Bonjour,
Pour ma part, je différencie uchronie et "what if..."
Pour moi, une uchronie consiste à imaginer un monde issu d'un événement différent de la réalité historique. Le grand classique largement cité précédemment, c'est Hitler qui n'arrive pas au pouvoir, ou qui en est éliminé rapidement.
L'auteur invente alors un univers partant de ce changement, une autre "jambe" du pantalon du temps, comme le dit Terry Prachett (et d'autres). On est dans la fiction pure, car bien entendu, il n'existe aucun moyen de savoir ce qui aurait pu se passer. Et on s'éloigne rapidement du moment modifié : ce n'est pas la modification qui intéresse, c'est tout ce qui en découle.
Le but est d'avoir un univers "utile" pour l'histoire (avec un petit "h") qu'on veut raconter.
Le "what if...", pour moi, c'est autre chose. C'est un concept que j'ai découvert dans les années 80, quand je me suis mis aux wargames sur carte, en particulier les jeux stratégiques (je me souviens d'ailleurs que dans les magazines de l'époque, on notait que ce concept était peu prisé des Français, contrairement aux Anglo-Saxons). Les wargames reposent par définition sur ce principe, car les joueurs, qui "jouent" un des camps en présence, sont libres de leur stratégie.
Classiquement, dans un jeu stratégique sur la 2e GM, celui qui joue l'Allemand va choisir d'attaquer l'URSS en 1942, ou se concentrer sur l'ouest en fonçant sur Gibraltar, etc.
Le "what if...", je le vois plus comme quelque chose d'immédiat. On regarde ce qui se passe au moment où l'événement est modifié - alors que l'uchronie est sur le "long terme", et sert de décor à une histoire pas forcément historique.
Néanmoins, je mettrais deux bémols.
Le premier, c'est qu'à partir du moment où l'événement est modifié, il est impossible d'imaginer ce qui aurait pu se produire. Il y a trop de facteurs à prendre en compte. On bascule en fait dans la pure fiction, surtout que nous avons le recul quand on imagine cette modification, contrairement aux gens de l'époque. Tout au plus peut-on estimer les effets immédiats.
Le second, c'est que, quand même, tout ceci accorde une énorme importance aux individus ou aux événements. Quid des grandes tendances, des sociétés, etc. ?
Je suis personnellement convaincu que les individus jouent un rôle essentiel dans l'Histoire, mais il n'est pas exclusif de toute autre influence.
Tiens, en écrivant ceci, je pense soudain aux romans d'Isaac Asimov, le cycle SF de "Fondation". Je l'ai lu il y a une éternité (j'espère que ma mémoire ne va pas me jouer des tours
), mais le principe des romans est qu'un "psychohistorien" réussit à prévoir de façon scientifique la façon dont l'univers va se développer après la chute de la civilisation qui le gouvernait. Il utilise la psychologie et la connaissance des phénomènes sociaux en appliquant une analyse statistique à l'image de la thermodynamique (merci Wikipedia
)
Un des romans fait intervenir le "mulet", un individu exceptionnel dont l'irruption dans l'Histoire en cours va fiche en l'air toutes les prévisions établies : cet individu est "supérieur" aux grandes tendances sociales et historiques sur lesquelles sont fondées les prévisions, il est "en-dehors" de l'Histoire.
Heureusement, ses effets sont limités à sa seule existence, car comme son nom l'indique, il n'aura pas de descendance...