Nous sommes actuellement le 28 Mars 2024 23:18

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 58 message(s) ]  Aller vers la page 1, 2, 3, 4  Suivant
Auteur Message
 Sujet du message : Juger les hommes du passé
Message Publié : 25 Oct 2019 6:36 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 22 Fév 2012 23:50
Message(s) : 102
Bonjour,

Je sais que ce sujet a été abordé sur ce forum, mais il me semble que cette question a pris ces dernières années une importance particulière dans le champ politique, particulièrement aux États-Unis. La prise en compte des histoires des minorités a amené à regarder différemment certains personnages.

En dehors du déboulonnement des statues de généraux sudistes, Christophe Colomb, après avoir longtemps été considéré comme un héros, devient une figure bien plus repoussante quand sa gestion des Caraïbes est mise en lumière.

Ces faits étaient connus depuis longtemps des historiens mais prennent une place importante dans le débat public.
On en revient systématiquement à une question fondamentale : n'y a-t-il pas un risque de juger les hommes du passé en fonction de considérations très modernes et donc de sombrer dans l'anachronisme ? À l'inverse, se montrer partisan d'un relativisme ne revient-il pas à éluder complètement certaines questions sensibles (colonisation, massacres etc.) ?

Quel rôle l'historien peut jouer dans ce domaine ?


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 25 Oct 2019 8:50 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Avr 2004 17:38
Message(s) : 10623
Localisation : Région Parisienne
Juger les hommes du passé avec les normes d'aujourd'hui, c'est faire un anachronisme complet, et l'historien doit l'éviter au maximum. Si on veut comprendre des événements historiques, il faut connaître un tant soit peu les manières de penser de l'époque étudiée.

_________________
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 25 Oct 2019 9:39 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur

Inscription : 15 Avr 2004 22:26
Message(s) : 15790
Localisation : Alsace, Zillisheim
Squalll a écrit :
Quel rôle l'historien peut jouer dans ce domaine ?


Le rôle de l'historien est d'étudier, puis de raconter l'histoire, souvent en donnant les éléments de contexte qui permettent de mieux comprendre les faits. Théoriquement, l'historien doit apporter un regard le plus neutre possible sur les évènements qu'il rapporte. Mais, depuis les premiers historiens, et au fil des siècles, on trouve de nombreux jugements de valeur dans ce que rapportent les historiens. Et parfois, le travail des historiens moderne revient à relativiser ce qu'on raconté certains de leurs confrères dans un passé plus ou moins récent.

Les faits d'un personnage historique s'expliquent dans un contexte, le contexte de l'époque. Par exemple, actuellement on trouve en kiosque la revue Les Cahiers de Science & Vie sur les Aztèques. Les conquistadors espagnols ont été frappés de stupeur à la vue des nombreux sacrifices humains réalisés par les Aztèques. Les historiens ont depuis appris qu'en fait, il y a eu une période très troublée, et que suite à cela les diverses cités de l'endroit ont pensé que leurs dieux leur réclamaient des sacrifices. C'est donc la religiosité des habitants de la méso-Amérique qui explique ces sacrifices. Et des "guerres" très ritualisées étaient organisées entre les cités pour avoir des gens a sacrifier. Doit-on les juger comme le firent les conquistadors ? Doit-on les comprendre et leur donner quitus des centaines de milliers de vies de tous âges et de tous sexes sacrifiées ? La question est complexe et ne devrait pas intéresser les historiens, mais les philosophes. Toutefois, les historiens cherchent à remettre les choses dans leur contexte, et cela relativise forcément la vision qu'on en a.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 25 Oct 2019 18:14 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 22 Fév 2012 23:50
Message(s) : 102
Citer :
Si on veut comprendre des événements historiques, il faut connaître un tant soit peu les manières de penser de l'époque étudiée.


Citer :
Les faits d'un personnage historique s'expliquent dans un contexte, le contexte de l'époque.


Je suis bien d'accord avec vous, mais jusqu'où peut aller le relativisme ? L'époque peut être une excuse facile pour justifier des comportements pourtant désapprouvés d'un point de vue moral mais tolérés dans la pratique.
Pour prendre un exemple peu polémique (je crois) que penser des grandes chevauchées du prince Jean lors de la guerre de cent ans ? Sans doute, le pillage de villages et le massacre des villageois qui s'en suivait était une pratique courante, mais qui n'échappait pas aux critiques d'intellectuels et de l'Eglise.
Personne pourtant n'irait qualifier le prince noir de criminel de guerre.
Comme vous le dites Narduccio c'est un exercice complexe mais il me semble pourtant qu'on se tourne de plus en plus vers les historiens pour apaiser des mémoires opposés dans des débats qui deviennent de plus en plus tendus (j'ai en tête les volontés de débaptiser les rues Colbert, Bugeaud etc.).


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 25 Oct 2019 18:38 
Hors-ligne
Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
Message(s) : 1522
Localisation : Belgique
Je souscrit complètement ce que Jean-Marc Labat et Narduccio disent. Après dix-sept ans sur des fora d'histoire et tant de discussions sur la question et pourtant étant qu'un humble "history buff" je n'ai trouvé parmi les honnêtes sources que le même comme ils commentent ici.

PS: "history buff" (je n'ai trouvé rien en français. En espagnol:aficionado a la historia, amante de la historia).

Cordialement, Paul.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 25 Oct 2019 22:54 
Hors-ligne
Administrateur
Administrateur

Inscription : 15 Avr 2004 22:26
Message(s) : 15790
Localisation : Alsace, Zillisheim
Squalll a écrit :
mais il me semble pourtant qu'on se tourne de plus en plus vers les historiens pour apaiser des mémoires opposés dans des débats qui deviennent de plus en plus tendus (j'ai en tête les volontés de débaptiser les rues Colbert, Bugeaud etc.).


Pas trop vers les historiens, mais bien plus vers des polémistes qui veulent instrumentaliser l'histoire. Quand on s'adresse aux historiens ... Certains voulaient qu'on écrive une histoire européenne qui soit acceptable par tous les européens. Pour commencer, on a décidé de rédiger un livre d'histoire commun de la France et de l'Allemagne et on a fait une commission regroupant des historiens reconnus des 2 pays ... J'ignore combien de pages ont été rédigées, mais on doit être très loin d'avoir réussi et il me semble que tout cela a été abandonné.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 26 Oct 2019 4:24 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9041
Narduccio a écrit :
Pour commencer, on a décidé de rédiger un livre d'histoire commun de la France et de l'Allemagne et on a fait une commission regroupant des historiens reconnus des 2 pays ... J'ignore combien de pages ont été rédigées, mais on doit être très loin d'avoir réussi et il me semble que tout cela a été abandonné.

J'ai vaguement en tête un groupe de travail d'historiens franco-allemand (est-ce celui-là ?) qui s'est attaché à établir les responsabilités dans le déclenchement de la Grande Guerre.
Leur conclusion était double :

- la guerre était inévitable, tôt ou tard, du fait du niveau de méfiance accumulé. (C'est en quelque sorte une prophétie auto-réalisatrice : plus les pays concernés sont persuadés que le voisin pourrait être l'agresseur, plus ils se préparent à la guerre - y compris à travers la préparation des alliances - et plus celle-ci devient probable. De fait, toutes les grandes puissances s'y préparaient effectivement.)

- Le responsable du déclenchement effectif est l'Allemagne, qui appuie une initiative austro-hongroise catastrophique. A quoi il faut ajouter le poids politique des militaires en Allemagne, dont la stratégie (écraser rapidement la France) pousse à un engagement très rapide des opérations. D'où, au total, l'enchaînement en cascade des déclarations de guerre.

j'ai entendu ça il y a déjà bien longtemps, dans une émission de radio consacrée à ce thème de la coopération entre historiens, et je ne saurais pas sourcer plus précisément.

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 26 Oct 2019 9:03 
Hors-ligne
Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 08 Juin 2009 10:56
Message(s) : 5716
Localisation : Limoges
Ce n'est tout simplement pas le rôle de l'Histoire. Comme il a été dit l'Histoire est une discipline qui se propose d'expliquer et de comprendre les événements passés, pas de moraliser sur leur contenu. Vous prenez Squall l'exemple des chevauchées du Prince Noir, mais que savez vous des standards de la guerre à son époque ? Vous pensez que ses pratiques de la guerre détonnaient par rapport à celle des écorcheurs ? Et plus largement de ce que l'on trouve au Moyen Âge ? Au final on écrit quoi ; l'ère des criminels de guerre et on englobe tous les conflits depuis les premières traces néolithiques (où on a de magnifiques exemples de massacres de population, femmes et enfants compris) jusqu'aux conflits d'Ex Yougoslavie ? Et puis on se rend compte que la guerre de 2003 en Irak était illégale d'un point de vue du droit international... et attendez, on est en train de se rendre compte que la guerre c'est pas super bien et que ça tue des gens et même des innocents... et en plus depuis l'origine.... incroyable. La science historique vient de faire une impressionnante avancée. Bref, vous aurez compris que cela n'a pas grand sens et en plus cela postule que nous vivons une période de lumière qui a réussi à tellement bannir les ombres de la barbarie que nous pouvons dès lors distribuer les bons points ou les malus aux périodes historiques à l'aune de nos pratiques.
Or nous sommes dans une période de retour de mémoires polémiques, principalement depuis la floraison des lois mémorielles dès les années 90. Le politique s'immisce dans des affaires de l'HIstoire et prend déterminer le vrai du faux à grand coup d'effets d'annonces, relayés par les polémistes et les gogos de tous bords en mal de récupération du passé. On a notre champion, le sinistre Zemmour qui s'est fait une spécialité de la falsification à des fins idéologiques. Les historiens ont déjà réagi ; un collectif dans Libération avait publié un texte dénonçant ce genre de pratique dans le contexte de la volonté du gouvernement que les manuels scolaires relaient "le rôle positif de la colonisation". Un extrait :

Citer :
L'histoire n'est pas une relinion. L'historien n'accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant. L'histoire n'est pas la morale. L'historien n'a pas pour rôle d'exalter ou de condamner, il explique. L'histoire n'est pas l'esclave de l'actualité. L'historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n'introduit pas dans les événements d'autrefois la sensibilité d'aujourd'hui.
Liberté pour l'histoire, Libératon ,13 décembre 2005


Il me semble que c'est assez clair.

_________________
Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 26 Oct 2019 9:52 
Hors-ligne
Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
Message(s) : 2953
Oui,il n'y a pas de morale à tirer mais il faut comprendre et savoir ce qui s'est exactement passé et ça n'est pas toujours façile.Pour ma part j'ai acquis il y a une dizaine d'années les 6 volumes des "Mémoires de l'Europe" publiés chez Laffont dans les années 70 Extraits de vieux ouvrages historiques d'origines diverses...C'est très intéressant car on y trouve quantité de détails,de points de vue passés sous silence en France......


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 26 Oct 2019 14:15 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9041
@Sir Peter : J'ai trouvé également des changements de point d'observation et des approches inattendues dans "L'histoire mondiale de la France."

Pédro a écrit :
Ce n'est tout simplement pas le rôle de l'Histoire.

Citer :
L'histoire n'est pas une religion. L'historien n'accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant. L'histoire n'est pas la morale. L'historien n'a pas pour rôle d'exalter ou de condamner, il explique. L'histoire n'est pas l'esclave de l'actualité. L'historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n'introduit pas dans les événements d'autrefois la sensibilité d'aujourd'hui.
Liberté pour l'histoire, Libération ,13 décembre 2005


Il me semble que c'est assez clair.

C'est joliment dit. Mais je crois que c'est un message qu'il faut dire et répéter, parce que l'utilisation de l'histoire (sans doute avec la prolifération des médias et la disponibilité d'Internet) est devenue une maladie.

Par exemple, le CRAN (Associations Noires) qui demande qu'on débaptise les rues Colbert au motif qu'il a rédigé le Code Noir... on atteint des sommets dans l'anachronisme, mais ils prennent ça très au sérieux. (Signe d'une identité blessée, ce qu'on peut entendre, mais si on met un doigt dans cet engrenage on n'en sortira plus.)

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 26 Oct 2019 15:32 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 22 Fév 2012 23:50
Message(s) : 102
Citer :
Vous prenez Squall l'exemple des chevauchées du Prince Noir, mais que savez vous des standards de la guerre à son époque ? Vous pensez que ses pratiques de la guerre détonnaient par rapport à celle des écorcheurs ? Et plus largement de ce que l'on trouve au Moyen Âge ?


Précisément, je n'ignore pas tout ça. C'est pour cela que je pense qu'il serait absurde de qualifier le prince noir de criminel de guerre. Je pense cependant que le relativisme de l'historien, qui est sans doute impératif pour éviter l'anachronisme, peut mener à faire tout accepter en se cachant derrière le contexte.

Le texte que vous avez posté me semble limpide et très bien dans sa forme, mais ne fait-il pas également preuve d'une certaine naïveté ? Peut-on complètement séparer la recherche historique de l'utilisation politique qui peut en être faite ? Les imbrications entre les deux ont longtemps été assez fortes et comme vous le dites les mémoires en opposition ravivent les tensions et les demandes de réparation, au moins d'un point de vue symbolique.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 26 Oct 2019 18:36 
Hors-ligne
Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 08 Juin 2009 10:56
Message(s) : 5716
Localisation : Limoges
Squalll a écrit :
Précisément, je n'ignore pas tout ça. C'est pour cela que je pense qu'il serait absurde de qualifier le prince noir de criminel de guerre. Je pense cependant que le relativisme de l'historien, qui est sans doute impératif pour éviter l'anachronisme, peut mener à faire tout accepter en se cachant derrière le contexte.


Je crois qu'il faudrait commencer par être clair sur les termes ; l'historien n'est pas relativiste, il ne juge simplement pas, ce n'est pas son objet, il explique. C'est une prémisse fausse que vous avez là et elle soutient l'intégralité de votre argumentaire. Donc on ne va pas aller bien loin si vous la conserver comme un acquis.

Squalll a écrit :
Le texte que vous avez posté me semble limpide et très bien dans sa forme, mais ne fait-il pas également preuve d'une certaine naïveté ? Peut-on complètement séparer la recherche historique de l'utilisation politique qui peut en être faite ? Les imbrications entre les deux ont longtemps été assez fortes et comme vous le dites les mémoires en opposition ravivent les tensions et les demandes de réparation, au moins d'un point de vue symbolique.


On ne le sépare jamais vraiment évidemment et les controverses ont été vives et le restent sur beaucoup de dossiers, simplement parce qu'un marxiste n'aura pas les mêmes interprétations qu'un catholique ou un libéral, mais même si les paroles peuvent être orientées, si les angles d'analyses témoignent d'une certaine inclinaison d'esprit il n'en reste pas moins que les historiens tendent vers l'objectivité, essaient de se rapprocher de la vérité historique par l'application de méthodes d'analyse rigoureuses... Et d'ailleurs la communauté historienne est très active dans la critique et la mise en question du travail des collègues. L'intention est radicalement différente de celle des idéologues qui racontent un récit orienté qui sert avant tout leurs intérêts et où le mensonge et la dissimulation ne sont jamais rares. De ce fait il n'est pas si dur de séparer histoire et mémoire, cela demande seulement de respecter le travail des historiens et de ne pas le confondre sciemment avec les productions mémorielles ou idéologiques, ce que les médias et certains politiques aiment à faire quotidiennement.
Pour ce qui est des travaux de la mémoire la boite de pandore a été ré-ouverte par l’État lui-même avec ses lois mémorielles, qu'il se débrouille maintenant avec les sensibilités exacerbées de tous bords. La seule chose que peuvent faire les historiens c'est de continuer leur travail de sensibilisation et de remise en contexte. Si leur voix était plus relayée il y aurait sans doute moins d'usages fallacieux de l'Histoire.

_________________
Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 26 Oct 2019 20:26 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9041
C'est hors limite chronologique (et même c'est de l'actualité politique) mais sur Facebook j'ai dû corriger un historien bien intentionné, qui réfutait les inepties de Zemmour, mais qui affirmait que les 2/3 des juifs visés par la rafle du Vel'd'Hiv y avaient échappé.

En réalité, on en a assez parlé, la rafle ne visait que les Juifs étrangers, et donc les 2/3 des Juifs parisiens, à savoir les Juifs français, n'ont pas été inquiétés. D'où la confusion, qu'il a malheureusement décrite comme le résultat de ses recherches, alors que c'est faux à pleurer.

Du danger pour les historiens d'intervenir dans les débats politiques : quand on le fait, il faut le faire bien.

En revanche, je le dis parce qu'il faut que ça sorte, il faut toute la m...de que Zemmour a dans la tête pour présenter cette rafle comme une expulsion d'immigrés clandestins. 8-|

(pour reprendre le titre de ce fil, je dirais qu'en certaines occasions, les historiens n'ont guère de difficulté à juger... les hommes du présent.) :rool:

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 26 Oct 2019 20:57 
Hors-ligne
Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 08 Juin 2009 10:56
Message(s) : 5716
Localisation : Limoges
Citer :
En revanche, je le dis parce qu'il faut que ça sorte, il faut toute la m...de que Zemmour a dans la tête pour présenter cette rafle comme une expulsion d'immigrés clandestins. 8-|


Oh vous savez dans son bouquin mélancolie française il a écrit que les romains étaient devenus des agneaux incapables de se défendre face aux méchants barbares alors bon... Celui là qu'on lui tende encore un micro et qu'il ne soit pas dans les oubliettes de la société ça me dépasse.

_________________
Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
 Sujet du message : Re: Juger les hommes du passé
Message Publié : 26 Oct 2019 21:45 
Hors-ligne
Polybe
Polybe

Inscription : 22 Fév 2012 23:50
Message(s) : 102
Citer :
l'historien n'est pas relativiste, il ne juge simplement pas, ce n'est pas son objet, il explique.


Vous avez sans doute raison, le terme est trop chargé ici. Il y a sans doute un lien entre le concept, qui n'est pas nécessairement negary, et la méthode historique, mais ce sont des discussions philosophiques qui me dépassent largement.

Citer :
L'intention est radicalement différente de celle des idéologues qui racontent un récit orienté qui sert avant tout leurs intérêts et où le men songe et la dissimulation ne sont jamais rares.


Je suis bien d'accord sur le fait que peu importe ses opinions politiques l'historien se distingue avant tout par sa méthode et le fait qu'il soumette son travail à ses pairs.

Je ne suis cependant pas si sûr que le fait que l'histoire orientée à des fins politiques soit le seul fait d'idéologues mal intentionnés. Les programmes scolaires, malgré toutes les précautions que peuvent prendre les historiens témoignent d'une volonté d'imposer une discours, que celui-ci soit assumé directement ou non.
Pierma et moi avons évoqué les noms de certaines rues qui sont aujourd'hui remis en cause. Le fait de nommer une rue est un fait indéniablement politique qui vient de l'État. Si en 2019 des rues au nom de Bugeaud choquent les conscience modernes, que doit faire l'historien ? On peut sans doute mettre la colonisation dans son contexte, rappeler que les mœurs de l'époque étaient différentes, expliquer les tenants et les aboutissants du processus colonial. Mais les mentalités évoluent également. L'historien doit-il donc accompagner cette évolution et donc s'impliquer, ou au contraire favoriser une certaine forme de pardon et donc d'oubli. Mes vieux souvenirs universitaires me recommanderaient de me replonger dans les ouvrages de Paul Ricœur, mais loin d'avoir été tranchés, je pense que ces débats se sont envenimés particulièrement aux États-Unis.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 58 message(s) ]  Aller vers la page 1, 2, 3, 4  Suivant

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 6 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB