J'étais sûr que j'allais prendre une volée de bois vert...
Je note que l'argumentation des participants à légèrement biaisée la question de départ : s'il est évident qu'il faut lire les ouvrages majeurs étrangers qui n'ont pas été publié dans sa langue natale quand on s'intéresse à tel ou tel thème, pour autant
lire une langue étrangère ne veut pas dire
publier dans cette langue, et il y a une différence il me semble entre écrire dans une langue étrangère et être traduit dans cette même langue. De même, il est évident que sur les thèmes transnationaux, l'intérêt de la publication peut dépasser les frontières, dont celle de la langue. De là à en déduire que tout historien sérieux se
doit d'être bilingue (sous-entendu parler anglais), je serai beaucoup plus réservé.
Zunkir a écrit :
Si on veut publier une œuvre marquante en Histoire comme dans d'autres disciplines, elle doit être écrite en anglais à un moment.
Raccourci un peu trop rapide. Elle peut être marquante sans être connue mondialement, elle peut être marquante et connue en étant écrite dans sa langue natale , c'est d'ailleurs ce que vous démontrez dans la suite de votre message :
Zunkir a écrit :
En fait les éditeurs des pays anglo-saxons font une grosse activité de traduction, donc les meilleurs historiens français n'ont pas besoin d'écrire directement en anglais, ils seront traduits ; tant mieux parce que bien souvent les ouvrages écrits en anglais par des personnes dont ce n'est pas la langue maternelle sont souvent assez pauvres du point de vue littéraire.
Zunkir a écrit :
L'inverse en revanche n'est pas vrai : les maisons d'édition française investissent dans la traduction d'ouvrages d'économistes ou de spécialistes de renom des sciences dures, en revanche en Histoire c'est très rare, et des œuvres marquantes peuvent mettre longtemps à être traduites, voire ne le sont jamais.
Oui tout à fait, ceci s'explique peut-être aussi par l'absence d'intérêt pour le domaine traité ou l'idée que l'on se fait qu'il existe déjà en français pléthores d’ouvrages traitant du même sujet.
Zunkir a écrit :
Donc un historien ou même un étudiant français doit forcément lire l'anglais aisément, et (c'est plus problématique) avoir accès à des bibliothèques ayant un bon fonds d'ouvrages en anglais s'il veut atteindre un bon niveau.
Là-dessus aucun doute. Mais ce n'est pas uniquement propre à l'anglais : ce n'est pas à vous Zunkir que j'apprendrai qu'il faut lire l'allemand quand on s'intéresse de près aux Hittites par exemple , de même que si vous vous intéressez aux Pré-Colombiens, la maîtrise de la langue de Cervantès est de loin aussi urgente que celle de Shakespeare.
Zunkir a écrit :
En revanche on voit de plus en plus d'ouvrages d'historiens anglo-saxons ne présenter que des ouvrages en anglais dans leur bibliographie, parce que leur auteur ne prend pas la peine de lire une autre langue. C'est dommage parce que les meilleurs ouvrages restent ceux qui mobilisent une bibliographie multilingue, parce que l'Allemagne, l'Italie, la France voire l'Espagne disposent d'historiens de haut niveau sur de nombreux sujets. Donc il faut être publié en anglais pour être connu internationalement, mais pas forcément écrire soi-même en anglais, ne serait-ce que pour éviter le monolinguisme qui à mon sens aurait à l'arrivée plus de défauts que de qualités.
Je soulignerai aussi que l'historien n'échappe pas à sa culture nationale (sans tomber nécessairement dans le nationalisme identitaire pour autant) alors que le scientifique est mieux protégé contre ce risque de tentation (même si l'on connaît quelques cas de tricherie très célèbres). Dans une discussion sur un forum d'Histoire miliaire, des participants faisaient remarquer que quand on lit les ouvrages britanniques sur la Guerre de Cent Ans de certains éminents professeurs d'Oxbridge, on en vient à douter sur l'issue incontestable de cette Guerre et sur l'existence des victoires françaises qui y mirent fin. A contrario, à ce jour le meilleur ouvrage que j'ai jamais lu sur la Marine Française avait été écrit par un britannique qui soulignait toutes les fois où elle fut supérieure tant en hommes qu'en matériel sur son ennemie héréditaire, ce que les Français eux-mêmes ignorent.