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Certes nos prises de position s'exercent par rapport à la réalité que nous percevons. Et dans ce vieux débat du déterminisme ou du libre-arbitre, il semble plus acceptable de penser que si l'homme est soumis à des influences, son libre-arbitre lui permet aussi de chercher à s'en dégager
.
Je pense que l'erreur, c'est d'opposer déterminisme et libre-arbitre: il faudrait plus simplement dire, en des termes sartriens, que l'homme est nécessairement
situé, qu'il est libre mais que c'est liberté l'oblige nécessairement à faire des choix, y compris celui de refuser d'en faire.
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Autre chose : quand vous dites "penser contre son temps ", cela veut-il dire que vous croyez à un " sens de l'histoire " ?
Non certainement pas. Je veux simplement dire qu'on peut penser une chose qui va à l'encontre de ce que l'on "devrait" penser compte tenu de sa situation.
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Et aussi, car je ne l'ai pas lu , pouvez-vous un peu expliciter la pensée de Braudel sur ces aspects ?
La phrase de Braudel en question est ici complétement sortie de son contexte (que je n'ai d'ailleurs plus en tête). Il est clair que Braudel ne dirait pas ce que je suis en train de vous dire. Braudel s'intéresse surtout à l'économique et au social, peu à l'intellectuel.
Nous pourrions éventuellement évoquer plus avant la pensée de Braudel pour elle-même dans un fil à part.
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Enfin , vous semblez nier le rôle des élites dans votre premier message ... Pensez-vous que les " clercs " sont sans impact ?
Que les clercs aient un impact n'est pas impossible mais il faut être très prudent avec de telles thèses:
-D'abord, les élites ne forment pas un bloc unitaire à l'idéologie fixe: on peut très bien avoir des courants de penseé qui transcendent les classes sociales.
-Ensuite, comme vous le signalez vous-même, le libre-arbitre est toujours "plus fort", il n'y a pas de "formatage" absolu possible.
-Enfin, cette thèse est souvent fondée sur un non-dit: les élites éclairées feraient accéder les masses ignorantes au progrès.
Sur ce sujet, je vous recommande de lire cette conférence J. Wirth (attention aux âmes sensibles, c'est un très bon historien, mais comme vous le constaterez, il ne mâche pas ses mots):
http://www.ehess.fr/centres/grihl/Texte ... _Wirth.htmPour plus de détail, voir également son
Saint Anne est une sorcière et autres essaisAinsi que la critique de ce livre par Jean-Pierre Cavaillé publiée dans le dernier numéro (695, avril 2005) de la revue Critique sous le titre
Pour en finir avec l'histoire des mentalités.
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Ainsi du rôle des enseignants dans la formation des mentalités...
C'est là encore un débat historiographique très complexe. Dans l'ensemble, je dirai qu'un enseignant influencera toujours moins son élève que des parents. La thèse d'une acculturation jacobine de la France par la IIIe République (défendue notamment par l'historien étasunien E. Weber dans
La fin des terroirs, qui parle même de "colonisation") a été battue en brèche par des historiens comme JF Chanet qui ont montré que l'école de la IIIe République était bien plutôt caractérisée par une pédagogie du compromis, ne serait-ce que parce que les enseignants sont souvent issus du même milieu (social et géographique) que leurs élèves.
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Et l'échec des jacqueries ne vient-il justement pas du fait qu'elles ne sont pas organisées par des élites ? ( contrairement aux révolutions qui, elles, le sont ).
Les jacqueries n'ont pas toujours échoué: elles ont le plus souvent atteint leur but, qui n'était pas de renverser la monarchie mais de contester contre une difficulté conjoncturelle.