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Message Publié : 21 Fév 2009 19:58 
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Salluste
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Inscription : 28 Déc 2006 20:25
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Je me demandais récemment quelles étaient les meilleurs biographies que je connaissais, et du coup je suis tentée de vous poser la même question.

Mais auparavant, il faudrait définir ce qu'est une bonne biographie, avant de donner quelques exemples justifiés de votre choix.

J'ai vu l'ensemble des questions dans ce sous forum d'historio et épistémo relatives aux biographies. Et finalement, assez peu disent les raisons pour lesquelles ils jugent une biographie bonne. Ou pas.

Alors pour commencer, voici ce que je dirais. Écrire une biographie, ce n'est pas raconter la vie d'un personnage, pas plus que faire de l'histoire ne vise à raconter l'histoire mais à l'expliquer. On apprend durant les études d'histoire, qu'un sujet de type biographique est l'éclairage réciproque entre un individu et une époque. "En quoi le parcours de cette personnalité est-il révélateur de son époque, comment a-t-il laissé une marque sur son temps".
Je dois avouer, j'abhorre les biographies un peu anciennes, comme on en écrivait au XIXe siècle, ou au début du XXe siècle (je pense très fort à Batiffol et sa biographie de Marie de Médicis), ou à tous ceux qui leur ont succédé : je n'arrive même pas à concevoir que l'on dise de Bordonove qu'il était historien, Delorme et cie bof...
Bref selon moi il faut au moins éviter deux écueils :
- une bonne biographie ne doit pas prendre partie pour son personnage (ce que fait Delorme) ou laisser de la place au jugement de valeur (là encore je pense à Batiffol qui fait de Marie de Médicis une bonne bourgeoise replète)
- elle ne doit pas être le prétexte à faire le portrait d'une société, ou des évènements (je me souviens d'une biographie était-ce celle de Philippe Le Bel par Favier ? arf ma mémoire me fait défaut, bref un des rois du XIVe siècle, chez Fayard, qui parlait de l'époque etfort peu du souverain...)
- on ne doit pas recopier voir piller ce que les précédents ont fait (cas de Carmona avec sa biographie de Marie de Médicis, il a tout bonnement recopié les énormités de Batiffol sans le citer)
- on ne peut pas être spécialiste de tout, or une bonne biographie doit être écrite par un spécialiste d'une époque précise, sans quoi... on n'apporte rien de neuf.

J'avais beaucoup aimé les premiers chapirtes de L'homme rouge (Richelieu) de Mousnier sans avoir eu l'occasion récemment d'en faire entièrement le tour. J'avais aimé le Fouquet de J. C. Petitfils sans qu'il ne bouleverse les connaissances à son sujet. (bon j'aime moins Petitfils depuis qu'il enchaîne les bigraphies...). J'avoue ne pas avoir bcp de références en dehors de l'époque moderne, aussi je serais très intéressée par les vôtres...

Quels sont donc vos critères et vos biographies préférées?


PS: je regrette l'absence d'index dans ce sous-forum...

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Le satanique ennemi de la véritable histoire : la manie du jugement (Marc Bloch)


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Message Publié : 22 Fév 2009 3:42 
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Salluste
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Inscription : 02 Juil 2006 20:33
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Bonsoir,

pour illustrer mon critère clé, permettez-moi de reprendre votre propos "[...]un sujet de type biographique est l'éclairage réciproque entre un individu et une époque." De ce point de vue, une biographie ne devrait pas être centrée sur le seul personnage, qui serait présenté comme le portrait d'une société, mais sur l'inter-subjectivité, sur la communication, "l'éclairage réciproque", le dialogue personnage/société.

En outre, pour moi, une biographie reste un genre fondamentalement théâtral : l'individu dont on présente la biographie est bel et bien un personnage. Mais encore une fois, il n'est pas seulement un personnage, il est aussi une personne. Je veux signifier que la fiction ou la légende se dispute à la réalité.

C'est surtout valable pour les personnes devenu vraiment des personnages, des légendes, je pense en particulier à Orphée et à Dante. Si une bonne biographie peut se proposer démêler le "noeud impossible" entre légende et histoire, entre fiction et réalité, elle doit souligner l'éclarage réciproque entre la légende et l'histoire. Elle ne doit pas instaurer le dictar de l'histoire ou de la réalité, ce serait amputer le personnage.

En bref, une bonne biographie devrait rendre compte de l'irréductible tension entre fiction et réalité, entre l'auteur et ses oeuvres, entre l'individu et la société.


Ainsi avais-je apprécié Dante, une vie une oeuvre de Risset. Et je préférais aussi sa traduction de la Divine Comédie que les 2 ou 3 autres traductions que j'ai eu l'occasion de lire. Ainsi avais-je apprécié Schelling : biographie de Tilliette.

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« Suffering also has its worth. Through sorrow, pride is driven out, and pity felt for those who wander in samsara; Evil is avoided, goodness seems delightful. »

Shantideva


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Message Publié : 23 Fév 2009 10:39 
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Plutarque
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Inscription : 03 Mars 2008 20:02
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Je manque de temps pour répondre pleinement. Mais, pour remonter le fil et le fournir en références théoriques indispensables, je renvoie vers deux réflexions ardues mais passionnantes sur la biographie dans les sciences sociales :

1) Pierre Bourdieu, "L'illusion biographique", ARSS, 1986 : http://www.homme-moderne.org/societe/so ... usion.html
2) Jean-Claude Passeron, "Biographies, flux, trajectoires", 1989 (qu'on retrouve dans Le raisonnement sociologique et qui répond en partie à l'article de Bourdieu): http://enquete.revues.org/document77.html

Elles illustrent bien les échanges réguliers entre (certains "espaces" de la) sociologie et (de l') histoire. Si je me souviens bien, par exemple, le Saint-Louis de Jacques Le Goff commençait par une réflexion inspirée de l'article de Bourdieu. En tous les cas, je me souviens avoir été particulièrement aidé par les questions des auteurs quand j'essayai de reconstituer des "bouts de vie". Bonne lecture.

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"Pénétrer de présent la tradition elle-même: premier moyen de lui résister." (Lucien Febvre)


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Message Publié : 23 Fév 2009 22:07 
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Plutarque
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Inscription : 03 Mars 2008 20:02
Message(s) : 182
Marie Laetitia a écrit :
Quels sont donc vos critères et vos biographies préférées?


En général, je n'aime pas beaucoup les biographies, notamment pour toutes les raisons que vous avez avancées. J'ai tendance à penser que le projet n'a en général pas beaucoup de sens "savant". En revanche, je suis très fan, dans le cadre d'un livre qui n'est pas une biographie, des "coups de projecteur" sur une ou plusieurs trajectoires individuelles, "reconstruites" donc (explicitement) selon la problématique de l'historien, même s'il est difficile de savoir quel statut leur donner : simple illustration de la thèse, preuve ou cas exemplaire auquel on essaie cependant de rendre sa logique propre ?

Je ne sais si cela entre dans vos interrogations, mais je préfère en général les autobiographies. Enfin, d'un genre particulier: celle de gens qui ont beaucoup réfléchi sur leur société et la trajectoire de leurs groupes d'appartenance. Je pense ainsi à l'autobiographie de Maxime Rodinson, à celles de Richard Hoggart, de Jacques Berque, de Pierre Bourdieu ou au petit chapitre personnel de Noiriel dans je ne sais plus quel livre. Vous connaissez ? Vous en pensez quoi ?

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Message Publié : 24 Fév 2009 10:40 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 14 Avr 2005 10:11
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Concernant les biographies, je ne suis pas non plus un amateur convaincu. Mais certaines permettent de découvrir une période, un moment de l'histoire, ainsi la biographie de Brunehaut de Bruno Dumézil permet à ce dernier d'incarner et de traiter le passage du monde antique finissant au monde médiéval en train de naître. Au début de la vie de Brunehaut, la référence au monde romain par l'intermédiaire du lien à Byzance existe encore mais ce n'est plus le cas à la fin de sa vie.

La biographie de Saint Louis, lue il y a longtemps à une époque où je commençais à lire de véritables livres d'histoire, m'avait fasciné sur un point : Saint Louis n'était plus un saint ou un roi mais avant tout un homme. Ce livre me permettait de savoir ce qu'était qu'être roi au Moyen Âge, être roi et père, être roi et croyant fervent, être roi et mari, être roi et fils...

C'est aussi, à mon sens, le moyen d'illustrer comment un homme fait l'histoire et s'inscrit dans l'histoire. De plus cela n'empêche pas d'intégrer cette vie dans des ensembles plus larges, des structures.

Le genre ne se suffit mais sans lui il manque un peu de chair sur le squelette de la structure.

Julien_b merci pour les liens...

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Message Publié : 28 Fév 2009 21:31 
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Salluste
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Inscription : 28 Déc 2006 20:25
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Localisation : Paris
Julien_b a écrit :
Je manque de temps pour répondre pleinement. Mais, pour remonter le fil et le fournir en références théoriques indispensables, je renvoie vers deux réflexions ardues mais passionnantes sur la biographie dans les sciences sociales :

1) Pierre Bourdieu, "L'illusion biographique", ARSS, 1986 : http://www.homme-moderne.org/societe/so ... usion.html
2) Jean-Claude Passeron, "Biographies, flux, trajectoires", 1989 (qu'on retrouve dans Le raisonnement sociologique et qui répond en partie à l'article de Bourdieu): http://enquete.revues.org/document77.html

Elles illustrent bien les échanges réguliers entre (certains "espaces" de la) sociologie et (de l') histoire. Si je me souviens bien, par exemple, le Saint-Louis de Jacques Le Goff commençait par une réflexion inspirée de l'article de Bourdieu. En tous les cas, je me souviens avoir été particulièrement aidé par les questions des auteurs quand j'essayai de reconstituer des "bouts de vie". Bonne lecture.



Vi, ardu, c'est le mot ! lol J'ai toutefois une préférence pour celui de Passeron, même si son style n'est pas limpide, limpide...

D'autres avis sur le sujet ?

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Message Publié : 08 Mars 2009 18:28 
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Hérodote
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Inscription : 05 Août 2004 7:15
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Bonjour Marie Laetitia,
Concernant ma bio de "Marie de Médicis", permettez que j'apporte un bémol à votre appréciation. Je vous remercie tout d'abord de l'avoir lue (c'est bien le cas, n'est-ce pas ?). Vous dites que je prends parti pour mon personnage. Je pense que ce n'est pas tout à fait exact. Il est vrai qu'on peut difficilement étudier un caractère pendant de longs mois, voire des années, sans ressentir une certaine empathie avec lui, ce qui ne veut pas dire sympathie. Pour Marie de Médicis, je suis parti des bio "classiques", celles des historiens du XIXe siècle , qui la présentaient comme une "grosse banquière" un peu sotte, manoeuvrée par les Concini, et bien digne d'être cocufié par le Vert-Galant. Cela étant, j'ai fait mon boulot d'historien: c'est à dire que je suis retourné aux sources, aux archives, à la BNF, etc. Et c'est ainsi qu'un personnage bien différent s'est dessiné. Non exempt de défauts (je ne crois pas en faire une sainte de vitrail), mais à mon sens plus proche de sa réalité existentielle.
Pour élargir le débat au genre biographique, je pense comme vous que "raconter une vie" (avec un luxe excessif de précision, comme font certains historiens anglo-saxons) ne suffit pas. Une biographie ne prend de sens que si elle est prétexte à éclairer la période concernée, au travers d'une expérience individuelle. C'est en cela que ce genre confère un "supplément d'âme" à l'histoire quantitative dont nous avons tous (les plus de 40 ans...) été abreuvés durant nos études universitaires. C'est ainsi que je l'entends. Et c'est ce que j'ai essayé de faire dans ma bio de Marie de Médicis entre autres, en particulier en essayant de souligner l'opposition entre deux conceptions de la politique étrangère française : l'une "belliciste" incarnée par Richelieu, l'autre "pacifiste" incarnée par la reine mère et le parti catholique dévôt, proche de l'Espagne.
Voilà, jetés à grands traits, quelques éléments. J'espère qu'ils alimenteront votre discussion.
Cordialement
Philippe DELORME
http://phidelorme.free.Fr/phid


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Message Publié : 12 Mars 2009 11:00 
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Plutarque
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Inscription : 03 Mars 2008 20:02
Message(s) : 182
Isidore a écrit :
Concernant les biographies, je ne suis pas non plus un amateur convaincu. Mais certaines permettent de découvrir une période, un moment de l'histoire, ainsi la biographie de Brunehaut de Bruno Dumézil permet à ce dernier d'incarner et de traiter le passage du monde antique finissant au monde médiéval en train de naître. Au début de la vie de Brunehaut, la référence au monde romain par l'intermédiaire du lien à Byzance existe encore mais ce n'est plus le cas à la fin de sa vie.

La biographie de Saint Louis, lue il y a longtemps à une époque où je commençais à lire de véritables livres d'histoire, m'avait fasciné sur un point : Saint Louis n'était plus un saint ou un roi mais avant tout un homme. Ce livre me permettait de savoir ce qu'était qu'être roi au Moyen Âge, être roi et père, être roi et croyant fervent, être roi et mari, être roi et fils...

C'est aussi, à mon sens, le moyen d'illustrer comment un homme fait l'histoire et s'inscrit dans l'histoire. De plus cela n'empêche pas d'intégrer cette vie dans des ensembles plus larges, des structures.

Le genre ne se suffit mais sans lui il manque un peu de chair sur le squelette de la structure.


Oui, on peut dire que la manière de se saisir et d'écrire la vie ou un bout de vie dépend de la théorie de l'histoire et donc de la relation entre ces termes/objets apparemment séparés, "individu" et "société", dont on dispose et en laquelle on croit.

Un écueil embêtant est de voir et d'utiliser une vie comme un simple exemple (c'est ce qu'on nous demande de faire dans les exercices les plus scolaires, comme la dissertation, et cela s'insinue dans les travaux qui suivent). C'est le sens de la question que je posais : tel cas biographique étudié est-il utilisé pour prouver quelque chose, pour exemplifier une thèse plus générale (mettre de la chair) ou comme objet propre, i.e. dont on va tâcher d'objectiver le maximum d'éléments (ce qui, pour une vie entière au moins, est "utopique", dixit Passeron) ? Quiconque a déjà travaillé une "histoire de vie" sait combien on découvre plus de problèmes qu'on en résout ou qu'on en incarne. Enfin, rien que de plus banal, tout matériau produit de nouvelles questions et répond à des logiques propres qui ne se réduisent pas (totalement) aux logiques plus générales déjà éprouvées et attendues en début de recherche. Bref, l'étude d'un bout de vie permet d'objectiver (prendre pour objet et ainsi expliciter) de nouvelles structures (en fonction des problèmes qu'on se pose, du point de vue qu'on prend sur le matériau) et pas simplement d'en incarner.

A l'opposé, je vous suis totalement dans votre critique de l'énoncé de structures générales sans la moindre "chair" ; celui qui écrit l'histoire ainsi l'évacue dans le même mouvement... On comprend ainsi la vigoureuse réaction au "structuralisme" : l'intérêt renouvelé pour l'histoire politique et la biographie, et de manière générale pour l'agent ou l'acteur social et historique (qui a des "stratégies" dans un champ de possibles donné), répond à ce souci.

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Message Publié : 22 Mars 2009 13:15 
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Salluste
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Philippe Delorme a écrit :
Bonjour Marie Laetitia,
Concernant ma bio de "Marie de Médicis", permettez que j'apporte un bémol à votre appréciation. Je vous remercie tout d'abord de l'avoir lue (c'est bien le cas, n'est-ce pas ?). Vous dites que je prends parti pour mon personnage. Je pense que ce n'est pas tout à fait exact. Il est vrai qu'on peut difficilement étudier un caractère pendant de longs mois, voire des années, sans ressentir une certaine empathie avec lui, ce qui ne veut pas dire sympathie. Pour Marie de Médicis, je suis parti des bio "classiques", celles des historiens du XIXe siècle , qui la présentaient comme une "grosse banquière" un peu sotte, manoeuvrée par les Concini, et bien digne d'être cocufié par le Vert-Galant. Cela étant, j'ai fait mon boulot d'historien: c'est à dire que je suis retourné aux sources, aux archives, à la BNF, etc. Et c'est ainsi qu'un personnage bien différent s'est dessiné. Non exempt de défauts (je ne crois pas en faire une sainte de vitrail), mais à mon sens plus proche de sa réalité existentielle.
Pour élargir le débat au genre biographique, je pense comme vous que "raconter une vie" (avec un luxe excessif de précision, comme font certains historiens anglo-saxons) ne suffit pas. Une biographie ne prend de sens que si elle est prétexte à éclairer la période concernée, au travers d'une expérience individuelle. C'est en cela que ce genre confère un "supplément d'âme" à l'histoire quantitative dont nous avons tous (les plus de 40 ans...) été abreuvés durant nos études universitaires. C'est ainsi que je l'entends. Et c'est ce que j'ai essayé de faire dans ma bio de Marie de Médicis entre autres, en particulier en essayant de souligner l'opposition entre deux conceptions de la politique étrangère française : l'une "belliciste" incarnée par Richelieu, l'autre "pacifiste" incarnée par la reine mère et le parti catholique dévôt, proche de l'Espagne.
Voilà, jetés à grands traits, quelques éléments. J'espère qu'ils alimenteront votre discussion.
Cordialement
Philippe DELORME
http://phidelorme.free.Fr/phid


Bonjour,
Oui, oui, je l'ai bien lue, et même plus, je l'avais décortiqué comme toutes les autres biographies de Marie de Médicis, puisque j'ai fait il y a quelques années ma maîtrise sur la correspondance de Marie de Médicis.
Pour l'empathie, je suis tombée là-dedans aussi, c'est difficile à éviter, quelque soit le sujet. Heureusement, quelque fois, on se ressaisit (même si c'est douloureux, puisque tombent des idées devenues au fil du temps des quasi certitudes). J'ai même poussé l'empathie jusqu'à me rendre compte que je ne pouvais pas continuer à faire de l'histoire du genre, en raison de mon histoire personnelle, je prenais trop parti, ce qui m'empêchait d' "observer pour comprendre" comme on doit le faire, en histoire.
On ne peut pas non plus écrire, à mon sens (mais ce n'est que mon avis) des biographies sur n'importe quelle époque, au risque de ne pas passer assez de temps sur un personnage pour le comprendre, en le replaçant dans le cadre de sa société. Comment expliquer que le goût des diamants de Marie de Médicis apparaît toujours comme de la frivolité, ou bien n'apparaît pas du tout quand on parle d'elle, alors que Frances Yates a montré qu'avec le développement du néopatonisme, on attribue aux XVIe s. aux diamants une vertu extraordinaire, c'est-à-dire que l'on porte des diamants pour attirer les forces positives du cosmos, selon les principes de la magie blanche relancée au XVIe siècle grâce au néoplatonisme ? Cela change tout. Comme cela change tout de se rendre compte qu'elle n'a pas été épousée pour son argent (même s'il a beaucoup compté, et on n'a pas montré assez à quel point Henri IV est dans une situation financière extrêmement critique entre 1494 et 1597) mais aussi pour capter les cilentèles italiennes jusque là hispanophiles par contrainte (la France ayant été obligée, conflits religieux oblige, de quitter l'espace italien, de renoncer à l'influence politique sur l'Italie qui était développée volontairement par la France et l'Espagne, chacune l'une contre l'autre). Et de fait, dans les années 1600 on observe un basculement des élites italiennes, qui pour se libérer des ambitions espagnoles, se tournent entre 1600 et 1610, vers la France, non par amour, mais par choix politique.
J'ai mis un an plein, à étudier quatre années de la correspondance de Marie de Médicis. Écrire une biographie en y mettant 10 ans comme c'est le cas de celle qui va sortir (je vous rassure je n'en suis pas l'auteur) me semble une nécessité...

Quant à dire qu'une biographie doit être un prétexte pour éclairer une époque, ce n'est pas non plus mon avis...

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Message Publié : 23 Mars 2009 10:35 
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Pierre de L'Estoile
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Citer :
Quant à dire qu'une biographie doit être un prétexte pour éclairer une époque, ce n'est pas non plus mon avis...


Elle peut...

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Message Publié : 23 Mars 2009 10:38 
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Salluste
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Isidore a écrit :
Citer :
Quant à dire qu'une biographie doit être un prétexte pour éclairer une époque, ce n'est pas non plus mon avis...


Elle peut...


Oui, elle peut être un prétexte, mais est-ce sa vocation ?

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Message Publié : 23 Mars 2009 10:51 
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Pierre de L'Estoile
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A-t-elle une vocation ?

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Message Publié : 23 Mars 2009 13:42 
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Salluste
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Localisation : Paris
Isidore a écrit :
A-t-elle une vocation ?



on peut espérer qu'une biographie vise à quelque chose, au moins à répondre à une question, sinon, ce n'est pas une étude d'histoire... non ?

PS: pourriez-vous développer un peu vos argumentations ? Parce que là, on joue à la rhétorique...

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Message Publié : 23 Mars 2009 14:06 
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Pierre de L'Estoile
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Quell vocation pour une biographie ? Ma remarque, lapidaire j'en conviens, visait à souligner que ce genre n'avait pas une vocation.

Elle peut avoir des vocations très différentes selon l'oeuvre : éclairer des points de la vie de cette personne, aborder une époque, un mouvement intellectuel (ex l'averroës de Dominique Urvoy), un comportement dans une situation donnée (mort, mariage, enfance...)... Si l'intention et la méthode de l'auteur sont indiqués rien ne s'oppose à ce que le genre biographique soit une approche valide en tant que tel.

Paradoxalement le genre biographique pur ne me semble pas pouvoir exister, car il s'agira d'une toujours d'une personne avec une vie sociale. Parler d'un homme c'est parler d'un individu dans une société... Mais c'est là banalité.

Elle sera donc bien souvent pré-texte mais elle pourra être aussi ilustration du texte. Mais une biographie pour elle même, en existe-t-il même une seule ?

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Message Publié : 27 Mars 2009 20:23 
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Hérodote
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Marie Laetitia a écrit :
Philippe Delorme a écrit :
Bonjour Marie Laetitia,
Concernant ma bio de "Marie de Médicis", permettez que j'apporte un bémol à votre appréciation. Je vous remercie tout d'abord de l'avoir lue (c'est bien le cas, n'est-ce pas ?). Vous dites que je prends parti pour mon personnage. Je pense que ce n'est pas tout à fait exact. Il est vrai qu'on peut difficilement étudier un caractère pendant de longs mois, voire des années, sans ressentir une certaine empathie avec lui, ce qui ne veut pas dire sympathie. Pour Marie de Médicis, je suis parti des bio "classiques", celles des historiens du XIXe siècle , qui la présentaient comme une "grosse banquière" un peu sotte, manoeuvrée par les Concini, et bien digne d'être cocufié par le Vert-Galant. Cela étant, j'ai fait mon boulot d'historien: c'est à dire que je suis retourné aux sources, aux archives, à la BNF, etc. Et c'est ainsi qu'un personnage bien différent s'est dessiné. Non exempt de défauts (je ne crois pas en faire une sainte de vitrail), mais à mon sens plus proche de sa réalité existentielle.
Pour élargir le débat au genre biographique, je pense comme vous que "raconter une vie" (avec un luxe excessif de précision, comme font certains historiens anglo-saxons) ne suffit pas. Une biographie ne prend de sens que si elle est prétexte à éclairer la période concernée, au travers d'une expérience individuelle. C'est en cela que ce genre confère un "supplément d'âme" à l'histoire quantitative dont nous avons tous (les plus de 40 ans...) été abreuvés durant nos études universitaires. C'est ainsi que je l'entends. Et c'est ce que j'ai essayé de faire dans ma bio de Marie de Médicis entre autres, en particulier en essayant de souligner l'opposition entre deux conceptions de la politique étrangère française : l'une "belliciste" incarnée par Richelieu, l'autre "pacifiste" incarnée par la reine mère et le parti catholique dévôt, proche de l'Espagne.
Voilà, jetés à grands traits, quelques éléments. J'espère qu'ils alimenteront votre discussion.
Cordialement
Philippe DELORME
http://phidelorme.free.Fr/phid


Bonjour,
Oui, oui, je l'ai bien lue, et même plus, je l'avais décortiqué comme toutes les autres biographies de Marie de Médicis, puisque j'ai fait il y a quelques années ma maîtrise sur la correspondance de Marie de Médicis.
Pour l'empathie, je suis tombée là-dedans aussi, c'est difficile à éviter, quelque soit le sujet. Heureusement, quelque fois, on se ressaisit (même si c'est douloureux, puisque tombent des idées devenues au fil du temps des quasi certitudes). J'ai même poussé l'empathie jusqu'à me rendre compte que je ne pouvais pas continuer à faire de l'histoire du genre, en raison de mon histoire personnelle, je prenais trop parti, ce qui m'empêchait d' "observer pour comprendre" comme on doit le faire, en histoire.
On ne peut pas non plus écrire, à mon sens (mais ce n'est que mon avis) des biographies sur n'importe quelle époque, au risque de ne pas passer assez de temps sur un personnage pour le comprendre, en le replaçant dans le cadre de sa société. Comment expliquer que le goût des diamants de Marie de Médicis apparaît toujours comme de la frivolité, ou bien n'apparaît pas du tout quand on parle d'elle, alors que Frances Yates a montré qu'avec le développement du néopatonisme, on attribue aux XVIe s. aux diamants une vertu extraordinaire, c'est-à-dire que l'on porte des diamants pour attirer les forces positives du cosmos, selon les principes de la magie blanche relancée au XVIe siècle grâce au néoplatonisme ? Cela change tout. Comme cela change tout de se rendre compte qu'elle n'a pas été épousée pour son argent (même s'il a beaucoup compté, et on n'a pas montré assez à quel point Henri IV est dans une situation financière extrêmement critique entre 1494 et 1597) mais aussi pour capter les cilentèles italiennes jusque là hispanophiles par contrainte (la France ayant été obligée, conflits religieux oblige, de quitter l'espace italien, de renoncer à l'influence politique sur l'Italie qui était développée volontairement par la France et l'Espagne, chacune l'une contre l'autre). Et de fait, dans les années 1600 on observe un basculement des élites italiennes, qui pour se libérer des ambitions espagnoles, se tournent entre 1600 et 1610, vers la France, non par amour, mais par choix politique.
J'ai mis un an plein, à étudier quatre années de la correspondance de Marie de Médicis. Écrire une biographie en y mettant 10 ans comme c'est le cas de celle qui va sortir (je vous rassure je n'en suis pas l'auteur) me semble une nécessité...

Quant à dire qu'une biographie doit être un prétexte pour éclairer une époque, ce n'est pas non plus mon avis...


Merci Marie Laetitia pour votre longue réponse, bien argumentée et intéressante. Je comprends votre souci de "creuser" un sujet à fond, et d'y consacrer 10 ans (même si je trouve que c'est un peu beaucoup, et sans doute assez sclérosant), mais je pense aussi qu'un travail plus "cursif" comme le mien permet d'offrir un éclairage plus général qui ne manque pas non plus d'intérêt. J'ajouterais que bien des bio "savantes", lorsque l'on y regarde de près, ne le sont pas tant que cela, et répètent des erreurs recopiées dans des livres plus anciens, montrant que leurs auteurs ne prennent pas toujours la peine de retourner aux sources.

Ce que vous dites sur les diamants est intéressant, quoique à mon sens un peu trop ésotérique (la croyance à la valeur médicinale ou spirituelle des pierres remontent à l'antiquité, je l'évoque dans plusieurs de mes bio de reines de France) mais j'ajouterais que vous oubliez un élément essentiel : des diamants et les pierres précieuses en général, grâce à leur très grande valeur marchande, permettent d'avoir sous la main de très grosses sommes, facilement transportables en cas de malheur ! C'est d'ailleurs ce que fera Marie lors de son long exil : ses diamants lui ayant permis de "tenir" avec une certaine dignité jusqu'au bout.

Quant à la prochaine bio de Marie de Médicis, je la lirai avec plaisir. Mais qui est l'auteur ?

Cordialement

PHD


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