Barbetorte a écrit :
Je ne sais pas. Ce que je peux dire, c'est que j'ai bénéficié de l'enseignement d'un des derniers hussards noirs au début des années 1960 et que je conserve un souvenir précis de mes cours d'histoire de CE1. Il y a au moins deux dates, 800 (couronnement de Charlemagne) et 1270 (mort de Saint Louis de la peste à Tunis) dont je sais avec certitude que je les ai en mémoire depuis ce temps. J'ai eu droit à la totale lavissienne : l'homme des cavernes, nos ancêtres les Gaulois, Charlemagne qui a inventé l'école et envoyait ses missi dominici en inspection, Roland tué par les Sarrasins à Roncevaux, (oui je sais, les Sarrasins n'y étaient en fait pour rien), Philippe-Auguste ramenant le comte Ferrand enfermé dans une cage, les châteaux-forts avec leur pont-levis et leurs oubliettes, Saint-Louis qui rendait la justice sous son chêne à Vincennes, le méchant Louis XI qui enfermait ses prisonniers dans des cages ... Pour paraphraser Michel Sardou, cette Histoire n'est peut-être pas la vraie de vrai, mais c'est celle qui plaît. En tous cas, c'est celle dont on se souvient et qui donne des repères.
Je pense que cet instituteur devait avoir un certain talent de conteur : il enseignait l'histoire de France en racontant des histoires et, comme il racontait bien, ses élèves l'écoutaient. Les professeurs des écoles et ceux des collèges gagneraient à s'inspirer de Stéphane Bern.
Dans le même temps si vous êtes ici c'est que l'Histoire était déjà pour vous quelque chose d'intéressant, de dépaysant et de fascinant. Tous vos petits camarades n'en ont sans doute pas les mêmes souvenirs. Mais je vous rejoins sur la façon de "raconter l'Histoire", quitte à faire blêmir des membres du ministère ou du corps enseignant.
Narduccio a écrit :
Et on sait rendu compte que la plupart de ces jeunes qui passent haut la main les examens d'aptitude à la fin du cursus initial semblent avoir tout oublié quand quelques mois après, on les mets devant un tableau blanc en leur demandant de dessiner tel circuit thermo-hydraulique ou les caractéristiques de tel matériel. Ce qui est effarant, c'est que si on leur laisse 24 heures pour réviser, ils nous ressortent tout ce qu'ils ignoraient la veille. Effectivement, et j'ignore si c'est un des travers de l'apprentissage actuel, ils ont une capacité à apprendre, mais aussi à oublier. Alors que l'une des bases de mon métier est le retour d'expérience. Il faut apprendre à se servir de l'expérience accumulée, par soit ou à travers les fiches REX (Retour d'EXpérience) pour éviter de commettre des bévues.
Après ma première année d'enseignement j'ai constaté la même chose sur pas mal d'élèves que j'ai pu évaluer. Le plus remarquable a été le moment où je leur ai demandé de me faire un plan détaillé sur un sujet transversal au cours. Certains très bon éléments, à plus de 15 de moyenne, se sont effondrés parce que l'exercice nécessitait de réemployer les connaissances du cours en se les appropriant. C'est sans doute le revers de la course à la note et aux bons résultats. Certains se sont spécialisés à l'extrême pour être performant sur ce qui les évalue. On est dans une société de la comptabilité et du chiffre rond, pas dans celle qui laisse le temps de mûrir les informations et d'en pénétrer le sens profond. Du coup on fait de l'abattage, on ingurgite, on optimise et on réussit. On est un peu au bout d'une logique et il serait bon de repenser nos modes d'évaluation. Parce que dans le même temps j'ai eu des élèves qui avaient du mal à retranscrire leurs idées et qui pourtant maîtrisent infiniment mieux les notions vues en cours...
Pierma a écrit :
J'ai vécu la même expérience dans les années 60. Moi c'était l'instit de CE2.
C'était peut-être le roman national, mais que c'était passionnant à écouter... et à regarder sur ces grandes images au tableau !
Je me souviens que son père avait été l'un des derniers défenseurs du fort de Vaux !
Il y avait aussi la famille, où les souvenirs de la résistance étaient encore très vifs.
Même si je suis une jeune bleusaille des années 90 j'avoue que j'ai eu des enseignants dans le primaire qui nous ont passé l'Histoire en le mâtinant de "roman national" et de bannières claquant au vent en haut des donjons médiévaux, surtout en CM1 et j'en ai toujours de vifs souvenirs. En vérité je pense qu'un cours se doit d'être atypique, c'est ce qui le rend souvent intéressant. Pour ma part j'aime l'anecdote et la digression... et je suis toujours estomaqué de leur capacité à marquer les élèves. Si j'ai eu un mal de chien à leur faire enregistrer ce qu'est une transition démographique je puis vous dire qu'ils en savent long sur la peste noire.
Pierma a écrit :
Edit : @Narduccio : je ne suis pas vraiment surpris par ce constat. Je trouve que les bacheliers d'aujourd'hui sont gavés de connaissance. Je vois des élèves de Terminale S bachoter en physique - ils savent par coeur les exercices type - ce que je trouve complètement absurde. De fait les facs de science n'arrivent plus à recruter suffisamment d'étudiants sortant de la filière S. Je pense qu'on les dégoutte, où en tous cas qu'on ne leur rend pas la physique intéressante. Est-ce qu'on veut former des scientifiques ou des magnétophones ?
Regardez donc ce qu'on demande au concours de l'enseignement... un bachotage massif organisé...