Nous sommes actuellement le 26 Avr 2024 16:10

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 102 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1 ... 3, 4, 5, 6, 7
Auteur Message
Message Publié : 01 Juin 2009 17:32 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9062
Huyustus a écrit :
j'aurais dû écrire : "il s'élève contre une certaine propension de certains à juger implacablement le passé sur la base des valeurs de la France de 2009, alors même qu'ils font preuve d'un relativisme complaisant et compréhensif à l'égard du présent, ce qui leur permet de s'auto-proclamer procureurs des hommes du passé et avocats de ceux du présent".

Et qui vous dit que ce sont les mêmes ?

Les mêmes qui jugent implacablement les violeurs ou les pédophiles du passé feraient preuve de complaisance avec ceux d'aujourd'hui ? Curieuse affirmation.

(à supposer que cette complaisance actuelle existe réellement.)

Il s'agit bel et bien d'une vision idéologique, même si vous ne visez personne en particulier.

Pour Finkielkraut, il y a bien longtemps que ce genre d'affirmations paradoxales lui sert à dénoncer une permissivité meurtrière de la gauche, supposée trouver des excuses aux assassins au nom d'un "esprit de mai 68" qui autoriserait tout et le reste. Mais quand on évoque les fantasmes de Finkielkraut, on est ni dans l'historiographie ni dans la géopolitique : on est en plein dans le débat politique du jour.(Ou dans le versant le plus désolant de ce débat, idéologie contre idéologie, hors de tout réalisme : une spécialité franco-française.)

Tonnerre a écrit :
Pour qu'un acte portant atteinte à l'intégrité physique ou à la vie d'un être vivant soit reconnu comme moralement et légalement condamnable, il faut que la vie et la personne de cet être soient reconnues comme ayant de la valeur, qu'on lui reconnaisse aussi une sorte de qualité de sujet, un degré d'existence autonome La condamnation morale de ce type d'acte variera donc en fonction de la variation de la valeur et du statut social accordés à la personne de l'être qui en est l'objet.
C'est la façon dont un être particulier est pensé socialement qui détermine si une atteinte envers cet être est moralement condamnable ou pas. Et cette façon de le penser peut varier considérablement selon les lieux et les époques

Vous décrivez très bien les mécanismes qui légitiment la violence, à toute époque.

A contrario, il faut remarquer que ces règles, à toutes les époques, ont fait l'objet de débats et de contestations.

Et de transgressions : massacres de citoyens au cours d'actions de guerre, révoltes d'esclaves ou de paysans, soulèvements de peuples soumis par l'Empire, assassinats politiques...

C'est justement en regardant quelles actions étaient réprouvées qu'on peut repérer les règles établies à une époque donnée. (celles qui s'imposaient réellement, au delà du discours : la mise à mort d'esclaves était-elle si courante dans la Rome christianisée du 4ème siècle ? En théorie ils avaient le même statut que 4 siècles plus tôt. Dans les faits...)

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 01 Juin 2009 18:58 
Hors-ligne
Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
Message(s) : 2720
Localisation : Centre
Citer :
C'est justement en regardant quelles actions étaient réprouvées qu'on peut repérer les règles établies à une époque donnée. (celles qui s'imposaient réellement, au delà du discours : la mise à mort d'esclaves était-elle si courante dans la Rome christianisée du 4ème siècle ? En théorie ils avaient le même statut que 4 siècles plus tôt. Dans les faits...)

Oui, pierma, il y a des cas particuliers, et il y a aussi une différence entre les règles morales et légales acceptées et leurs application en réel, mais pour la mort d'esclaves dans le Sud des Etats-Unis, la rareté de fait de la mise à mort d'esclaves était surtout (ou au moins en partie) le résultat de considérations financières--leur valeur marchande était importante; grosso modo, et pour prendre un élément de comparaison, selon l'âge, le sexe et les capacités, un esclave coûtait le prix d'une voiture, neuve ou d'occasion.
C'aurait été vraiment stupide de mettre à mort un esclave sans raison sérieuse; dans le cas où le comportement insubordonné ou délictueux d'un esclave risquait de perturber le bon fonctionnement d'une plantation, les planteurs préféraient s'en débarrasser en le vendant, si c'était possible. Mais il arrivait que des esclaves jugés dangereux et irrécupérables soient tués par leur maitre, ou par les forces de police, et dans ce cas, il n'y avait le plus souvent pas de procès.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 01 Juin 2009 22:22 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8179
Localisation : Provinces illyriennes
Citer :
Les esclavagistes, en revanche, n’y voyaient pas grand problème et trouvaient ça même plutôt utile. Les survivants de massacres de masse, ceux qui perdent leur famille, qui en sortent blessés, n’ont jamais trouvé ça normal. Les massacreurs, en revanche, y ont toujours trouvé de bonnes raisons, ou des excuses.

Quelle belle vision manichéenne de l'Histoire de l'Humanité - pour ne pas dire naïve - vous nous servez là ! :mrgreen:
Je relève simplement cela, car c'est bien surprenant de vous voir ainsi enfoncer de la sorte des portes ouvertes...

Citer :
Il n’y a pas de jugements moraux anachroniques, il n’y a que le point de vue du bourreau et le point de vue de la victime.

Nous pouvions nous rendre compte que vous n'aimiez pas l'Histoire - puisque vous lui aviez refusée le statut de science sur un autre fil -, mais à ce point c'est très fort. 8-|
A vous lire Sanson et le bourreau de Néron sont les mêmes. Pas besoin donc de recontextualiser des faits séparés par plus de 15 siècles, d'y apporter des éclairages spatiaux, voire culturels ou politiques, ou encore psychologiques - hé oui, l'être humain est traversé par des sentiments très contradictoires et parfois confus, qui débouchent sur des actes souvent paradoxaux et contradictoire. Bref, de faire un travail d'historien dans la nuance...
Ce jugement globalisant, moralisateur et manichéen vous appartient c'est très clair, mais n'en faites pas une thèse pour autant. Peu d'historiens soutiennent vos visions et votre lecture de l'anachronisme.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 02 Juin 2009 9:55 
Hors-ligne
Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
Message(s) : 2720
Localisation : Centre
Citer :
il n’y a que le point de vue du bourreau et le point de vue de la victime.

Tout est simple, pas de doute, pas de nuances, pas d'ambiguité, pas de complexité fatigante à appréhender, pas de zone grise, tout est tracé au cordeau: comme dans les films, il y a les bons et les méchants, les rôles sont distribués une fois pour toutes, pas de questionnement, arrêt de la pensée, fermez le ban.
Le problème est que l'on peut être les deux à la fois: des populations opprimées mais qui en oppriment d'autres simultanément, des peuples qui ont farouchement combattu pour leur libération mais qui oppriment grossièrement certaines catégories de leur population: minorités, femmes etc.
Ou que la polarisation peut s'inverser et qu'on peut facilement passer de l'un à l'autre (il est bien connu par les psychologues que les victimes d'abus et de maltraitance tendent à reproduire ces comportements sur d'autres plus tard; certains considèrent qu'Israel est un cas type);
Et aussi qu'on peut être bourreau et se présenter comme victime (c'est une stratégie classique des bourreaux), qu'on peut être victime sans s'en rendre compte (cela s'appelle l'aliénation) et que les victimes peuvent se ranger du côté de leur bourreau (cf la classe ouvrière lorsqu'elle se range du côté des dictateurs et partis de droite) et ne pas vouloir qu'on les en libère, qu'on peut être un bourreau récalcitrant, etc.
Et enfin, que les victimes généralement reconnues ne sont pas celles qui sont le plus victimisées, les pires victimisations se déroulent habituellement dans le silence et l'acceptation généralisée de pratiques considérées comme parfaitement normales.

Mais qui est l'ultime autorité omnisciente qui décidera qui sont les bourreaux et qui sont les victimes?


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 03 Juin 2009 1:11 
Hors-ligne
Philippe de Commines
Philippe de Commines
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 05 Jan 2008 16:29
Message(s) : 1815
Localisation : France
Tonnerre a écrit :
Mais qui est l'ultime autorité omnisciente qui décidera qui sont les bourreaux et qui sont les victimes?


Espérons en tout cas que le parlement aura la sagesse de renoncer à ce rôle qui semble parfois le tenter...

_________________
Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)

Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 03 Juin 2009 8:21 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 26 Déc 2004 20:46
Message(s) : 1455
Localisation : France
La lecture d'un chapitre d'un roman (ou essai ?) de Marek Halter me conduisait à conclure ceci.

Le devoir de mémoire est la conscience des monstruosités dont l'Homme est capable, et non pas la mémoire des outrages subis.

C'est cette transformation, à usage politique, qui pervertit son usage.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Juin 2009 13:23 
Hors-ligne
Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
Message(s) : 2720
Localisation : Centre
J'abonde, Geopolis, et je verse cette autre citation au dossier, pour mieux mettre en évidence qu'un certain type de discours de dénonciation des crimes du passé est contre-productif par rapport à ses propres objectifs:

"Pourquoi notre époque s'acharne-t'elle à sortir le mal des archives? On dit que c'est pour éviter que les horreurs ainsi identifiées ne se reproduisent. Je crois au contraire qu'on cultive une sorte de nouvelle apathie, celle d'une génération qui, ayant endossé comme des habits avantageux l'antinazisme et l'anticommunisme, se trouve titulaire d'une bonne conscience morale à laquelle ne correspond aucun but, qu'elle ne sait pas employer autrement qu'à l'épuration du passé de ses géniteurs". (Paul Thibaud, cité dans "Vichy, un passé qui ne passe pas" d'Eric Conan et Henry Rousso).

C'est sans doute un peu dur---et cela ne concerne pas qu'une seule génération---, mais il y a néanmoins quelque chose d'assez pertinent dans cette analyse.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Juin 2009 22:26 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9062
Je trouve cette citation très pertinente. Au fond, il est très facile de se donner bonne conscience en se disant qu'on n'aurait pas collaboré avec les nazis, qu'on aurait fait de la résistance et caché des juifs. (Surtout quand on n'a rien connu de l'atmosphère de l'époque.)

Mais c'est une bonne conscience anachronique, effectivement. La question est de savoir qui se mobilise aujourd'hui pour la liberté et pour défendre les réprouvés. Et là on s'aperçoit qu'il existe des motifs de division différents, mais tout aussi forts qu'il y a 60 ans.

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Juin 2009 0:02 
Hors-ligne
Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 23 Avr 2005 10:54
Message(s) : 604
C'est exactement ce que je pense aussi. Ce qu'il y a de sous-jacent derrière ces discussions, c'est la volonté farouche de la bonne conscience. "Nous ne sommes pas responsables, ou du moins, s'il y a un "nous" qui est responsable, moi, je n'en fais pas partie."
Je relisais cet après-midi ce fabuleux texte de Max Weber, La Politique comme Vocation. C'est le texte d'une conférence prononcée en 1919, par un historien allemand comme chacun sait. Weber y disait de manière prophétique que lorsque le vainqueur ne sait pas respecter le vaincu, cela ne peut que se retourner contre lui un jour ou l'autre, à la manière d'un boomerang. Lorsqu'on est incapable de reconnaître les torts causés, ou pis encore, lorsqu'on affirme que loin d'avoir causé du tort à l'autre, on l'a fait "pour son bien", on ne peut que retrouver en face de soi la frustration, la colère et le mépris voire le désir de revanche. Et cela n'a rien à voir avec une quelconque période historique : C'est cela, justement, le moteur des vendettas, c'est tout de même étonnant qu'on ne s'en rende pas compte.
Mais c'est ainsi, il semble que l'histoire n'apprenne jamais grand-chose aux hommes qui n'ont pour seul impératif que d'avoir raison, d'être du "bon côté".


Duc de Raguse a écrit :
Nous pouvions nous rendre compte que vous n'aimiez pas l'Histoire - puisque vous lui aviez refusée le statut de science sur un autre fil -, mais à ce point c'est très fort.

Cette attaque ad hominem est proprement ridicule. Parce que je ne partage pas vos convictions historiographiques, sommes toutes assez originales, je n'aime pas l'histoire ? Qu'est-ce que c'est que ces bétises ? Si vous bossiez un peu votre sujet au lieu de vous abandonner à ce ton polémiste et désagréable, vous vous rendriez compte qu'il est bien difficile d'assumer d'un côté le relativisme que vous revendiquez ici pour l'histoire, et de l'autre, le statut de science.


Tonnerre a écrit :
Et enfin, que les victimes généralement reconnues ne sont pas celles qui sont le plus victimisées, les pires victimisations se déroulent habituellement dans le silence et l'acceptation généralisée de pratiques considérées comme parfaitement normales.

Très bonne analyse. Mais et donc ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'une bonne victime est une victime muette ? Que vous aussi, vous participez de cette "acceptation généralisée" ? Irréductiblement, c'est là toute la question, et c'est là que se situe la responsabilité individuelle de chacun. N'est-ce pas ?

_________________
...que vont charmant masques et bergamasques...


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Juin 2009 10:07 
Hors-ligne
Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 14 Avr 2005 10:11
Message(s) : 2082
Bergame a écrit :
Weber y disait de manière prophétique que lorsque le vainqueur ne sait pas respecter le vaincu, cela ne peut que se retourner contre lui un jour ou l'autre, à la manière d'un boomerang. Lorsqu'on est incapable de reconnaître les torts causés, ou pis encore, lorsqu'on affirme que loin d'avoir causé du tort à l'autre, on l'a fait "pour son bien", on ne peut que retrouver en face de soi la frustration, la colère et le mépris voire le désir de revanche. Et cela n'a rien à voir avec une quelconque période historique : C'est cela, justement, le moteur des vendettas, c'est tout de même étonnant qu'on ne s'en rende pas compte.


Casser le mécanisme victimaire, refuser la montée aux extrêmes... Reconnaître le vaincu, il y a un peu de cela dans ce qui rend possible la "réconciliation" franco-allemande. Si les allemands se savent vaincus, les français se rendent, un peu, compte qu'il faut avoir la victoire modeste dans leur situation. Mais que cela est difficile, je le vis dans des associations politiques européennes et l'ai vécu comme consultant pour un avionneur franco-allemand bien connu. Même quand on discute de pièces de rechange, c'est le traité de l'Elysée tous les jours.

_________________
« Étudiez comme si vous deviez vivre toujours ; vivez comme si vous deviez mourir demain. » Isidore de Séville


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 08 Juin 2009 19:18 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 20 Juin 2003 22:56
Message(s) : 8179
Localisation : Provinces illyriennes
Citer :
Cette attaque ad hominem est proprement ridicule. Parce que je ne partage pas vos convictions historiographiques, sommes toutes assez originales, je n'aime pas l'histoire ? Qu'est-ce que c'est que ces bétises ? Si vous bossiez un peu votre sujet au lieu de vous abandonner à ce ton polémiste et désagréable, vous vous rendriez compte qu'il est bien difficile d'assumer d'un côté le relativisme que vous revendiquez ici pour l'histoire, et de l'autre, le statut de science.

Au lieu de jouer dans le registre malsain et mahonnête de la victimisation - en noyant par la même occasion le poisson -, expliquez nous donc vos sorties pour le moins étranges dans vos posts précédents.
A commencer par cette étrange formule :
Citer :
Il n’y a pas de jugements moraux anachroniques, il n’y a que le point de vue du bourreau et le point de vue de la victime.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 22 Juin 2009 2:56 
Hors-ligne
Hérodote
Hérodote

Inscription : 21 Juin 2009 15:49
Message(s) : 24
C'est intéressant ; j'ai réfléchi récemment à un phénomène voisin, qui voudrait que l'on ne pense jamais l'homme du passé comme étant semblable à nous, mais plutôt comme différent, de diverses manières, l'une de ces manières étant l'homme "stupide" ou tout bonnement "barbare".

Pour revenir au sujet d'origine, et comme l'ont évoqué certains, il me semble surtout que cela relève du repoussoir. Exemple-type : les nazis. Je me souviens d'une discussion que j'avais eue avec quelqu'un, à la suite du fameux film La Chute que l'on accusait de rendre Hitler "humain", argument que mon interlocutrice soutenait. Mais il est humain, lui répondais-je (d'ailleurs, l'on m'a rapporté que les études sur les Einsatzgruppen et la "Shoah par balles", de Mr Desbois je crois, amènent également ce constat que les membres de ces commandos d'extermination étaient très "humains", pères de famille, etc. et non des bourreaux fanatiques et assoiffés de sang...). Etant humain, il n'est pas fondamentalement différent de nous et nous aussi, aurions peut-être été nazis si nous avions été dans ce contexte (spéculation sans intérêt, bien sûr, car il ne s'agit plus alors vraiment de "nous", mais bref). Réponse péremptoire : "ah non ! Moi, je n'aurais jamais été une nazie !".

Le nazi, l'esclavagiste, le massacreur... Autant de "monstres" que l'on créé, nous, souvent à partir de sources contemporaines qui déjà, créaient ce monstre, pour diverses raisons... bien plus complexes, à mon avis, que la bipartition bourreaux/victimes. Mais en fait, dans ces "jugements moraux" il s'agit bien plus de notre société et de nous, que de la société de ceux sur qui le jugement est porté.

Je me souviens avoir vu, chez un bouquiniste, un livre datant des années 30 sur les "crimes de l'Inquisition espagnole". Dedans, il y avait tout ce qu'il faut : sur la couverture, l'on voyait une femme presque nue, éplorée, tourmentée par un espèce de type en robe du Ku Klux Klan, mais rouge. À l'intérieur, ce n'étaient qu'histoires de moines violant des femmes, et voulant en plus "briser leur âme", les humilier, confisquer leurs biens, pervertir leurs filles, bref, on aurait dit du Sade... Mais le tout était présenté comme historique, et dans sa préface, l'auteur affirmait qu'il convenait de se renseigner sur de tels abus et horreurs, pour savoir de quoi était et est encore capable l'Eglise catholique.

S'agit-il là du point de vue des "victimes" ou de celui des "bourreaux" ? Ni l'un ni l'autre ! L'Inquisition n'était pas un pique-nique en famille et elle fut critiquée à l'époque par certains, mais je ne crois pas que ce brave auteur ait trouvé cela dans des sources du temps. Pour avoir un peu parcouru (sujet d'agreg, n'est-ce pas) l'iconographie présentant des massacres plus ou moins phantasmés (par les catholiques ou les protestants) je n'ai rien vu qui s'approche de ces récits abracadabrantesques. Il s'agit bien plutôt d'une collection de mythes qui me semblent surtout avoir à voir avec la période romantique (voir par exemple l'oeuvre de jeunesse de Mérimée, Le théâtre de Clara Gazul, où l'on trouve des inquisiteurs concupiscents). Mais là où Mérimée était ironique et littéraire, notre auteur devient sérieux et prétendument historique, à des fins de repoussoir : en l'occurrence, honnir l'Eglise catholique, d'une part, et aussi, sans doute, souligner qu'en ces temps lointains où l'Eglise régnait, c'était vraiment l'horreur, tandis que maintenant, grâce au Progrès...

Tout ça pour dire que je ne vois vraiment pas l'intérêt, mais bien les nombreux dangers, de ces jugements moraux, ou de ces "bilans" que l'on cherche à établir et à déterminer comme "globalement positifs" ou non, comme disait Mr Marchais.

(PS : si jamais ça vous intéresse, un texte que j'ai écrit sur la question plus générale de "ces hommes du passé que l'on considère comme des étrangers").

_________________
Kringla heimsins, sú er mannfólkið byggir, er mjög vogskorin...


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 102 message(s) ]  Aller vers la page Précédent  1 ... 3, 4, 5, 6, 7

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 32 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB