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Message Publié : 07 Nov 2008 22:08 
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C'est La Croix qui nous l'apprend dans son édition du jour, en nous divulguant quelques premiers éléments dans un article d'Antoine Fouchet :

Citer :
Jean-Jacques Becker, historien de 1914-1918, livre sa propre histoire

Il a conseillé le gouvernement pour la préparation des cérémonies du 90e anniversaire de l’Armistice. Pourtant, la Grande Guerre n’est pas son seul sujet de prédilection. Rencontre avec un homme marqué par l’histoire du XXe siècle

La moindre incartade par rapport à la règle, qui veut que l’historien étudie le plus objectivement possible sa matière, est inenvisageable, venant de Jean-Jacques Becker . Pourtant, le risque était grand de commettre un impair ces derniers mois, lorsqu’il s’est attelé à presque 80 ans (il les a aujourd’hui), à la rédaction de ses Mémoires. Elles paraîtront au début de l’année prochaine chez un grand éditeur.

Un observateur sans concesssion

Pensez ! L’historien se penchant sur sa propre histoire, riche en événements, sans être jamais subjectif ! Il en rit lui-même. De ce petit rire frénétique qui l’agite régulièrement et qui fait penser aux gloussements sarcastiques qui animaient le comique Louis de Funès.

Car il a en permanence l’humour en coin, ce fou d’archives aussi connu à New York, Londres, Berlin ou Rome qu’à Paris.

Ce côté jovialement léger, donnant par contraste plus de relief au sérieux du chercheur, lui a toujours valu un surcroît de sympathies dans les relations humaines, notamment de la part de ses étudiants. Mais on ne se refait pas.

Jean-Jacques Becker veut aussi ausculter son passé à lui avec la froideur quasi scientifique de l’observateur sans concession qu’il est réputé être.

Une passion pour la Première Guerre mondiale

C’est très tôt dans la vie qu’il s’est découvert une passion pour l’histoire, et de préférence pour celle de la Première Guerre mondiale.

« Enfant, je dévorais dans ma chambre les numéros de L’Illustration consacrés à la Grande Guerre, se souvient-il. J’étais le seul des quatre petits Becker à m’adonner à cette distraction dévorante. »

Un passe-temps, somme toute, pas si exceptionnel. « Dans l’entre-deux-guerres, les traces de 1914-1918 étaient restées très présentes dans la société.

On rencontrait souvent des mutilés, des “gueules cassées”, auxquels des emplois étaient réservés dans les administrations. Le conflit avait aussi durablement marqué les esprits. »

Le souvenir de la guerre de 1870

Dans sa famille, l’ombre de la « der des ders » plane également. André, le père, l’a faite. Mobilisé en 1916, il a été décoré à Verdun. Il n’en parle pas. Mais, à la maison, on le sait grâce à maman.

Et on en a aussi régulièrement une confirmation indirecte, André terminant rarement un repas sans lâcher un rageur : « Encore un que les Prussiens n’auront pas ! »

Il faut dire également que, chez les Becker , on garde le souvenir d’un autre chamboulement, celui de la guerre de 1870, qui a poussé certains ancêtres à quitter l’Alsace pour Paris.


De grandes facilités en histoire dès l'enfance

Au collège et au lycée, l’enfant manifeste ensuite de grandes facilités en histoire. Sa meilleure matière, après le latin et avec la gymnastique, loin devant les mathématiques.

Les copains de classe – à l’exception d’un élève avec qui il rivalise dans ce domaine et qui est ensuite devenu parlementaire – ne comprennent pas trop comment on peut à ce point aimer le passé à leur âge. Une discipline de prédilection.

Son tempérament, sa tournure d’esprit, sa curiosité pour l’évolution humaine y sont pour beaucoup, mais aussi l’atmosphère familiale.

Les Becker fuient en zone libre avant la rafle parisienne de juillet 1942

Un tout autre revirement de l’histoire attend Jean-Jacques ainsi que ses deux sœurs (Annie et Françoise) et son frère (Henri). D’origine juive, les Becker fuient en zone libre à Grenoble avant la rafle parisienne de juillet 1942.

Disposant de ressources appréciables grâce aux économies réalisées par André, longtemps représentant d’une entreprise réputée de jouets, la famille ne rencontre pas de problèmes particuliers et n’est plus soumise à la « honte » de devoir porter l’étoile jaune.

Juifs non pratiquants, de gauche et méfiants envers toutes les religions (ce qui marquera leur progéniture), les parents ne cachent pas leur aversion pour le régime de Vichy.

Les enfants aînés Annie – future Annie Kriegel – et Henri s’engagent, quant à eux, dans la Résistance communiste, sous le regard admiratif de leurs cadets Françoise et Jean-Jacques, trop jeunes pour se joindre à eux.

Des années de militantisme au Parti communiste

Au lendemain de la guerre, comme pratiquement tout le monde dans sa famille, ce dernier a adhéré « par conviction » au Parti communiste.

Devenu enseignant d’histoire de collège après des études à la Sorbonne, il mène également une activité de militant « à temps plein ».

Rien de vraiment original, là encore, puisque, à l’époque, l’influence du PCF en France est très forte. Sauf que, durant ces années de militantisme, Jean-Jacques Becker pressent comme une contradiction entre le prosélytisme politique et « la prise de distance par rapport aux événements » que nécessite la discipline qu’il enseigne.

Professeur dans un lycée d’une ville moyenne de province, il a même confusément l’impression que cette double vie suscite chez les élèves et les parents quelques interrogations sur la légitimité de son magistère.

En conséquence, il participe aux réunions de cellule et distribue des tracts, mais ne se met pas en avant et ne fait pas de zèle.

Le temps des désillusions

En 1956, les grandes désillusions ont déboulé de l’Est. Les révélations par Khrouchtchev, en février, du caractère répressif du stalinisme ouvrent les yeux de plusieurs militants en France.

L’invasion de la Hongrie, en novembre, par l’Armée rouge pour mettre fin à l’insurrection de Budapest finit de désespérer les mêmes.

Parmi eux, Jean-Jacques Becker , mais aussi sa sœur Annie Kriegel (qui deviendra plus tard une contemptrice farouche du PCF dans les colonnes du Figaro) et son frère Henri.

« Cela a été une déchirure de constater, explique l’historien cinquante ans plus tard, que de pareilles abominations aient été perpétrées au nom de l’idéal auquel nous avions sincèrement cru durant une décennie. Nous ne nous en sommes en quelque sorte jamais relevés. »

Une thèse sur le premier conflit mondial

Jean-Jacques Becker rompt avec le PCF en 1960, au moment même où il est muté dans un lycée à Paris.

Libre de toute attache partisane et idéologique, il se consacre à la recherche historique et prépare une thèse sur le premier conflit mondial. Son « patron » est Pierre Renouvin, le spécialiste, à l’époque, de 1914-1918.

Le sujet précis choisi : « L’opinion publique française et les débuts de la guerre de 1914 ». Un thème jamais traité à cette date et dont l’étude exige notamment de passer en revue les archives préfectorales décrivant le moral de la population.

Une approche novatrice de l’histoire

Soutenue en 1976, puis publiée, la thèse fait rapidement la notoriété de son auteur, car elle marque une approche novatrice de l’histoire, qui prend en compte le vécu des hommes, et pas seulement les péripéties diplomatiques et militaires.

Son expérience malheureuse d’un communisme qui a fait fi de la vox populi n’est pas pour rien dans cette orientation.

Le souci de la trame humaine des événements guide sans cesse, par la suite, les nombreux travaux de Jean-Jacques Becker, mais il n’en a jamais fait une grille unique de compréhension. « Le passage par le PC m’a guéri une fois pour toutes de l’esprit de systématisation », commente-t-il.

Thésard en plus d’être agrégé, il préfère se revendiquer comme un adepte du traitement simultané des différentes facettes historiques, nationales comme internationales.

La première « histoire franco-allemande » de la Grande Guerre

C’est d’ailleurs à l’aune de ce syncrétisme qu’il contribue largement à l’audience de l’Historial de la Grande Guerre à Péronne (Somme), dont il dirige le centre de recherche depuis la création de ce musée (1992).

Homme d’ouverture, il fait venir dans ce centre des historiens étrangers, dont l’Allemand Gerd Krumeich, avec qui il vient de publier en cet automne 2008 la première « histoire franco-allemande » de la Grande Guerre (1).

Et il est pour quelque chose dans la dimension européenne que Nicolas Sarkozy veut donner à la célébration, le 11 novembre prochain, du 90e anniversaire de l’Armistice : il a lui-même plaidé pour cela dans un rapport remis au gouvernement début 2008.

En réalité, c’est plutôt de 1914-1918 que Jean-Jacques Becker ne s’est, d’une certaine manière, jamais remis.

Son implication dans la vie universitaire

« On vous place dans une catégorie et on ne veut pas que vous en sortiez », s’insurge-t-il, rappelant tout un autre pan de son œuvre consacré à la vie politique du XXe siècle, notamment aux partis de gauche.

Il insiste aussi sur son implication dans la vie universitaire. Devenu d’abord maître-assistant de faculté, Jean-Jacques Becker a par exemple, dans l’après-Mai 68, contribué à calmer les esprits à Nanterre comme adjoint de René Rémond, président de l’établissement.

Cela, on s’en doute, n’était pas une mince affaire. Mais ce qui a finalement toujours importé à Jean-Jacques Becker , c’est d’être resté historien, totalement historien.


(1) La Grande Guerre. Une histoire franco-allemande, de Jean-Jacques Becker et Gerd Krumeich (éd. Tallandier, 379 pages, 25 €). Jean-Jacques Becker vient également de publier un Dictionnaire de la Grande Guerre (André Versaille éditeur, 263 pages, 19,90 €
Antoine FOUCHET

_________________
"Il est plus beau d'éclairer que de briller" (Thomas d'Aquin).


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Message Publié : 07 Nov 2008 23:12 
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Inscription : 20 Juin 2003 22:56
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Localisation : Provinces illyriennes
Voilà un bien joli bout de vie, entièrement dédié à l'Histoire... :wink:

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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