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Message Publié : 03 Juin 2010 7:20 
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Eginhard
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Désole de ne pas faire une intervention stratosphériquement philosophique mais hormis le caractère aléatoire de certains phénomènes mécaniques ou naturels (Gambetta qui se blesse, l'infection, sa mort prématurée), l'historien ne pose-t-il pas comme donné fondamentale la liberté des acteurs ? En sachant que l'on peut vouloir qq chose, tout faire pour réussir mais arriver à un résultat tout autre (le cas Luther étudié par Lucien Febvre). Bref, si l'homme est libre (dans un cadre donné), l'histoire est aléatoire. Il ne peut y avoir de téléologie car une main invisible guiderait les acteurs. Bref, impossible de voir la naissance programmé d'une Eglise luthérienne séparée de celle de Rome en 1517, mais force est de reconnaître la détermination, l'engagement, la vision du monde forte du moine Luther.

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"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)


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Message Publié : 03 Juin 2010 8:02 
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Eginhard
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Je re-poste non pour dire que je suis consterné par mes fautes ( :rool: ), mais pour ajouter au débat la double page finale du Libé d'aujourd'hui :
"Et si Pétain était mort en 1940 ?", une simulation faite par des historiens anglo-saxons. Le lien est payant donc mieux vaut acheter le journal d'aujourd'hui (jeudi 3 juin). qui a également d'intéressants comptes rendus de livres d'histoire
http://www.liberation.fr/culture/010163 ... rt-en-1940

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Message Publié : 03 Juin 2010 8:50 
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Très intéressant votre lien... Un "what if" très stimulant ! :wink:
Ce qui me paraît intéressant dans vos remarques c'est cette notion de liberté et des doutes et questionnements, voire des certitudes, qui traversent les êtres humains dans le choix de leurs actions.
Au sujet de Luther, personne ne pouvait prédire que sa tentative de Réforme se solderait par une division de la Chrétienté encore moins que cette religion connaîtrait un quelconque succès si certains princes allemands n'avaient pas été en opposition à Charles Quint...

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Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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Message Publié : 03 Juin 2010 9:16 
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Hérodote
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Inscription : 05 Mars 2010 14:20
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bonjour à tous,
beaucoup de choses ont été dites, mais c'est le post de Cuchlainn qui voit ce que je veux dire. Cependant, vous dites que la dose de hasard est évidente. Si Hitler s'était retrouvé sur la trajectoire de cet obus, alors l'histoire en aurait été complètement changée. Là-dessus, naturellement, je ne peux m'y opposer. Mais, je ne comprends pas pourquoi on arrête à cet instant de rechercher les causes pour lesquelles Hitler ne s'est pas trouvé sur cette trajectoire et pourquoi on pose sur cette ignorance (peut-être parce que les choses se compliquent significativement) la pancarte de hasard.
Et par pitié, s'il vous plaît, arrêtez de vouloir me prêter des intentions cachées derrière les propos : je ne vois pas une sorte de main invisible guidant les personnages et les événements pour les amener vers un but prédéfini.
La seule et unique chose que je veux dire (et c'est vrai que cela ne change pas foncièrement l'état des choses) c'est que reprocher à quelqu'un d'avoir une vision téléologique, ne se fonde sur rien de solide pour dire qu'il a tort.
Pour répondre à la personne qui me demande qui m'accuse, je lui réponds des historiens de mon entourage (dont peu importent les noms, car c'est un postulat largement admis dans ce monde que vous connaissez peut-être mieux que moi).
En fait, l'intérêt n'est que secondaire, tu me reproches, je te reproche...

Quoi que, peut-être pas si secondaire que ça ! Toute cette discussion renvoie aussi à notre manière d'appréhender notre objet, l'histoire.
À bientôt

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Lorsque vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité.
... Sir Arthur Conan Doyle


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Message Publié : 03 Juin 2010 10:06 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Citer :
La seule et unique chose que je veux dire (et c'est vrai que cela ne change pas foncièrement l'état des choses) c'est que reprocher à quelqu'un d'avoir une vision téléologique, ne se fonde sur rien de solide pour dire qu'il a tort.


Si, l'existence du hasard et de la liberté.

Citer :
Mais, je ne comprends pas pourquoi on arrête à cet instant de rechercher les causes pour lesquelles Hitler ne s'est pas trouvé sur cette trajectoire et pourquoi on pose sur cette ignorance (peut-être parce que les choses se compliquent significativement) la pancarte de hasard.


Si Hitler avait été réformé, cela aurait un sens de chercher des causes.
Se demander pourquoi un homme en particulier n'a pas été tué alors qu'il était pris sous un tir de barrage n'a aucun sens. Une pièce bonne de guerre a un niveau d'imprécision et de dispersion de ses projectiles jugé acceptable. Un barrage est effectué contre une zone. Hitler n'a pas été tué parce qu'un tir de barrage anéantit rarement tout. Parler de hasard, ce n'est pas refuser de chercher pourquoi il a survécu, c'est reconnaître le fait qu'il aurait pu être tué ou mutilé d'une manière qui lui aurait interdit toute carrière politique, en réunissant exactement les mêmes données de départ. Parler de hasard, ce n'est pas, comme vous le prétendez, cacher son ignorance ou sa paresse intellectuelle, c'est faire le constat que les mêmes causes auraient pu donner un autre effet. Et dans le cas de la chute ou non d'un obus sur un mètre carré donné, vous allez avoir du mal à faire admettre que ce n'est pas le cas.


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Message Publié : 03 Juin 2010 10:25 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 08 Déc 2009 18:21
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D'accord avec Cuchlainn, sur ces points.
Il y a un moment où le chercheur se doit d'arrêter le questionnement et les théories. Quant au hasard, à la chance, elle sont bien différentes des choix humains.
Ces derniers sont intéressants pour la recherche ayant une importance primordiale pour la compréhension de l'histoire. Ainsi il faut tenter de recréer les choix qui furent possibles à un moment donnée : ceux qui précédèrent la Saint-Barthélémy et furent examiné par Catherine de Médicis, par exemple.

Rechercher les différentes modalités et les causes et par conséuqnet comprendre les choix est une nécessité.

Nénamoins, il faut avouer l'impossible préhension de l'historien sur une partie de l'histoire : celle de la pensée particulière des personnes. Sans témoignages contemporains soumis d'ailleurs à des recoupements, il est presque impossible de savoir pourquoi tel acte plutôt qu'un autre.

Donc il faut différencier le champ du hasard, c'est-à-dire la conséquence unie des choix des autres et de paramètres incontrôlables (exemple de l'obus et d'Hitler), et les choix qui ont un intérêt (pour certains) et qui ne sont que partiellement découvrables.

je ne sais si j'ai été assez clair, ou si j'ai été dans le sujet. Cette description me semblait simplement nécessaire si ce n'est à vous, du moins à moi.

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"Qui est le numéro 1 ?
Vous, Numéro 6. " Le Prisonnier


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Message Publié : 03 Juin 2010 12:10 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 21 Fév 2003 9:00
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Localisation : Paris
Atahualpa a écrit :
bonjour à tous,
beaucoup de choses ont été dites, mais c'est le post de Cuchlainn qui voit ce que je veux dire. Cependant, vous dites que la dose de hasard est évidente. Si Hitler s'était retrouvé sur la trajectoire de cet obus, alors l'histoire en aurait été complètement changée. Là-dessus, naturellement, je ne peux m'y opposer. Mais, je ne comprends pas pourquoi on arrête à cet instant de rechercher les causes pour lesquelles Hitler ne s'est pas trouvé sur cette trajectoire et pourquoi on pose sur cette ignorance (peut-être parce que les choses se compliquent significativement) la pancarte de hasard.
Et par pitié, s'il vous plaît, arrêtez de vouloir me prêter des intentions cachées derrière les propos : je ne vois pas une sorte de main invisible guidant les personnages et les événements pour les amener vers un but prédéfini.
La seule et unique chose que je veux dire (et c'est vrai que cela ne change pas foncièrement l'état des choses) c'est que reprocher à quelqu'un d'avoir une vision téléologique, ne se fonde sur rien de solide pour dire qu'il a tort.
Pour répondre à la personne qui me demande qui m'accuse, je lui réponds des historiens de mon entourage (dont peu importent les noms, car c'est un postulat largement admis dans ce monde que vous connaissez peut-être mieux que moi).
En fait, l'intérêt n'est que secondaire, tu me reproches, je te reproche...

Quoi que, peut-être pas si secondaire que ça ! Toute cette discussion renvoie aussi à notre manière d'appréhender notre objet, l'histoire.
À bientôt


J'insiste. Vous ne comprenez pas bien, visiblement, le sens du mot téléologie/histoire téléologique. Ce dont vous parlez, c'est le déterminisme.

L'approche téléologique n'est pas celle consistant à voir dans chaque fait le résultat d'une cause (ce sur quoi les historiens sont évidemment d'accord), mais celle consistant à lire les événements en fonction d'un but/objectif/finalité/sens prédéterminé.

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Cicéron, De officiis


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Message Publié : 03 Juin 2010 12:49 
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Tite-Live
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Localisation : Caesarodunum
Atahualpa a écrit :
Et par pitié, s'il vous plaît, arrêtez de vouloir me prêter des intentions cachées derrière les propos : je ne vois pas une sorte de main invisible guidant les personnages et les événements pour les amener vers un but prédéfini.


Soyez plus clair dans ce cas, et commencez par donner des exemples concrets de ce que vous souhaitez démontrer. Si votre intention est de suggérer que des causes profondes sont plus déterminantes dans l'accomplissement de l'Histoire que des événements déclencheurs plus volontiers aléatoires, alors remarquez que vous énoncez pour ainsi dire la méthode historiographique de Thucydide, mise au point voici près de 2500 ans. C'est dire si, contrairement à ce que je crois comprendre de votre raisonnement, les historiens ont appris à faire usage d'une telle notion.

Il n'empêche que le facteur aléatoire ne peut jamais être totalement éloigné du raisonnement historique, même lorsque les protagonistes de l'Histoire font tout leur possible pour le conjurer. Vous avez raison, les choses n'arrivent jamais sans raison : simplement, le hasard est aussi une raison.


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Message Publié : 03 Juin 2010 13:19 
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Hérodote
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Inscription : 05 Mars 2010 14:20
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Ce sujet implique notre rapport à l'histoire. C'est pourquoi il convient d'être précis. En effet, il semble que l'on ne peut parler pour deux causes fondamentalement identiques d'effets discordants. À ma connaissance - toute limitée qu'elle soit - les scientifiques n'ont parlé de hasard que dans deux cas : le premier en physique quantique affirmant que pour un électron, si l'on connaît sa position, on ne peut connaître sa vitesse ; et dans la théorie de l'évolution où l'on parle de mutation génétique aléatoire. Il est fort probable que j'en ignore d'autres, je vous invite à me contredire. Dans ces deux cas, selon moi, il n'est pas interdit de penser que « pas encore prouvé » ne signifie pas improuvable.
Après, je conçois très bien que tout n'est pas intéressant pour l'historien. En effet, chercher pourquoi Hitler n'a pas été touché par l'obus ne change pas grand-chose ; le fait est qu'il ne l'a pas été. Mais, je le maintiens, notre incapacité ou le manque d'intérêt à la chose ne nous permet en rien de parler de hasard. D'un point de vue strictement historique, c'est juste une discussion sur les termes, mais une fois de plus, cela implique notre rapport à l'histoire. Il a été dit plus haut que ce sont des conceptions dépassées. C'est vrai, mais pour dire qu'une théorie est surannée, j'estime qu'il faut un peu plus que de l'eau passée sous les ponts pour le dire...
Keikoz, merci d'insister sur la différence entre une histoire téléologique et une finalité prédéterminée par une sorte de force supérieure, cela me permet de le répéter pour éviter les amalgames ineptes : je ne cherche pas à trouver un quelconque sens à l'histoire. Je pense, mais cela n'engage que moi, que le sens de l'histoire ne peut être lu seulement et uniquement a posteriori. Qui peut nier, dans l'état actuel des choses, que la dynamique historique française s'est dirigée vers un abandon de la monarchie pour lier son destin au républicanisme. Alors, les choses auraient elles pu se passer autrement ? Sûrement, mais dans d'autres conditions. D'autres conditions auraient-elles puis être possibles? C'est précisément ici que l'on entre dans la croyance ; c'est donc pour cela qu'il m'est difficile d'entendre affirmer avec une vigueur que seul le domaine de la connaissance peut admettre : c'est une vision téléologique !

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Message Publié : 03 Juin 2010 13:40 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 08 Déc 2009 18:21
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Vous cherchez donc à affirmer que bien que l'histoire n'est pas de sens particulier, le hasard n'existe pas et que bien que manquant d'intérêt il faut se pencher sur certaines formes de ce hasard.

J'avoue ne guère comprendre le but de la discussion....

Le hasard n'existe pas toute a une cause et une conséquence, cela a déjà été assez dit. Seule l'ignorance de ces causes nous fait parler de hasard. Et il est certain que l'utilisation de ce mot doit être pris avec précaution, et non être utilisée dès que l'ignorance et le manque d'informations émergent des sources.
Ce qui rend donc ce qui n'est donc pas prouvé, improuvable, non! Ce qui n'est pas prouvé est divisé en deux : il y a les théories ou les choses qui attendent de nouvelles découvertes avant d'avoir une nouvelle réponse. Et en cela toutes els sciences sont identiques.
Enfin il y a l'ensemble que nous ne pourrons jamais prouver. Parce que nous n'étions sur place pour le savoir, parce que tel ou tel n'a pas jsutifié ces sentiments, ou simplement parce qu'il n'y a pas d'écrit.
Que donner d'autre nom que hasard dans ce cas là ?

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Message Publié : 03 Juin 2010 14:06 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Citer :
Qui peut nier, dans l'état actuel des choses, que la dynamique historique française s'est dirigée vers un abandon de la monarchie pour lier son destin au républicanisme


C'est moi, ou la partie en gras relève du déterminisme ?

Citer :
Après, je conçois très bien que tout n'est pas intéressant pour l'historien. En effet, chercher pourquoi Hitler n'a pas été touché par l'obus ne change pas grand-chose ; le fait est qu'il ne l'a pas été. Mais, je le maintiens, notre incapacité ou le manque d'intérêt à la chose ne nous permet en rien de parler de hasard.


Ce n'est pas une question de manque d'intérêt ou d'incapacité. Il existe des phénomènes dont on constate, quand on étudie leur distribution, qu'ils sont régis par une loi aléatoire, et en l'espèce je prends le risque d'affirmer que pour un groupe d'hommes pris sous un barrage, c'est une loi aléatoire qui détermine qui sera tué, mutilé, blessé, égratigné ou indemne. Vos propos amènent à conclure : "puisqu'Hitler n'a pas été tué, c'est la preuve que les données du problème, bien que nous ne puissions pas les connaître toutes, étaient telles qu'il ne pouvait pas être tué." Quand je dis : c'est le hasard, j'entends par là qu'il aurait pu être tué, et je me demande bien comment vous comptez prouver le contraire. ça intéresserait d'ailleurs les soldats des futurs conflits.
A partir de là, et pour renouer le fil, si on donne foi aux historiens qui font de la personnalité d'Hitler un paramètre fondamental pour engendrer en Allemagne un régime tel que le IIIe Reich, plutôt qu'un autre régime militariste, admettre qu'Hitler aurait pu être tué, équivaut à admettre que l'avènement du nazisme n'était pas écrit d'avance et donc que le "sens" de l'histoire allemande à cette date n'est "prévisible à rebours" que très grossièrement.

Si vous postulez qu'on peut lire un sens de l'histoire à rebours, c'est que vous estimez possible de connaître suffisamment les causes pour savoir que rien ne pouvait tourner autrement. Dans ce cas, lisez correctement le présent et vous prédirez l'avenir avec une sûreté de 100%.

Citer :
Je pense, mais cela n'engage que moi, que le sens de l'histoire ne peut être lu seulement et uniquement a posteriori.


Pour autant que je sache, l'historien ne conclut pas a posteriori à l'existence d'un sens. Il constate ce qui s'est passé et cherche à l'expliquer. Lire a posteriori un sens à l'histoire revient à considérer qu'il n'y avait pas d'autres possibilités.


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Message Publié : 03 Juin 2010 15:00 
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Cuchlainn a écrit :
Narduccio, bien que dans l'ensemble je sois d'accord avec vous, je trouve votre argumentaire inexact, Si je comprends bien où Atahualpa veut en venir. Vous travaillez à la sécurité d'une centrale. S'il n'y a pas d'accident, les historiens diront : c'était inévitable, il y avait des personnels chargés de réduire les risques grâce à des techniques inventées à tel moment, des moyens qui ont toujours été suffisants, etc. Donc l'accident ne pouvait pas se produire. Inversement, si l'on s'en tient à "La vérité sur Tchernobyl" de Medvedev (c'est juste pour l'exemple, pas pour la dissertation technique), l'accident de 1986 a eu lieu parce qu'il ne pouvait pas en être autrement à partir du moment où on réunit ce qui a été réuni : réacteur instable par conception, essais dangereux imposés d'en haut, sécurités débranchées, incompétents aux dents longues aux postes clés. Ici l'historien (assisté du physicien :wink: ) dit : d'après ce que je sais des causes qui étaient réunies, ces essais ne pouvaient pas bien se terminer. Et ainsi, quand je tiens tous les fils dans ma main, je sais que l'accident était inéluctable.


Excellent exemple. En fait Medvedev a raison, mais à quelques conditions précises et qui peuvent bien démontrer mon propos.

Medvedev a raison s'il dit que toutes les conditions étaient réunies le 26 avril 1986 à 1h 23mn et 43 secondes pour que le réacteur explose. Mais, il y a eu plusieurs erreurs humaines, certaines peuvent être dues à la fatigue accumulées par des gens qui attendaient de pouvoir réaliser cet essais qui était initialement prévu dans l'après-midi du 25/04/1986. Si l'essai avait eu lieu à la bonne heure ou si la puissance n'était pas resté pendant plusieurs heures à ce niveau intermédiaire mais avait été remonté ou s'il n'y avait pas eu les erreurs techniques ou si les exploitants avaient décidé de suspendre l'essai à la première anomalie ... l'explosion du réacteur n'aurait pas eu lieu.

Medvedev a aussi raison s'il dit qu'un réacteur de ce type aurait sûrement eu un accident entrainant sa destruction un jour ou l'autre. Ce type de réacteur devenait fortement instable dans certaines conditions de fonctionnement et ce fait était inconnu par les ingénieurs chargés de l'exploiter.

Mais, il faut un certain nombre de conditions, de ficelles pour amener une catastrophe de ce type. Or, on considère souvent qu'il suffit de couper l'une des ficelles pour que l'accident n'ai pas lieu. Il faut que toutes les conditions soient réunies pour la survenue d'un évènement. Mais il suffit qu'une seule ne le soit pas pour que l'évènement n'intervienne pas.

Quand on cherche les causes d'un évènements, on fait un arbre des causes ou l'on cherche toutes les conditions qui ont déterminé la survenue de cet évènement et seulement ces causes : les évènements déclencheurs. En fait, quand on fait des études des facteurs humains, on s'attache aussi à trouver les actions inappropriées qui ont facilité la survenue de l'accident.

Mais, on analyse là souvent des systèmes finis avec peu de paramètres à prendre en compte. En histoire, la plupart des évènements mettent en cause un nombre d'éléments supérieurs.

Prenons un système simple : une roulette de casino. Je décide de mettre tous les éléments de mon coté et de gagner à coup sûr. Admettons que j'ai des moyens illimités. Je décide de modéliser le fonctionnement d'une roulette précise d'un casino précis. Je commence par relever un tas de paramètres physiques. Les dimensions et les compositions de divers éléments, les propriétés physiques de ces éléments, leurs interactions ...
Bien vite j'arrive à faire un modèle précis de ma roulette et mon programme me permet de déterminer que quand le croupier lance sa bille à un certain moment, avec une certaine position de mon plateau, j'obtiens une case sur laquelle la bille doit s'arrêter.
Je vais dans mon casino et là, je découvrez que les résultats ne correspondent pas à mon modèle ...
C'est du à un tas d'incertitudes. Le croupier ne lance pas toujours la roulette de la même façon, ni avec la même force. Mais le plateau n'a pas toujours la même vitesse, le bois du plateau n'est pas tout à fait aussi lisse partout, la bille n'es pas une sphère parfaite ...

Comme j'ai des moyens illimités et que je suis copain avec le directeur, je reçoit le droit d'instrumenter cette roulette. Mais, plus j'ai de paramètres et plus le résultat devient aléatoire. En fait, il est impossible d'atteindre de bons résultats parce que le nombre de paramètres et d'incertitudes à prendre en compte est trop grand. Cela, même si j'élimine le facteur humain en mettant un piston calibré pour lancer la bille ...

Pourtant, si je simule une roulette moyenne correspondant au fonctionnement moyen de toutes les roulettes du monde en utilisant certains outils mathématiques, je peux déterminer des solutions moyennes. En fait, si je fais 10 000 lancers dans les mêmes conditions, j'aurais un certain pourcentage de lancers qui me donnera le même résultat que celui de mon modèle informatique. Mais, cela me donne juste une probabilité dans le cas ou je ne regarde que le fonctionnement d'une seule roulette.

Pendant longtemps, on a cru que certains systèmes avaient un fonctionnement imprévisible parce que l'on ne pourrait pas connaitre l'état de tous les éléments à prendre en compte. Comment va réagir une foule ? Il faudrait savoir comment chaque personne de cette foule va réagir. En fait, on s'est rendu compte que c'était faux. C'est faux parce qu'il existe des systèmes simples qui ont un comportement erratique. Pour les décrire, on a inventé la théorie du Chaos.

Certains diront : tout cela est bien joli, mais ça concerne des sciences dures ou l'histoire est une science humaine.

En fait l'histoire mêle des éléments complexes et des éléments humains.

Prenons notre histoire de tirs de barrages. On peut déterminer le pourcentage de chance de traverser un tir de barrage en fonction de divers paramètres : nombre de canons, types, densités, taille du terrain bombardé .... Mais, on ne pourra jamais dire avant si une personne sortira de la zone sans dommages ou pas. Il y a trop d'incertitudes. Après, il est facile d'y voir la main du destin. Ça, c'est pour les éléments physiques.
Mais, il y a aussi des éléments humains. La personne qui traverse la zone exposée va réagir en fonction de divers éléments qui tiennent pour la plupart du hasard ou de sa perception du danger.
Des éthologues animaliers ont fait des études, au départ, il s'agissait de comprendre le comportement des proies acculées. En fait, on s'est aperçu que la proie à le choix entre 3 choix : ne rien faire, partir vers la droite ou partir vers la gauche (on simplifie et on oublie les diverses tentatives de feintes). En fait, le plus mauvais choix est de ne rien faire ou de réagir trop tard. Le prédateur quand il est suffisamment proche blessant souvent mortellement au plus vite sa proie. Les proies qui réagissent rapidement et d'instinct ont plus de chances de s'en sortir. Simplement parce que le prédateur cherche aussi à anticiper le comportement de sa proie.
Bref, ce comportement, nous l'avons aussi en nous, c'est un comportement instinctif qui nous fait réagir en cas de stress, quand la décision est bonne, on appelle cela le bon stress. Quand elle est mauvaise, c'est le mauvais stress qui nous déglingue la vie.
Notre bonhomme dans son champ de mine à aussi ces comportements primitifs et d'autres qui le sont moins. Quelqu'un de très croyant peut très bien décider de rester sur place sans bouger, comptant sur l'aide de son Dieu pour s'en sortir vivant. C'est un choix qui peut se relever gagnant, il suffit que la zone ou il se tienne soit une zone donc la probabilité de recevoir un obus soit faible ... ou qu'il ai de la chance.

Il y a tant de paramètres, qu'il est facile de se replier sur du déterminisme. Mais, en fait, il est impossible de déterminer toutes les ficelles qui conduisent à la survenue de la plupart des évènements historiques qu'il est impossible de dire, c'est évènement est survenu parce qu'il était impossible qu'il ne survienne pas. Il aurait souvent suffi d'un rien, d'un obus déstabilisé par le vent d'un autre, d'une charge de poudre plus faible de quelques grammes, ou de quelqu'un qui courre plus vite, ou moins vite.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 03 Juin 2010 16:08 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 05 Mars 2010 14:20
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Très chers interlocuteurs, j'aime ce débat car il permet de mettre au clair ce qui tient de la croyance et ce qui tient de l'établi.
Je vais donc répondre dans l'ordre aux objections qui me sont posées :
- Polycarpe de M. : «Enfin il y a l'ensemble que nous ne pourrons jamais prouver. Parce que nous n'étions sur place pour le savoir, parce que tel ou tel n'a pas jsutifié ces sentiments, ou simplement parce qu'il n'y a pas d'écrit.
Que donner d'autre nom que hasard dans ce cas là ? »
Un autre nom possible pourrait être « indéterminé » ; ne pas connaître les sentiments de quelqu'un ne signifie en aucun cas hasard (je vous renvoie à Freud : sublimation, libido etc.).
-Cuchlainn : «Il existe des phénomènes dont on constate, quand on étudie leur distribution, qu'ils sont régis par une loi aléatoire, et en l'espèce je prends le risque d'affirmer que pour un groupe d'hommes pris sous un barrage, c'est une loi aléatoire qui détermine qui sera tué, mutilé, blessé, égratigné ou indemne »
les causes en seront complexes, mais en toute rigueur, rien ne permet d'affirmer que c'est une loi aléatoire ; imaginons une sorte de grand ordinateur théorique omniscient, qui nous dit qu'il ne pourrait déterminer en détail cette tragédie. C'est Une question de croyance, par conséquent l'argument téléologique ne résiste toujours pas à l'analyse.
« Si vous postulez qu'on peut lire un sens de l'histoire à rebours, c'est que vous estimez possible de connaître suffisamment les causes pour savoir que rien ne pouvait tourner autrement. Dans ce cas, lisez correctement le présent et vous prédirez l'avenir avec une sûreté de 100%. »
C'est bien pour cela que je parle de conviction dans ce domaine. Avoir le réflexe d'agiter le drapeau du hasard est bien rapide. Marc Bloch parle d'en finir avec la réflexion a bon marché. Enchâsser une simple croyance dans une réflexion historique est une facilité à laquelle je me refuse. C'est bien pour cela que lorsque je parle d'une lecture a posteriori de l'histoire, je précise bien que cela n'engage que moi car c'est une croyance !
À plusieurs reprises, des intervenants ont demandé où ce débat ne menait-il ? Il me semble que trier ce qui relève de la conviction et ce qui relève du pur savoir est primordial si l'on veut tendre vers l'objectivité. Dans la catégorie « historiographie et épistémologie » le débat prend tout son sens.

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Message Publié : 03 Juin 2010 16:20 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
Message(s) : 5364
Citer :
imaginons une sorte de grand ordinateur théorique omniscient, qui nous dit qu'il ne pourrait déterminer en détail cette tragédie.


Vous avez lu la réponse de Narduccio ? Elle répond à cette question. Vous savez qu'on peut réaliser un modèle mathématique obéissant par définition à une loi aléatoire, et comparer cet abaque à un ensemble d'observations naturelles, et constater ainsi que ces observations suivent la même distribution que le modèle ?

Citer :
Avoir le réflexe d'agiter le drapeau du hasard est bien rapide. Marc Bloch parle d'en finir avec la réflexion a bon marché. Enchâsser une simple croyance dans une réflexion historique est une facilité à laquelle je me refuse.


En somme, vous êtes en train de nous dire que nous sommes des imbéciles qui "agitent le drapeau du hasard" dès que leurs pauvres capacités intellectuelles sont dépassées. Enfin vous confirmez. ça se sentait assez vite.


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Message Publié : 03 Juin 2010 16:38 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Atahualpa a écrit :
en toute rigueur, rien ne permet d'affirmer que c'est une loi aléatoire ; imaginons une sorte de grand ordinateur théorique omniscient, qui nous dit qu'il ne pourrait déterminer en détail cette tragédie.

Enfin, après 5 messages, voilà exprimé ce qui était demandé depuis le début : « où voulez-vous en venir »: à la Main de Dieu…

Quelle incroyable argutie rhétorique, qui accuse les historiens de « croyance » (mot répété à l’envie), non rigoureux, car ne tenant pas compte d’« un grand ordinateur théorique omnicient qui […] pourrait déterminer en détail cette tragédie ». Le jeu consiste donc à renverser l’ordre, ce n’est pas la Foi qui est du domaine de la Croyance indémontrable, mais au contraire la non reconnaissance de l’action divine qui est abaissé au niveau de Croyance. On ne peut croire qu’en l’existence de quelque chose. Ici, par un jeu tarabiscoté, la Croyance devient la foi en l’inexistence de quelque chose. Ce qui n’a aucun sens, du pur sophisme.


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