Je vais tenter une réponse point par point, en « zappant » toutefois quelques questions car je suis pas historien de formation ni de profession, mais seulement un amateur qui se veut éclairé…
Cléopatra a écrit :
Quelle serait votre propre définition de l’uchronie (ou histoire contrefactuelle) ?
Pour moi l’uchronie consiste à imaginer ce que serait devenue l’histoire :
- si un événement particulier s’était déroulé différemment (événement fondateur),
- en se fondant sur des hypothèses plausibles historiquement
Cléopatra a écrit :
L’uchronie est-elle une fin en soi, une fataisie littéraire d'écrivain de science-fiction ou un instrument de travail pour l'historien ?
Cela peut être aussi bien une fantaisie pour l’écrivain de science-fiction qu’un instrument de travail pour l’historien, mais ils l’aborderont différemment :
- l’écrivain a toute latitude pour choisir les « hypothèses plausibles » qu’il souhaite, la seule limite étant de ne pas rebuter le lecteur avec un scénario trop tiré par les cheveux… Par ailleurs il s’attache le plus souvent à décrire l’état d’une société, où il situe son récit, et qui est issue de l’événement fondateur de l’uchronie ; le déroulement de l’histoire entre cet événement fondateur et la période du récit est traité de manière très rapide voire elliptique ;
- au contraire l’historien ne peut se servir de cette technique qu’en se fondant sur les données les plus rigoureuses, et le déroulement de l’histoire uchronique est le centre même de la démarche.
Il y a donc bien 2 ucrhonies très distinctes.
Cléopatra a écrit :
Pourquoi les historiens ont-ils recours à l’uchronie ? Quand l’utilisent-ils ?
Je ne peux pas parler pour les historiens professionnels (qui, en France du moins, ne pratiquent guère l’uchronie). En revanche je constate que les discussions entre amateurs d’histoire (comme par exemple sur ce forum) font souvent appel à l’uchronie lorsqu’on cherche à montrer un lien de causalité. C’est l’équivalent de la démonstration par l’absurde en mathématique : montrer que si tel événement ne s’était pas produit, ou si tel personnage n’avait pas pris telle décision, le cours de l’histoire aurait été changé ; et ainsi montrer que cet événement ou cette décision a bien été la cause de la suite.
Je ne suis pas sûr que cette démarche apporte une meilleure preuve (après tout on se base toujours sur les mêmes sources) ; en revanche il peut y avoir un avantage pédagogique et je pense également que cela permet d’élargir la réflexion.
Cléopatra a écrit :
Peut-on avoir recours à l’uchronie pour enseigner l’Histoire ?
Peut-être bien, mais en tout cas avec beaucoup de prudence… Pour les enfants et adolescents, je pense qu’il vaut mieux s’en tenir à ce qui s’est passé, plutôt que de provoquer la confusion avec ce qui aurait pu se passer…
Cléopatra a écrit :
Lors qu’utilisée comme outil de travail par l’historien, l’uchronie garde-t-elle encore un intérêt littéraire ?
Si l’histoire a un intérêt littéraire (c’est le cas pour certains historiens particulièrement doués de leur plume), l’uchronie peut avoir le même intérêt, peut-être un peu réhaussé par l’originalité de la démarche ; mais certainement pas le même intérêt qu’une uchronie du type « littérature de science fiction ».
Cléopatra a écrit :
L’histoire contrefactuelle semble être utilisée essentiellement par les anglophones, tels Niall Ferguron. Pourquoi ne perce-t-elle pas dans le milieu francophone ?
Il me semble qu’il y a un certain mépris pour cette pratique considérée comme oiseuse, l’intervention de ponceludone ci-dessus me semble typique. Je tiens cependant à souligner que les 2 exemples avancés par ponceludone concernent non pas des historiens, mais des hommes « d’action » dont la démarche est tout à fait différente.