bertrand a écrit :
A lire également de R O Paxton : L'histoire de Vichy. Celui ci démonte l'hypothèse d'un lien pétain/de gaulle (le glaive et le bouclier).
La théorie de "l'épée et du bouclier", en tout cas telle qu'elle est présentée par le colonel Rémy (qui rapporte des propos tenus par De Gaulle lui-même en 1947), et développée (sans l'esprit de système que la formule brute pourrait impliquer) par Aron et Dreyfus, ne revient pas à établir des liens entre Pétain et De Gaulle, entre Vichy et la France Libre, mais plutôt à dire que la France avait à la fois besoin de l'armistice, et d'un redressement national (militaire, moral, économique...) opéré sur le territoire français (=le bouclier), et d'une force extérieure ouvertement hostile aux Allemands (=l'épée). Des figures comme Weygand ou Dunoyer de Ségonzac peuvent établir une passerelle symbolique, impliqués qu'ils sont à la fois dans la Révolution Nationale (en tant que ministre de la défense de Vichy et que directeur de l'école des cadres d'Uriage) et dans la lutte contre les Allemands (par le redressement de l'armée d'Afrique et par le maquis du Vercors).
Mais si cette vision, largement construite a posteriori (car sur le moment, il fallait tout de même "choisir un camp"), peut se défendre (à condition d'accepter d'occuper le terrain des "intérêts de la France" etc, qui ne ressort plus vraiment de l'histoire stricto sensu), si elle a même été défendue après-guerre par De Gaulle lui-même (comme le rapporte Rémy, malgré les démentis du Général, et comme certains indices peuvent le laisser penser), il n'en reste pas moins que l'action de la France Libre, lors de l'expédition de Syrie par exemple, ne peut évidemment pas être considérée comme secrètement commandée ou approuvée par Vichy! Présentée ainsi (mais je doute qu'aucun historien même marginal défende cette vision), la thèse de l'épée et du bouclier serait effectivement absurde !
Mais d'une façon générale, même telle que je la présente (non sans caricature il est vrai), je ne suis pas certain qu'elle relève vraiment de l'interprétation historique, un peu comme la philosophie de l'histoire -même si cette thèse ne relève pas non plus de celle-ci). Mais elle apporte je crois un éclairage fécond sur cette période, sur le sens que nous pouvons lui donner.