Philippe Delorme a écrit :
Bonjour Marie Laetitia,
Concernant ma bio de "Marie de Médicis", permettez que j'apporte un bémol à votre appréciation. Je vous remercie tout d'abord de l'avoir lue (c'est bien le cas, n'est-ce pas ?). Vous dites que je prends parti pour mon personnage. Je pense que ce n'est pas tout à fait exact. Il est vrai qu'on peut difficilement étudier un caractère pendant de longs mois, voire des années, sans ressentir une certaine empathie avec lui, ce qui ne veut pas dire sympathie. Pour Marie de Médicis, je suis parti des bio "classiques", celles des historiens du XIXe siècle , qui la présentaient comme une "grosse banquière" un peu sotte, manoeuvrée par les Concini, et bien digne d'être cocufié par le Vert-Galant. Cela étant, j'ai fait mon boulot d'historien: c'est à dire que je suis retourné aux sources, aux archives, à la BNF, etc. Et c'est ainsi qu'un personnage bien différent s'est dessiné. Non exempt de défauts (je ne crois pas en faire une sainte de vitrail), mais à mon sens plus proche de sa réalité existentielle.
Pour élargir le débat au genre biographique, je pense comme vous que "raconter une vie" (avec un luxe excessif de précision, comme font certains historiens anglo-saxons) ne suffit pas. Une biographie ne prend de sens que si elle est prétexte à éclairer la période concernée, au travers d'une expérience individuelle. C'est en cela que ce genre confère un "supplément d'âme" à l'histoire quantitative dont nous avons tous (les plus de 40 ans...) été abreuvés durant nos études universitaires. C'est ainsi que je l'entends. Et c'est ce que j'ai essayé de faire dans ma bio de Marie de Médicis entre autres, en particulier en essayant de souligner l'opposition entre deux conceptions de la politique étrangère française : l'une "belliciste" incarnée par Richelieu, l'autre "pacifiste" incarnée par la reine mère et le parti catholique dévôt, proche de l'Espagne.
Voilà, jetés à grands traits, quelques éléments. J'espère qu'ils alimenteront votre discussion.
Cordialement
Philippe DELORME
http://phidelorme.free.Fr/phid
Bonjour,
Oui, oui, je l'ai bien lue, et même plus, je l'avais décortiqué comme toutes les autres biographies de Marie de Médicis, puisque j'ai fait il y a quelques années ma maîtrise sur la correspondance de Marie de Médicis.
Pour l'empathie, je suis tombée là-dedans aussi, c'est difficile à éviter, quelque soit le sujet. Heureusement, quelque fois, on se ressaisit (même si c'est douloureux, puisque tombent des idées devenues au fil du temps des quasi certitudes). J'ai même poussé l'empathie jusqu'à me rendre compte que je ne pouvais pas continuer à faire de l'histoire du genre, en raison de mon histoire personnelle, je prenais trop parti, ce qui m'empêchait d' "observer pour comprendre" comme on doit le faire, en histoire.
On ne peut pas non plus écrire, à mon sens (mais ce n'est que mon avis) des biographies sur n'importe quelle époque, au risque de ne pas passer assez de temps sur un personnage pour le comprendre, en le replaçant dans le cadre de sa société. Comment expliquer que le goût des diamants de Marie de Médicis apparaît toujours comme de la frivolité, ou bien n'apparaît pas du tout quand on parle d'elle, alors que Frances Yates a montré qu'avec le développement du néopatonisme, on attribue aux XVIe s. aux diamants une vertu extraordinaire, c'est-à-dire que l'on porte des diamants pour attirer les forces positives du cosmos, selon les principes de la magie blanche relancée au XVIe siècle grâce au néoplatonisme ? Cela change tout. Comme cela change tout de se rendre compte qu'elle n'a pas été épousée pour son argent (même s'il a beaucoup compté, et on n'a pas montré assez à quel point Henri IV est dans une situation financière extrêmement critique entre 1494 et 1597) mais aussi pour capter les cilentèles italiennes jusque là hispanophiles par contrainte (la France ayant été obligée, conflits religieux oblige, de quitter l'espace italien, de renoncer à l'influence politique sur l'Italie qui était développée volontairement par la France et l'Espagne, chacune l'une contre l'autre). Et de fait, dans les années 1600 on observe un basculement des élites italiennes, qui pour se libérer des ambitions espagnoles, se tournent entre 1600 et 1610, vers la France, non par amour, mais par choix politique.
J'ai mis un an plein, à étudier quatre années de la correspondance de Marie de Médicis. Écrire une biographie en y mettant 10 ans comme c'est le cas de celle qui va sortir (je vous rassure je n'en suis pas l'auteur) me semble une nécessité...
Quant à dire qu'une biographie doit être un
prétexte pour éclairer une époque, ce n'est pas non plus mon avis...