Salut !
L'explication qui procède de la moindre résistance est toujours la plus probable. Tout d'abord, il faut que vous vous débarrassiez d'un certain nombre de préjugés. Les évènements ne sont pas l'Histoire, ils sont des histoires ou de morceaux d'histoires.
L'Histoire est une forme d'écriture causale et systémique dans la description et l'explication des évènements et des choix qui sont faits par une société donnée à un moment donné. En cela, elle a un certain nombre de règles et de grilles d'analyse qui contraignent cette écriture.
En faisant de l'Histoire, le but premier est d'expliquer, et non de vivre les realia et les choix d'une société donnée à un moment donné (plus ou moins long suivant l'épaisseur chronologique choisie et donc les approximations choisies). Les évènements ne sont que des marqueurs-repères symboliques marquant les affrontement et les choix ou non-choix d'une société. On ne doit donc pas s'en tenir qu'à eux, mais bien expliquer ce qui est sous-jacent.
Si nous reprenons ta première image, à savoir le texte "halluciné", tu poses un problème finalement assez bien connu en historiographie. Ton texte halluciné est un texte que tu as choisi d'écrire avant de prendre les substances qui te mènes à cet état, et par ce choix tu forces l'état hallucinatoire de ton écrit. Si tu n'avais pas décidé d'écrire sous état hallucinatoire, mais pris des substances pour d'autres raisons ta phase hallucinatoire aurait été bien différente. En fait, tu la contrôle contrairement à ce que tu peux croire. Cet acte est donc bien politique : en écrivant au coeur d'un évènement tu as un but. En Histoire, on a des équivalents : ce sont Annales, les journaux intimes ou les journaux tout court. Maintenant, si tu attends quelque temps et que tu rédiges à court terme (l'espace d'une vie est du très court terme en Histoire), tu auras un écrit qui se voudra plus objectif, mais ce sera en fait marqué par tes conceptions, ta vie, ton histoire. Tu en donneras une version avec ta vision politique des évènements + des déformations.
Par contre, plus le temps passe sur les évènements, plus surgissent de témoignages n'appartenant pas aux mêmes cercles de pensée ; plus les langues se délieront. Voire même, ce ne seront pas ceux de la génération qui ont vécu les évènements qui parleront, mais ce sera la 2nde génération qui transmettra ce que leurs ainés auront dit sous le sceau du secret et/ou du tabou et/ou de la honte.
A ce moment-là, un historien pourra prendre l'ensemble de ces sources et écrire de l'Histoire en se libérant le plus possible des contraintes politiques contemporaines des évènements, en décrivant les mécanismes qui ont aboutis à ces choix, mais certainement pas en les faisant revivre. Ca c'est le boulot des romanciers (tout du moins d'un certain type). Il pourra même de façon marginale utiliser ces écrits et ces analyses en fonction de la politique qui lui est contemporaine même de façon inconsciente, mais ça on y peut pas grand chose sauf être en tant qu'historien le plus paranoïaque possible.
D'où le fait qu'en Histoire et sans doute sur ce forum, on laisse passer un temps qui peut te paraître assez long entre le sujet et l'analyse du sujet. C'est le temps que l'ensemble des données ou une diversités de données sur le sujet soient accessibles. C'est le temps que l'ensemble des historiens spécialistes d'une période puissent engager un débat sur les interprétations et arrivent à un consensus sur l'interprétation (qui est temporaire et fonction des données) qui se veut amoral.
Des personnes peuvent juger ces évènements, à la lumière ou pas des travaux d'Historiens, mais là cela relève de la politique.
En d'autres termes :
- Tu vis et tu donnes une interprétation d'évènement(s) dont tu ne maitrises pas tous les chemins consécutifs (tu ne te donnes pas le temps de connaitre tous les aboutissants des évènements), mais tu veux absolument donner ta vision des choses : c'est de la politique.
- Tu écris de façon personnelle sur des évènements en donnant un jugement ou en ne rapportant que ton témoignage : c'est de la politique.
- Tu rassembles les causalités et les conséquences à travers une diversité de témoignages pour tenter d'en donner une description des choix et des raisons qui y ont présider pour une société donnée en un temps donné, sans émettre une préférence quelconque : tu fais de l'Histoire.
- Tu utilises les travaux historiques pour dire qu'une démarche événementielle est bien ou mal, en recherchant à ne pas reproduire une "erreur" : c'est de la politique.
D'où mon expression, certes lapidaire mais pas simpliste :
Citer :
C'est la différence profonde entre Histoire et Politique, même si cette dernière aimerait bien enchaîner la première.
Cordialement.