Ah, si on cherche du vaseux, on va en trouver malheureusement... Comme cela l'est dit dans le sujet, l'uchronie est régulièrement utilisé (contre pratiquement tous les canons du genre) par les frustrés de l'histoire ou les écrivains s'imaginant avoir découvert la quadrature du cercle ("et votre livre est tout à fait original, car l'Histoire a changé" comme si ce n'était pas déjà un genre établi).
-Le retour de la grande armée, Valéry Giscard d'Estaing. On est dans du très très creux là. Le "Point de Divergence" est foireux : Napoléon fait un mouvement qui va contre tout ce que l'on sait de son caractère, de ses doctrines et des objectifs qu'il s'était fixé. Super-Napo, devenu raisonnable broie sous son intelligence l'armée russe et venge les affronts de l'histoire. Par charité chrétienne, je ne vais même pas parler du style.
-Le Feld-Marshal Von Bonaparte, Jean Dutourd La Corse reste génoise, Bonaparte meurt comme feld-marshal à Vienne, la Révolution Française meurt dans l’œuf...Sur le papier, ça sonne bien. Mais évidemment, la mayonnaise tourne assez vite : comme la Évolution est mère de tous les maux, plus de massacres dans le monde, pas de totalitarisme, et ils vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours. Cela semble écrit par un François Furet devenu fou.
Je pense qu'il devrait y avoir une loi qui interdise aux académiciens d'écrire une uchronie.
-L'appel du 17 Juin, André Costa. Je cherche comment le dire aimablement...C'est le grand frère malingre et shooté à mort de "1940, la guerre continue". Le POD : Pétain à une crise de conscience, change d'avis, a eu du sucre dans son café, peu importe. Il se rend compte que les allemands sont méchants, et lui et son état-major continuent la lutte; Darnand dirige la Résistance et extermine du nazi...Bon pourquoi pas. Le problème n'est pas l'érudition, André Costa le montre. Mais sans parler du style (parfois beau comme l'antique), on a l'impression de se plonger dans un rêve mouillé Gireaudiste, voire d'être dans une version "grand public" et SF de la thèse "L'Epée et le Bouclier". Je passe rapidement sur les communistes et le traitement qui leur est réservé, sur Super-Pétain qui se transforme en foudre de guerre brillant, et sur des batailles assez bien écrites mais engoncés dans les grands sabots de l'auteur.
Très heureusement, a coté de ce genres de scories, on a du bon voire du très bon.
-Tancrède d'Ugo Bellagamba est formidable. L'érudition est présente mais jamais étouffante et...on s'y croit. Pour faire simple, Tancrède de Hauteville, au contact des Leventins change petit à petit, subtilement mais réellement. Les oppositions entre chefs croisés (peut être un peu simple : les bourrins d'un coté, Saint-Gilles de l'autre) est relativement bien rendue, les décisions prises sont vraisemblables et le parcours du roman comme il s'intéresse à la psychologie des protagonistes per se et n'en fait pas des coquilles vides pour justifier une chronologie différente est agréable.
-La véritable histoire de France, Bernard Quillet. Assez méconnue, c'est pourtant l'un des meilleurs exemple d'uchronie "historienne". Grosso modo, Louis XVI meurt (assez bêtement) et la Révolution Française est annulée. Bon, l'effet papillon est pratiquement ignorée, et on se trouve avec Miterrand en 81. Soit. Mais comme le propos du livre n'est pas l, on pardonne. D'autant plus que l'utilisation de personnages historiques est souvent bien faite : a coté d'un Hitler qui devient peintre reconnu (un classique) on a de l'original comme un Saint Maximilien d'Arras, docteur de l'Eglise.
Bon il existe d'autres uchronies, certaines à prétention "historiques" comme ceux-ci, d'autres plus littéraires (Héliot en écrivant d'excellents par ailleurs). Je vais pas en faire une liste complète, mais il y a vraiment de quoi se dépayser l'érudition.
Comme dit au dessus, l'uchronie anglo-saxonne est intéressante par son parti pris de plausibilité qu'elle utilise plus souvent que son homologue francophone (pas toujours ceci dit, l'un des meilleurs ouvrages, Pavane de Keith Roberts, l'évacue avec brio). Malheureusement, elle est quasi-inconnue en France : l'auteur fétiche, Harry Turtledove, historien du moyen-âge byzantin, n'étant pas traduit du tout (Bien qu'à titre personnel, je ne trouve pas qu'il s'agisse d'une grosse perte). Pour ceux qui maitrisent la langue de Shakespeare, AlternateHistory.com reste LA référence en anglais : un forum où sont hébergés cartes, chronologies, questions, réflexions a-historiques. L'équivalent français n'existant tout simplement pas, malheureusement.
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