives de France: chaque administration doit gérer ses archives courantes et intermédiaires (1). Pire, la conservation et la communication des archives définitives peut être confiée à ces mêmes administrations (paragraphe I): c’est la porte ouverte à la multiplication des centres d’archives, à la «balkanisation» des archives, qui, loin de simplifier la tâche du chercheur et du citoyen, la lui complique et n’offre en rien les garanties de neutralité et de cohérence nationale indispensables.

Mais la loi va plus loin: au paragraphe II de l’article L. 212-4, il est permis à ces mêmes administrations de ne pas effectuer elles-mêmes ces nouvelles tâches d’archivage: est prévu le dépôt de tout ou partie des archives courantes auprès de «personnes physiques ou morales agréées à cet effet par ladite administration [des archives]».

Le paragraphe III de cet article est censé interdire la conservation des archives définitives à ces mêmes sociétés privées. Sa rédaction, peu claire, peut tout aussi bien laisser penser le contraire.

L’archive, même si on lui reconnaît trois âges, est une et indivisible. Une archive, avant d’être définitive, est courante et intermédiaire et pourra donc pendant une période donnée être stockée, inventoriée et communiquée par une entreprise privée. C’est en soi très grave. Mais qui peut croire, qu’à l’issue de sa durée d’utilité administrative, quand les dépôts des Archives nationales sont saturés, quand les moyens en bâtiments et en personnels ont vocation à être réduits de 20%, que ces archives, gérées par le privé, reviendront un jour dans le giron des services publics des archives?

Le ministère de la Culture entend, nous dit-on, faire preuve de réalisme et vouloir encadrer une pratique déjà existante. N’est-ce pas plutôt mettre en place, sous-couvert d’exceptions, les passerelles vers un véritable désengagement de l’Etat envers les archives de la Nation, sources de notre mémoire et de notre histoire à tous?

Cette dérive est catastrophique pour l’avenir de la recherche et la démocratie en général: nous rappelons qu’il s’agit là des documents procédant de l’activité de l’Etat, qui servent au citoyen à faire valoir leurs droits, aux historiens, du généalogiste à l’universitaire, à écrire l’histoire… C’est à l’ensemble des citoyens, et donc à l’Etat de continuer à y veiller.

Régime de communication: fausse ouverture et vraie fermeture

Si la loi peut s’enorgueillir d’un article 213-1 beaucoup plus clair, beaucoup plus lisible que par le passé «Les archives publiques sont, sous réserve des dispositions de l’article L.213-2, communicables de plein droit»-, l’ouverture se réduit, au fil des lectures et des relectures, à une peau de chagrin.

Un certain nombre de documents voient certes leur délai de communicabilité raccourci. Malheureusement, c’est dans une moindre mesure. Les archives notariales devaient être communicables dès 50 ans à compter de la date de l’acte, c’est finalement 75 ans dans la version finale.

Mais surtout, cette loi, censément d’ouverture, rallonge les délais de communicabilité de certains documents.

Le 4° de l’article L-213-2 allonge le délai à 75 ans pour tous «les documents dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée, rend publique une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable ou fait apparaître le comportement dune personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice». On ne peut faire plus large. C’est ainsi que les archives de la police judiciaire, des juridictions, les rapports des inspections générales des ministères, les dossiers fiscaux et domaniaux, mettant en cause la vie privée, passent de 60 ans (loi et décret de 1979) à 75 ans (projet de loi 2008).

Mais il y a beaucoup plus grave encore. Pour la première fois de son histoire, l’Etat français interdit de manière définitive, sans aucun délai de communicabilité, sans aucune procédure de dérogation, toute une série de documents: «Ne peuvent être consultées les archives publiques dont la communication est susceptible d’entraîner la diffusion d’informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biologiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction d’un niveau analogue» (article L-213-2, II)

Rappelons que dans la loi de 1979, ce type de document faisait partie des archives communicables au bout de 60 ans, ainsi que l’ensemble des actes ayant trait à la sûreté de l’Etat ou la défense nationale.

Le deuxième alinéa est encore plus inquiétant puisqu’il étend cette mesure à toute une série de documents dont le périmètre est pour le moins extensible: «Il en est de même pour les archives publiques dont la communication est de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes».

A juste titre, depuis le dépôt de ce projet de loi au Sénat, la communauté scientifique des historiens s’est émue de cette restriction de communication qui constituerait, si la loi devait être adoptée telle quelle, une atteinte aux droits fondamentaux du citoyen de s’informer et de prendre connaissance des actes émanant de l’Etat. Ce serait un véritable déni de démocratie.

Nous comptons sur votre vigilance. Le syndicat CGT des Archives de France se tient à disposition de Mesdames et Messieurs les députés pour tout renseignement complémentaire.

(1) Il faut distinguer trois âges des archives: les archives courantes qui concernent les dossiers en cours; les archives intermédiaires qui correspondent aux dossiers clos mais représentant encore une utilité administrative et les archives définitives qui ont, elles, été sélectionnées en fonction de leur utilité administrative ou de leur intérêt historique ou scientifique, en vue d’une conservation définitive. Une partie des archives courantes et intermédiaires, à la suite d’un tri, sont donc éliminées.


Dès que j'ai du nouveau, je vous tiens tous informés.

Amicalement

Sekhmet1983


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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 18 Avr 2008 13:13 
Bonjour,
Content de te voir sur le front, Lucile
;)


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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 23 Avr 2008 14:33 
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Hérodote
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Inscription : 17 Avr 2008 9:29
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Localisation : Toulouse
bonjour à tous,


La JT de TF1 nous a accordé un reportage sur cefameux projet de loi.

Il y a également le texte qui fait l'objet d'une pétition de l'Association des usagers du service public des Archives nationales, qui a fait l'objet des articles du Monde en voici la teneur ici

amicalement

Sekmet1983


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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 23 Avr 2008 15:35 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 19 Mars 2005 18:17
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Merci pour cette vidéo.

Ce projet de loi est d'autant plus effarant que tous les rapports administratifs de ces dernières années, préconisaient une ouverture des archives; parmi eux le rapport Guy Brabant, commandé par un ancien premier ministre.

Qui est donc à l'origine de ce projet de loi ? C'est vraiment curieux, car le ministère de la Culture doit consulter à ce sujet le Conseil supérieur des archives et vu la qualité des membres de ce dernier, je doute qu'il soit d'accord avec ce projet de loi.


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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 23 Avr 2008 15:43 
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Philippe de Commines
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Inscription : 05 Jan 2008 16:29
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Le titre du fil est peut-être à renommer. En effet, les archives ne sont pas mises en péril par ce texte. On risque d'avoir plus de mal à les consulter, certes, mais ça ne les met pas en péril.

Châtillon a écrit :
Qui est donc à l'origine de ce projet de loi ?


Voir l'article que j'ai posté un peu plus haut sur ce fil.

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Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 23 Avr 2008 15:59 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 19 Mars 2005 18:17
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Les sénateurs, responsables de cette déviance ? Mais comment Albanel peut-elle perdre le contrôle de son projet de cette façon ? C'est quand même effarant !
Voilà de quoi donner à réfléchir une fois de plus sur l'utilité du Sénat. :?:


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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 24 Avr 2008 12:15 
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Hérodote
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Inscription : 17 Avr 2008 9:29
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Localisation : Toulouse
Bonjour à tous,

Je ne sais pas qui a pondu un tel ramassi de bêtise. Je ne sais pas comment va réagir la DAF (Direction des archives des France) à ce projet de loi, notamment quand on sait qu'elle va être refondue dans une seul direction qui va regrouper d'autre direction de la culture (je crois qu'il s'agit de la direction des musées, une autre en rapport avec les bibliothèques ....) J'espère qu'une chose que ce projet de loi ne passera jamais. On sera fixé le 29 avril 2008, où ce tissu d'ânerie va être voté.

Amicalement

Sekhmet1983


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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 24 Avr 2008 13:05 
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Hérodote
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Inscription : 17 Avr 2008 9:29
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Localisation : Toulouse
Bonjour à tous,

Je viens de recevoir par mail un communiqué de l'Association des Archivistes Français qui donne son avis sur ce projet de loi qui fait grincer des dents. En voici le contenu :

Association des Archivistes Français a écrit :
Contact : secretariat@archivistes.org et tél : 01-46-06-39-44
Association des archivistes français
9 rue Montcalm – 75018 PARIS – Tél : 01-46-06-39-44 – Fax : 01-46-06-39-52 – http://www.archivistes.org
Le 24 avril 2008
SE PRONONCE SUR LE PROJET DE LOI D’ARCHIVES

L’Association des Archivistes français se félicite que le projet de loi sur les
archives ait été adopté en première lecture à l’unanimité par le Sénat. Néanmoins, à l’heure où le texte va être examiné par l’Assemblée nationale, elle souhaite rappeler les principes auxquels les professionnels des archives, tous secteurs confondus, sont attachés.

L’AAF regrette qu’une étude d’impact n’ait pas été menée qui aurait permis d’évaluer les conséquences de l’application du nouveau texte sur le fonctionnement des services d’archives publics.

Ainsi :

- L’AAF confirme la nécessité d’un régime d’accès libéralisé aux documents et aisément applicable. Si le principe de communication immédiate proposé dans le nouveau texte constitue une avancée, en revanche le délai de 75 ans correspondant à la mise en cause de la vie privée représente un recul. L’AAF souhaite que l’Assemblée nationale suive les recommandations du rapporteur du projet de loi qui propose un délai de 50 ans (amendement n°8).

- L’AAF souhaite également que soit reconsidéré le principe de non communicabilité
permanente
de certains documents, et que soit plutôt appliqué à ceux-ci la procédure de classification, voire un délai pouvant aller jusqu’à cent ans.

-Elle attire en outre l’attention du législateur sur les difficultés pratiques d’application de la loi pour les services d’état civil (sollicitations accrues du public sans que soient prévues les conditions d’accès à des actes qui auront encore une utilité administrative).

- L’AAF prend bonne note de la prise en compte du caractère public des archives décisionnelles et politiques.

- L’obligation de versement des documents politiques et administratifs à caractère public dans un dépôt d’archives publiques devrait être observée dans tous les cas. De ce point de vue, l’AAF n’approuve pas qu’une autonomie ait été conférée aux assemblées (Assemblée nationale et Sénat), disposition paradoxale quand on sait que l’origine des Archives nationales se trouve dans celles de l’Assemblée nationale.

- L’AAF aurait souhaité une prise en compte plus claire et plus concrète des archives électroniques qui permettrait d’ancrer le texte dans l’évolution des pratiques de gouvernement et d’administration, et des contextes de production des documents.

- En ce qui concerne les archives des collectivités territoriales, l’AAF préconise : l’obligation pour les régions d’assumer la responsabilité de la gestion et de la conservation de leurs archives

-la reconnaissance des archives de l’intercommunalité qui permettrait d’améliorer la
couverture archivistique du territoire.

- Enfin, en ce qui concerne la disparition de la notion d’ « entreprise publique », qui ne correspond en effet pas à une forme statutaire d’entreprise, l’AAF insiste pour que les archives d’entreprise fassent l’objet d’une réelle attention de la part de l’Etat, tant dans le cadre du contrôle scientifique et technique pour les archives publiques que dans celui de la sauvegarde des archives privées en France.


Amicalement
Sekhmet1983


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 Sujet du message : Re: Archives en peril ?
Message Publié : 30 Avr 2008 9:18 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Inscription : 19 Mars 2005 18:17
Message(s) : 2159
Localisation : Paris
Ca y est ! Le projet de loi a été voté par l'Assemblée nationale, hier soir, mardi 29 avril 2008.

Et victoire ! Les députés ont décidés de revenir sur les modifications faites par le Sénat. Le délai de communication des archives contenant des informations à caractère privé est passé de 60 à 50 ans (contre les 75 ans proposés par les sénateurs).

La seule concession faite aux restricteurs est la création d'une catégorie d'archives incommunicables. Ce fonds devait rester incommunicable perpétuellement mais maintenant le délai est de 100 ans.

Reste à connaître ce qu'en pense les professionnels et les amis de Ph.

Article dans Le monde
Article dans Ouest-France

Finalement, les sénateurs auraient pu nous éviter de provoquer un tel fiasco.

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