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Message Publié : 04 Août 2012 21:55 
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Polybe
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Il me semble qu'on a tous, au moins une fois dans sa vie, entendu cette phrase. Elle part d'un présupposé, assez naturel et rationnel, qui suggère qu'à l'issu d'un conflit le camp victorieux impose sa vision du monde aux vaincus. Il est assez vrai d'une certaine façon, on sait ici qu'un historien n'est jamais neutre, et n'est que le produit que sa civilisation, qui s'exprime toujours à travers des facteurs bien diverses, engendre. On imagine ainsi difficilement un historien chinois, ayant suivi le cursus classique voulu par le Parti, dire du mal de Mao. De même il est probable, pour faire un peu d'uchronie, que le régime vainqueur se prête à une censure étatique des sources, on peut facilement penser qu'en cas de victoire nazie, les documents concernant l'holocauste soient gentiment passés à la trappe. De ceci naît le doute, légitime étant donné que nos gouvernements ne sont pas nécessairement plus respectables que d'autres, quant à la possibilité d'une très large falsification de l'histoire. Si je créé ce sujet, c'est que cette phrase réapparaît de manière sporadique dans les débats et prends largement une tournure conspirationniste, l'histoire officielle est un mensonge, on nous cache tout, un certain relativisme qui considère qu'on peut mettre sur un pied d'égalité les travaux de chercheurs avec les thèses trouvées sur un blog...bref, selon vous, quelle approche l'historien doit adopter par rapport à tout ça ? Comment considérer efficacement la valeur de certains documents et que répondre face à ces critiques ?


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Message Publié : 04 Août 2012 23:14 
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Il faut tenir compte des périodes. Dans un premier temps, durant l'antiquité, le vainqueur était vainqueur parce qu'il était l'élu des Dieux. Donc, sa cause était juste. Si elle n'était pas juste, il aurait perdu ! Aussi simple que cela. Donc, quelque part, les Dieux donnaient raison au vainqueur.

Puis, les choses se sont complexifiées. Déjà, à un certain moment, tous les adversaires ont souvent le même Dieu et la même foi. Et en plus, le clergé se pique de donner des satisfécits moraux à certains des intervenants... Donc, la vision des choses a évoluée.

Mais, il nous faut tenir compte d'un autre critère. "L'histoire est écrite ...". Effectivement, avant l'invention de l'écriture, il n'y a pas d'histoire, mais de la préhistoire ou de la protohistoire. Donc, quand un peuple qui ne sait pas écrire se bat contre un peuple qui écrit, on ne connait que la version écrite (qui parfois est contredite par l'archéologie, mais c'est une autre histoire).

En fait, cette phrase est contredite par la perspective qu'apportent les historiens sur les évènements du passé. Par exemple, Napoléon a fini par être battu. S'il était vrai que l'histoire est écrite par les vaincus, on devrait avoir la vision des vainqueurs, les anglais, sur les faits et gestes de Napoléon, il me semble que ce ne soit pas le cas ...

Et le génocide arménien, si l'histoire est écrite par les vainqueurs, pourquoi en parlons-nous ?

Et vous en arrivez justement à la période pour laquelle on entend le plus cette phrase : la Seconde Guerre Mondiale ... Cette phrase sert souvent a justifier l'injustifiable. Tellement injustifiable que dès sa mise en œuvre on a pensé à ce qu'il convenait de faire pour "effacer" la réalité des faits. Oui, heureusement que cette histoire a été écrite par les vainqueurs parce qu'autrement, nous ne saurions même pas qu'un génocide a eu lieu et qu'une race a été complétement effacée de la surface de la Terre. Par chance ce ne fut pas le cas. Durant la guerre, diverses voix se sont élevées pour dire que certains faits étaient inqualifiables et qu'il faudrait en répondre devant l'histoire. Par chance que l'histoire n'est pas écrite par les vainqueurs, autrement, il n'y aurait rien à discuter. Et on peut se poser la question pourquoi certains regrettent que l'on n'est pas écrit les chose différemment.

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Message Publié : 05 Août 2012 6:23 
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Tite-Live
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Ecrite non , racontée oui

De toutes façons chacun sait que l'Histoire n'existe pas.


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Message Publié : 05 Août 2012 8:12 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 24 Mars 2010 16:23
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prisma a écrit :
De toutes façons chacun sait que l'Histoire n'existe pas.



Que voulez-vous dire exactement ?

Pour apporter mon grain de sel, il me semble que la capacité de l'écriture est tout à fait au centre du problème, comme l'a très justement fait remarquer Narduccio : le "camp" ou les "tendances" qui possèdent cette capacité l'emportent sur leurs ennemis. Pour prendre un exemple dans l'historiographie antique, je citerais les cas très délicats de Néron ou de Domitien : pendant très longtemps, ces deux empereurs victimes (entre autres) de la célèbre damnatio memoriae (on voit bien que histoire rime avec mémoire) ont été considérés comme des tyrans sanguinaires et fous. Ce n'est qu'aujourd'hui que l'historiographie leur rend ce qui leur est dû, non pas ce qu'on a trop longtemps voulu leur prêter. La raison de cette mémoire faussée ? Le camp hostile à ces empereurs qui avait eu le plus à souffrir de leurs politiques respectives comportait toute la classe sénatoriale et une grande partie de l'aristocratie romaine... qui détenait tout le monopole littéraire ! Ainsi, toutes les sources littéraires viennent de ces catégories sociales et ne vont qu'à sens unique, qu'il s'agisse de Tacite, de Suétone, d'Appien ou même de Cassius Dion.

Le conspirationnisme s'en mêle actuellement mais le problème, fondamentalement, reste le même : qui écrit l'histoire ? et non pas qui la glose.

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Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


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Message Publié : 05 Août 2012 11:26 
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Jules Michelet
Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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L'histoire n'est pas vraiment écrite par les vainqueurs de conflits militaires. Il y a pas mal de vaincus qui n’ont pas été éradiqués et ont pu écrire leur vision de l'histoire, avec un certain succès parfois. Il y a bien des figures de "perdant magnifique". On peut toujours faire passer le vainqueur pour quelqu'un d'immoral, de sanguinaire. Et puis il y a un sacré exemple de vaincus qui ont pesé dans l'histoire et ont fini par imposer leur vision : les rédacteurs de la Bible hébraïque, récit jalonné de défaites mémorables qui ont fini par être expliquées suivant une "philosophie de l'histoire" bien adaptée au faiblard royaume de Juda. Que ce soit du côté des vainqueurs ou des vaincus, c'est peut-être plus l'art avec lequel on raconte l'histoire qui compte pour passer à la postérité. Pour rester avec des exemples antiques, que serait le souvenir de l'Empire athénien sans Hérodote ou Thucydide, ou celui de la République romaine sans Tite-Live ? A l'inverse l'Empire perse ou Carthage qui n'ont pas eu de grands historiens pour coucher par écrit leurs victoires ont surtout été retenus pour les guerres qui ont vu leur défaite (même celle de Hannibal, perdant magnifique par excellence), racontées par des auteurs vainqueurs qui ne rendent pas vraiment justice à leurs accomplissements.


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Message Publié : 05 Août 2012 11:53 
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Polybe
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Inscription : 22 Fév 2012 23:50
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Tout à fait d'accord pour la valeur de l'époque prise. Il est évident que cette phrase prend tout son sens pour l'Antiquité, vu que les textes dont nous disposons sont fragmentaires, pas toujours facile d'analyser les discours perses sur les guerres médiques par exemple.

Narduccio évoque ensuite, selon moi, un autre problème, mais qui recoupe le tout au final. Oui, en France on a une haute vision de Napoléon, mais cela est plus lié à un courant romantique s'excitant sur les cartes de l'Europe en 1812, qu'à une tradition historiographique, le sujet a déjà été abordé en ces lieux. Pour le génocide arménien, même chose, nous le connaissons parce que l'Empire Ottoman a perdu la guerre, pourtant la question en Turquie ne passe pas vraiment, je ne sais pas trop ce qu'il en est de la recherche historique dans ce pays, mais je ne serais pas surpris qu'on en soit resté au point mort. Mais tout cela est lié à plusieurs facteurs, la coercition étatique, le fait de ne pas assumer une partie de son histoire, combien de temps on a mis en France pour reconnaître que le régime de Vichy avait activement collaboré ?

Pour tout dire, j'ai eu envie de lancer ce sujet près un "débat" avec un néo-nazi qui m'expliquait que l'histoire officielle avait oublié les massacres anti-allemands dans le couloir de Danzig, les bombardements massifs sur les populations civiles, et il est vrai que ce genre d’évènements, s'ils sont connus par les spécialistes, le sont nettement moins chez les "profanes". On dérive un peu, mais tout cela me semble important.


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Message Publié : 05 Août 2012 12:33 
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Inscription : 15 Avr 2004 22:26
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Squalll a écrit :
Pour le génocide arménien, même chose, nous le connaissons parce que l'Empire Ottoman a perdu la guerre, pourtant la question en Turquie ne passe pas vraiment, je ne sais pas trop ce qu'il en est de la recherche historique dans ce pays, mais je ne serais pas surpris qu'on en soit resté au point mort.

Mauvais exemple. Ou plutôt, vous êtes très mal renseigné. On connait le massacre des arméniens par 2 sources. La première, les victimes qui ont réussi à s'échapper ou qui se sont réfugiée à temps en dehors du pays. La seconde est encore plus importante pour la connaissance de ce massacre : la relation qui en a été faite par un attaché militaire à l'ambassade d'Allemagne choqué par ce qu'il en avait vu. Sans ce témoignage, il est possible que l'on ne saurait pas grand chose de ce massacre et qu'on aurait tendance à minimiser les témoignages des victimes qui s'en sont échappées.


Squalll a écrit :
Mais tout cela est lié à plusieurs facteurs, la coercition étatique, le fait de ne pas assumer une partie de son histoire, combien de temps on a mis en France pour reconnaître que le régime de Vichy avait activement collaboré ?


Autre très mauvais exemple. Pour diverses raisons, à la fin de la guerre, on a écrit ou laissé écrire une espèce d'histoire officielle pour éviter la continuation d'un cycle de violence ou l'instauration d'une guerre civile. Il faut comprendre que la population était lasse des privations de 4 années de guerre. Que la plupart des partis politiques avaient eu leur lot de collaborateurs et de résistants. Bref, le pays voulait oublier et passer à autre chose et les gouvernements avaient d'autre chats à fouetter et il fallait remettre le pays debout. Donc, on a laissé un voile pudique recouvrir tout cela et une version officielle s'est mise en place avec une minorité de vrais collabos qu'on avait punis et les autres français qui devenaient des "résistants passifs" et qui cherchaient simplement à survivre.
Puis, petit à petit des historiens ont fait leur travail et ils ont montré que tout cela était plus complexe. Il y a eu une redécouverte de la réalité. Mais, il faut se souvenir que pendant cette période, les actualités étaient censurées, il n'y avait que très peu de sources d'information alternative et que ces sources menaient un combat politique et social contre l'occupant et Vichy. Dès la fin de 1944, on a reconnu officiellement que Vichy avait collaboré et souvent au-delà du raisonnable. C'est d'ailleurs la raison d'être de l’Épuration. La différence est qu'actuellement on reconnait que cette collaboration a aussi été le fait de toutes les administrations a divers titres. Ce qui avait été présenté dans l’immédiat après-guerre, c'était quelques "têtes" collaboratrices avec un appareil d’État qui n'était pas collabo, mais qui n'avait pas le choix et devait appliquer les directives venues d'en-haut.

Squalll a écrit :
Pour tout dire, j'ai eu envie de lancer ce sujet près un "débat" avec un néo-nazi qui m'expliquait que l'histoire officielle avait oublié les massacres anti-allemands dans le couloir de Danzig, les bombardements massifs sur les populations civiles, et il est vrai que ce genre d’évènements, s'ils sont connus par les spécialistes, le sont nettement moins chez les "profanes". On dérive un peu, mais tout cela me semble important.

On en a aussi entendu parler dans plusieurs anciennes discussions. En fait, il y a une volonté de certains de minimiser les responsabilités d'un coté et de maximiser celle de l'autre. Mais, il faut regarder les conséquences réelles : environ 30 millions de morts, c'est l'estimation basse. Combien de ces morts sont le fait des puissances de l'Axe et de leur politique ? On oppose quelques dizaines de milliers de morts face à quelques millions. Je sais qu'un mort ne compense pas un autre mort. On ne peut pas calculer comme cela.

Ensuite, pour les bombardements ... aussi dur que cela peut-être, mais les premiers à faire des bombardements terroristes (qui servent à terroriser la population) sont les allemands. Sans remonter à Guernica, ce sont eux qui lancent les attaques massives contre Londres et les villes anglaises pour obtenir la reddition du Royaume-Uni. Ils ont eu le retour de bâton. Ce furent eux les responsables de la situation : qu'ils s'en prennent à Hitler et ses séides et qu'ils cessent de chercher à embrouiller les esprits.

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Message Publié : 05 Août 2012 14:24 
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Georges Duby
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Localisation : Montrouge
L'histoire a été longtemps plutot transmise par les vainqueurs avec les nuances apportées notamment dues au fait que c'est parfois le vaincu qui raconte et qui gagne ou sa postérité.
Puis le romantisme et le nationalisme marquent un tournant, le beau vaincu comme Vercingétorix ou le vaincu local, la petite Finlande, la Pologne de la SGM, est privilégié. On disqualifie le vainqueur. C'est un barbare !
Et nous arrivons à la compassion pour la victime, le colonisé, le diminué social, le marginal victime de la société, le perdant du capitalisme, de la mondialisation ...
On en a eu une illustration récente dans un spectacle montrant les héros de la GB. A la trappe, Elisabeth la grande, Newton, Nelson, Stanley, Victoria, Churchill.
On a pu écrire que l'histoire devient morale ? Apparemment du moins !

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 05 Août 2012 16:24 
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Grégoire de Tours
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Localisation : Œkoumène
Les vainqueurs comme les vaincus ont pu écrire leur Histoire à condition qu'ils maîtrisent l'écriture et qu'ils disposent d'une tradition historiographique. Pour qu'un récit historique nous parviennent il faut qu'il soit écrit, conservé sur des supports non périssables, transmis puis enfin recueilli par l'historiographie moderne soit directement à partir de documents archéologiques soit indirectement par une filière de transmission.

Que toutes ces conditions soient réunies est plutôt l'exception que la règle. Par exemple, l'histoire d'un peuple peut avoir été écrite mais que l'écriture en question ne puisse plus être déchiffrée, c'est le cas par exemple de l'alphabet Khitan. Ainsi, en dépit d'une glorieuse histoire nous ne connaissons l'histoire du royaume Liao ou des Kara-Khitan qu'au travers des chroniques chinoises.

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"I do not know with what weapons World War III will be fought, but World War IV will be fought with sticks and stones."

Albert Einstein


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Message Publié : 05 Août 2012 16:31 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 23 Déc 2004 6:42
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L'Histoire est simplement racontée par ceux qui la raconte à l'auditoire qui veut bien les écouter. Le raconteur a ses intérêts propres qu'il défend. Cela peut être le vaincu comme le vainqueur mais cela peut aussi être des personnes refusant d'être catégorisés comme tel : ainsi les marxistes vont avoir une autre optique transcendant ce distingo.


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Message Publié : 05 Août 2012 17:04 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 05 Août 2012 16:14
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Savinien a écrit :
L'Histoire est simplement racontée par ceux qui la raconte à l'auditoire qui veut bien les écouter. Le raconteur a ses intérêts propres qu'il défend.



je trouve le thème de cette question fort intéressant ; mais l'affirmation ci-dessus me semble être un peu forte...

Tout d'abord, qu'est-ce que l'histoire ?
Est-ce l'histoire en tant qu'objet, ce à quoi les historiens aspirent tous, historique, objective, totale, ne souffrant pas de trous dans les sources, de biais des points de vue, des pressions politiques ?
Est-ce l'histoire faite par les historiens ? Oui, mais les historiens eux-mêmes sont soumis à des méthodes différentes (en fonction des pays), des sources, des financements qu'ils obtiennent, et de leurs avis personnels...
Où est-ce l'histoire de tous les jours, celle racontée par Monsieur tout le monde qui cite 1515 parce que deux 15 à la suite, c'est drôle, ou parle de Jeanne d'Arc parce que Michelet ce jour là n'avait pas vraiment autre chose à dire ? ou encore l'histoire apprise aux enfants, à l'école, qui a environ un siècle de retard sur l'histoire "scientifique" (ou "professionelle" ?) (oui. Les gaulois habitent toujours dans des huttes, pour l'école. Et non dans des villes, commes les oppidums le montrent).

Néanmoins, il est évide3nt que si le nez de Cléoptare avait été plus long, il en serait autrement. Et je pense que la destruction des documents qui est intervenue pendant longtemps (ou plus simplement, leur perte) pour les systèmes déchus fait que de faco en se tournant vers ce qu'il reste (i.e. les archives de ceux qui on vaincu), ici, on a un biais évident et inévitable dans les sources.
D'un autre côté, qui se souvient des batailles que les romains ont perdus sur les peuples autochtones d'Europe ? Personne. Car seuls les romains prenaient des notes, et l'on préfère parler des victoires et taire les défaites.

Pour revenir à la citation du dessus, sur l'auditoire, je suis d'accord, mais j'irai même jusqu'á dire : "oui, mais quel auditoire ?".
L'historien recherche, écrit, et parle... devant des salles vides, personne ne l'écoute, et ceux qui l'écoutent le font d'une oreille distraite à la télévision entre deux et trois heures du maitn.

Je pense qu'à l'heure actuelle, l'histoire est un produit dans la société de consommation, et l'on consmme de l'histoire et de la culture comme l'on consomme (et non "écoute") de la musique, ou mange de la salade : c'est une addition dans la volonté d'obtenir du loisir. Et non plus une volonté profonde tendant vers une nécessité personnelle...

"Sans passé, pas d'avenir". Oui, c'est vrai, et Orwell (dont la citation est encore mieux) l'avait encore mieux décrit ; d'un autre côté, tu ne peux pas forcer les gens à apprendre. Donc ils n'ont que le passé que l'on veut bien leur donner, et ils n'en prennent que ce qu'ils veulent bien entendre. Je crains qu'à la fin, il n'en reste pas beaucoup.
On vit dans des temps où le taux (en occident) d'alphabétisation n'a jamais été aussi haut, et l'accès à la connaissance, par les bibliothèques et internet, n'a jamais été aussi facile et presque gratuit. Et pour autant, est-ce que ca change la volonté des publics d'apprendre ?
Pour s'en convaincre, il suffit de comparer les chaises vides d'une bibliothèque un samedi après-midi à au parking d'un centre commercial de 180 boutiques...


@edit : je viens de me relire, et suis désolé pour les fautes, mais j'ai la sainte flemme de me corriger.
Pour terminer, je serai vraiment intéressé de voir un film sur la seconde guerre mondiale du côté nazi (en temps qu'historien. ne rien y voir de politique). Par exemple. "Il faut sauver le soldat ryan" du côté nazi, ou encore "Stalingrad" du côté allemand. Ou même "Platoon" ou "Apocalypse Now" du côté Viet-Kong... mis à part les films de propagande des tournés par les régimes durant les conflits, j'ai bien peur qu'il n'y en ait pas beaucoup... Même "Opération Walkyrie" (ou "Walkyrie" tout court) est orienté à ce titre, non, puisque c'est le gentil nazi qui a tourné sa cutille contre le grand méchant Adolf...


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Message Publié : 05 Août 2012 17:29 
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Localisation : Alsace, Zillisheim
Salopette a écrit :
Savinien a écrit :
L'Histoire est simplement racontée par ceux qui la raconte à l'auditoire qui veut bien les écouter. Le raconteur a ses intérêts propres qu'il défend.



je trouve le thème de cette question fort intéressant ; mais l'affirmation ci-dessus me semble être un peu forte...


Moi, je ne la trouve pas forte. Ça me rappelle un long débat sur le mythe du "coup de poignard dans le dos". C'est un exemple typique. On va resituer les faits : au cours du printemps 1918, l'EM allemand se rend compte qu'il est en train de perdre la guerre. Il va doit faire en sorte que le pouvoir civil demande un armistice. Mais, dès novembre 1918, il y a déjà des officiers allemands qui racontent qu'en fait l'armée allemande n'avait pas perdu la guerre et que si on lui avait laissé sa chance ... Ce qui est intéressant, c'est que la plupart des hommes (militaires de carrières ou mobilisés) savent plus ou moins de ce qu'il en retourne réellement : la guerre avait bien été perdue. Par chance pour l'EM, une partie de l'opinion publique était à l'arrière et n'avait pas vu qu'au 3ème trimestre 1918 l'armée allemande n'avait plus les moyens de combattre. Pire, il y avait des désertions en masses, puisque les soldats ne comprenaient pas l'avantage de rester à se faire tuer alors que tout le monde savait que ça ne servait à rien.

Pourtant, très vite, ce mythe devint un thème de propagande pour les mouvements nationalistes et pour une partie de la droite allemande. En fait, il y a pas mal de gens qui croient encore que c'était vrai et que l'armée allemande a tenu avec vigueur jusqu'au 11/11/18 à 11h. Le pire, c'est que ce mythe a aussi diffusé dans historiographie officielle dans pas mal de pays.

Pour terminer, ce mythe a eu une conséquence désastreuse pour l'Allemagne (et je ne parle pas de l'arrivée au pouvoir des nazis en 1933). La conséquence de ce mythe fut qu'en 1944-45, les alliés ont déclaré vouloir la capitulation sans conditions de l'armée allemande. Le territoire allemand fut donc envahi, saccagé, bombardé jusqu'à ce que les militaires allemands acceptent de reconnaitre leur pleine défaite. Je pense qu'il ne doit pas y avoir un seul allemand qui puisse douter que son pays a bien perdu la SGM. Certains pensent (Churchill, mais aussi des militaires et des hommes politiques français de l'entre-deux guerres) qu'en fait, il aurait fallu faire continuer la guerre de 14/18 quelques mois encore, le temps que le territoire allemand soit bien envahi et que l'opinion publique sache la réalité des faits.

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Message Publié : 05 Août 2012 17:30 
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Tite-Live
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Inscription : 25 Juin 2012 15:20
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L’Histoire est un ensemble de hasards qu’ON* amalgame après coup .

*ON : là sont les questions ! qui , quand et pourquoi ?

La Vérité unique et vraie n’existe pas : l’Histoire peut être falsifiée , trafiquée , remodelée , rectifiée … avant même , pendant ou après l’instant du fait historique .

Prenons un exemple concret d’Histoire récente qui s’appuie sur des documents :

Il y a 51 ans Gagarine est le premier homme dans l’espace .
Les documents officiels portent le décollage depuis Baïkonour . Faux , le tir à eu lieu à 250 km de là , à Tiouratam (mais pour cause de guerre froide et pour tenir secrète l’existence de cette base les soviétiques ont falsifié le document officiel )

Pour que la FAI valide le vol les soviétiques ont soutenu mordicus sur les documents officiels que le cosmonaute avait atterri dans son engin . Faux , Gagarine s’est éjecté à 7000 mètres .

Mais dans 500 ans , « l’historien » croira-t-il le document officiel de la Fédération Aéronautique Internationale ou la fiche de Wikipedia ?


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Message Publié : 05 Août 2012 18:10 
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Thucydide
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Inscription : 05 Août 2012 16:14
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Ca me rapelle une anecdote qu'un professeur nous avait raconté.

Dans une université, en l'an 2205, département d'histoire.
Une jeune étudiante veut étudier la société du début du XXe siècle, et va voir son directeur de mémoire avec un vieux livre qu'elle vient de dénicher au fin fond d'une caisse dans une archive.
"- J'ai trouvé une source qui parle bien de l'organisation et de la société après la première guerre mondiale, de facon détaillée, et qui présente les faits sous un regard assez didactique."

Le professeur prend le livre, en lit la couverture. Il ne connaît pas l'ouvrage, et lui rend.
"Oui, si vous pensez que c'est pertinent".

La jeune fille sort du bureau, toute contente, elle va pouvoir ajouter un chapitre à son mémoire de master, l'un des exemplaires jaunis de Mein Kampf sous le bras.


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Message Publié : 05 Août 2012 18:42 
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Inscription : 15 Avr 2004 22:26
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Localisation : Alsace, Zillisheim
D'ailleurs, de plus en plus, ce sont les médias qui écrivent l'histoire ... et on connait déjà pas mal d'exemples où certains évènements ont été présentés sous un jour ... pas très conforme à la réalité.

Petit exemple pris juste à la limite de la limite chronologique du forum : la première guerre du Golfe. Tout le monde a son idée sur la raison de l'arrêt des hostilités alors que la route vers Bagdad semblait ouverte. La raison qu'on trouve le plus couramment dans de nombreux ouvrages est une volonté de ne pas déstabiliser la région ... Comme si elle n'avait pas déjà assez été déstabilisée par tous les évènements qui venaient de se passer.

Il y a quelques années, je regardais un documentaire qui présentait les diverses tactiques et stratégies à disposition d'un chef de guerre. L'émission qui portait sur le blitzkrieg fut très instructive. J'ai ainsi appris que la 1ère guerre du Golfe était une opération de type blitzkrieg. Le commentateur relevait que la limite de ce type d'attaque, malgré les progrès technique n'avait pas beaucoup changée. Dans les années 40, une attaque de type blitzkrieg s'essoufflait au bout de 400-450 km. En 1990, c'est exactement la distance qu'à tenue l'attaque avant que les généraux ne décident d'arrêter parce qu'ils n'arrivaient plus à assurer la logistique. Et cela était conforme aux prévisions. Donc, après une cavlacade de 400km qui leur avait permit de bousculer les meilleures unités de l'armée irakienne, les militaires américains ont signalé au gouvernement américain qu'ils allaient se réorganiser conformément à ce qui avait été prévu à l'avance et qu'ils seraient prêts à lancer la seconde phase de l'opération dans 5 à 6 semaines.
A l'époque, peu de gens savaient à quoi correspondait cet arrêt des hostilités. C'est normal, vous n'allez pas dire à vos adversaires que vous êtes en train de réorganiser votre logistique et que s'il veut vous mettre en difficulté, c'est à ce moment qu'il faut vous attaquer...
Donc, pendant ces semaines, on a entendu tout et n'importe quoi dans les médias. Et pendant ces 6 semaines, le ballet diplomatique a repris ces droits. Lorsque les militaires sont allé voir le gouvernement pour dire que à telle date, ils pouvaient lancer l'attaque finale sur Bagdad, les directeurs de communication ont dit que l'opinion publique ne comprendrait pas et qu'elle risquait de se retourner contre les USA et leurs alliés. Et puis, il y avait des élections, il y avait un tas de choses ... et ils ont convaincu Georges Bush qu'il avait plus à perdre à donner l'impression de s'acharner contre un homme à terre qu'à sembler continuer de se montrer magnanime ... Nous savons ce qu'il advint par la suite.

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