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Message Publié : 28 Avr 2005 10:16 
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Suite à une petite erreur de manipulation, le message initial a été effacé, je le reproduis ici:

Dernov a écrit:
"Peut on dire que la transmission des idées révolutionnaires des Lumières, a été faite par l'élite donc la noblesse, et donc que de ce fait la noblesse soit en partie à l'origine de la Révolution et de la perte de ses propres privilèges ?

Dernov"


----------------------------------------------------------------------------------

Réponse de Florian:

La question que vous soulevez est lourde d'implications d'ordre historiographique. Elle reprend peu ou prou la thèse, chère l'histoire des mentalités, de l'acculturation des "masses" par leurs "élites", modèle qui a notamment été employé pour rendre compte de la diffusion de la réforme protestante.

Or cette théorie est aujourd'hui extrêmement contestée:
-Rien ne permet de distinguer, du simple point de vue "mental" et "intellectuel" une élite d'une masse; bien au contraire, il me semble plus exacte de penser que tous les hommes d'une même génération sont redevables d'une même épistémè (je vous renvoie sur ce point à Les mots et les choses de Foucault, et à ma signature).
-Par ailleurs, la notion même de "mentalité" ou, pour employer votre expression "d'idées révolutionnaires" est éminement problématique. D'autant plus que "le peuple" n'a pas attendu la Révolution ou les Lumières pour se révolter quand il en éprouvait le besoin. Je ne suis pas persuadé que la Révolution dans son pan populaire soit fondamentalement différente des jacqueries d'Ancien Régime. Bien peu de Français avaient lu Rousseau ou Montesquieu en 1789.

Quand à votre question précisément, je vous renvoie au premier des deux points développés ci-dessus: les mouvements intellectuels sont avant tout globaux, se déploient à l'échelle d'une société, et vouloir "saucissoner" celle-ci me semble peu convaincant (cf les virulentes critiques de J. Wirth sur cette méthode appliquée à la réforme protestante): la Révolution est un phénomène sociétal qui englobe aussi bien la noblesse et le clergé que le tiers état, même si elle se manifeste différement dans chacun de ses groupes.

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"Il est plus beau d'éclairer que de briller" (Thomas d'Aquin).


Dernière édition par Florian le 04 Mai 2005 12:58, édité 5 fois.

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Message Publié : 28 Avr 2005 11:51 
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Grégoire de Tours
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Vous renvoyez à votre signature :

"Marx se trompe lorsqu'il dit que les hommes font l'histoire, c'est plus sûrement l'histoire qui fait les hommes. Ils la subissent." Fernand Braudel

Voulez-vous la commenter un peu ? A première vue elle surprend : on se
demande si elle veut dire que l'être humain, au lieu d'être capable d'agir, ne pourrait qu'être agi ....


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Message Publié : 28 Avr 2005 12:03 
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Pour faire vite, ma signature insiste, de manière quelque peu hyperbolique il est vrai, sur le fait que les actions humaines sont toujours "déterminées" par un contexte qu'on pourrait pour faire vite qualifier de "culturel", y compris quand il s'agit de s'y opposer.
L'homme n'est pas nécessairement "agi" par l'histoire, par son environnement culturel, mais il agit à tout le moins toujours par rapport à eux. En un mot : on ne peut pas ne pas être contemporain à son temps, même si on oeuvre contre lui.

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Message Publié : 28 Avr 2005 12:18 
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Grégoire de Tours
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Pourquoi pas " influencées " plutôt que " déterminées " ? Ce qui présente l'avantage d'exclure un déterminisme excessif....et de garder à l'homme son libre-arbitre. Et d'un contexte NOTAMMENT culturel, pour laisser de la place aux autres influences ?
Et si tous les actes que nous posons sont bien sûr "contemporains", leur motivation est-elle toujours un reflet de notre époque ?


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Message Publié : 28 Avr 2005 12:24 
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Le mot "influencé" n'est guère plus convaincant que le mot "determiné", qui peut effectivement être compris dans un sens excessif. Il ne s'agit pas d'un déterminisme ni d'une influence, mais d'un cadre qui n'est pas nécessairement inconscient et qui en ce sens ne contredit pas le libre arbitre : on peut penser contre son temps, mais cela revient à se positionner par rapport à lui, donc finalement à en montrer l'acuité.
Mais je suis tout à fait d'accord avec vous pour rejeter un déterminisme trop lourd.

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Message Publié : 28 Avr 2005 12:52 
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Certes nos prises de position s'exercent par rapport à la réalité que nous percevons. Et dans ce vieux débat du déterminisme ou du libre-arbitre, il semble plus acceptable de penser que si l'homme est soumis à des influences, son libre-arbitre lui permet aussi de chercher à s'en dégager.

Autre chose : quand vous dites "penser contre son temps ", cela veut-il dire que vous croyez à un " sens de l'histoire " ?
Et aussi, car je ne l'ai pas lu , pouvez-vous un peu expliciter la pensée de Braudel sur ces aspects ? Enfin , vous semblez nier le rôle des élites dans votre premier message ...Pensez-vous que les " clercs " sont sans impact ? Ainsi du rôle des enseignants dans la formation des mentalités...
Et l'échec des jacqueries ne vient-il justement pas du fait qu'elles ne sont pas organisées par des élites ? ( contrairement aux révolutions qui, elles, le sont ).


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Message Publié : 30 Avr 2005 14:36 
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Citer :
Certes nos prises de position s'exercent par rapport à la réalité que nous percevons. Et dans ce vieux débat du déterminisme ou du libre-arbitre, il semble plus acceptable de penser que si l'homme est soumis à des influences, son libre-arbitre lui permet aussi de chercher à s'en dégager
.
Je pense que l'erreur, c'est d'opposer déterminisme et libre-arbitre: il faudrait plus simplement dire, en des termes sartriens, que l'homme est nécessairement situé, qu'il est libre mais que c'est liberté l'oblige nécessairement à faire des choix, y compris celui de refuser d'en faire.

Citer :
Autre chose : quand vous dites "penser contre son temps ", cela veut-il dire que vous croyez à un " sens de l'histoire " ?

Non certainement pas. Je veux simplement dire qu'on peut penser une chose qui va à l'encontre de ce que l'on "devrait" penser compte tenu de sa situation.

Citer :
Et aussi, car je ne l'ai pas lu , pouvez-vous un peu expliciter la pensée de Braudel sur ces aspects ?

La phrase de Braudel en question est ici complétement sortie de son contexte (que je n'ai d'ailleurs plus en tête). Il est clair que Braudel ne dirait pas ce que je suis en train de vous dire. Braudel s'intéresse surtout à l'économique et au social, peu à l'intellectuel.
Nous pourrions éventuellement évoquer plus avant la pensée de Braudel pour elle-même dans un fil à part.

Citer :
Enfin , vous semblez nier le rôle des élites dans votre premier message ... Pensez-vous que les " clercs " sont sans impact ?

Que les clercs aient un impact n'est pas impossible mais il faut être très prudent avec de telles thèses:
-D'abord, les élites ne forment pas un bloc unitaire à l'idéologie fixe: on peut très bien avoir des courants de penseé qui transcendent les classes sociales.
-Ensuite, comme vous le signalez vous-même, le libre-arbitre est toujours "plus fort", il n'y a pas de "formatage" absolu possible.
-Enfin, cette thèse est souvent fondée sur un non-dit: les élites éclairées feraient accéder les masses ignorantes au progrès.

Sur ce sujet, je vous recommande de lire cette conférence J. Wirth (attention aux âmes sensibles, c'est un très bon historien, mais comme vous le constaterez, il ne mâche pas ses mots):

http://www.ehess.fr/centres/grihl/Texte ... _Wirth.htm

Pour plus de détail, voir également son Saint Anne est une sorcière et autres essais
Image

Ainsi que la critique de ce livre par Jean-Pierre Cavaillé publiée dans le dernier numéro (695, avril 2005) de la revue Critique sous le titre Pour en finir avec l'histoire des mentalités.

Citer :
Ainsi du rôle des enseignants dans la formation des mentalités...

C'est là encore un débat historiographique très complexe. Dans l'ensemble, je dirai qu'un enseignant influencera toujours moins son élève que des parents. La thèse d'une acculturation jacobine de la France par la IIIe République (défendue notamment par l'historien étasunien E. Weber dans La fin des terroirs, qui parle même de "colonisation") a été battue en brèche par des historiens comme JF Chanet qui ont montré que l'école de la IIIe République était bien plutôt caractérisée par une pédagogie du compromis, ne serait-ce que parce que les enseignants sont souvent issus du même milieu (social et géographique) que leurs élèves.


Citer :
Et l'échec des jacqueries ne vient-il justement pas du fait qu'elles ne sont pas organisées par des élites ? ( contrairement aux révolutions qui, elles, le sont ).

Les jacqueries n'ont pas toujours échoué: elles ont le plus souvent atteint leur but, qui n'était pas de renverser la monarchie mais de contester contre une difficulté conjoncturelle.

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Message Publié : 01 Mai 2005 9:12 
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Grégoire de Tours
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Cet article de J. Wirth est très stimulant intellectuellement , quoique très engagé politiquement !
Si j'ai bien compris les " mentalités " sont des formes inférieures de pensée...Ce qui doit être bien difficile à saisir !
Ne s'agit-il pas simplement de ce que les psychosociologues appelleraient
" attitudes " ? " Organisation émotionnelle, motivationnelle, perceptive et cognitive durable de croyances relatives à un ensemble de référents qui prédisposent un individu à réagir positivement ou négativement aux objets ou aux référents."

Je me demande si l'on a seulement d'abord bien défini le concept avant de s'en servir ...
Cela illustre bien les travers de certains ouvrages dont les qualités littéraires sont très supérieures à leur valeur scientifique . Quand le discours sert plus à combler acrobatiquement les nombreuses lacunes du savoir plutôt qu'à établir des certitudes démontrées .

A part cela :
-il n'y a donc pas eu de " hussards noirs de la République " ?
-pas de milieux enseignants très majoritairement influencés par la pensée de gauche dans les dernièrers décennies ?

Et quelles jacqueries ont réussi ? On parle surtout de celles qui se sont terminées fort mal pour les participants...


Dernière édition par Goya le 01 Mai 2005 9:21, édité 1 fois.

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Message Publié : 01 Mai 2005 9:20 
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Merci pour ces réponses. Je ne souhaitais pas lancer un débat aussi chaud, mais une remise au point fait du bien de temps en temps


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Message Publié : 01 Mai 2005 9:42 
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Citer :
Je me demande si l'on a seulement d'abord bien défini le concept avant de s'en servir ...


C'est précisément ce que reproche J. Wirth à ceux qui emploient cette notion de mentalité.

Citer :
-il n'y a donc pas eu de " hussards noirs de la République " ?

Si mais ceux-ci ont eu une attitude tout sauf à la hussarde: ils n'ont rien imposé, ils ont adapté.

Citer :
-pas de milieux enseignants très majoritairement influencés par la pensée de gauche dans les dernièrers décennies ?

Peut-être, mais cela n'influe en rien sur les élèves (ou alors il faudrait expliquer pourquoi la droite est au pouvoir). Dire que les enseignants sont de gauche et que donc les élèves le seront, c'est une fois de plus prendre les élèves pour une masse inculte et maléable à merci, ce qui relève de la fiction. Surtout, on s'éloigne du sujet initial: il n'y a pas une "mentalité" de droite ou de gauche mais bien au contraire, c'est le fait de s'enfermer dans un clivage droite-gauche qui est révélateur d'un certain cadre "mental" qui nous détermine à penser les choses selon un angle précis, qui n'est par exemple pas celui qu'aurait eu un homme du Moyen Age. Votre question déplace l'analyse à l'intérieur même du systèmes de pensée qu'il s'agit de questionner et donc nous conduit à nous y enfermer, donc à ne pas le comprendre.

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Message Publié : 01 Mai 2005 11:25 
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Florian a écrit :
Surtout, on s'éloigne du sujet initial: il n'y a pas une "mentalité" de droite ou de gauche mais bien au contraire, c'est le fait de s'enfermer dans un clivage droite-gauche qui est révélateur d'un certain cadre "mental" qui nous détermine à penser les choses selon un angle précis, qui n'est par exemple pas celui qu'aurait eu un homme du Moyen Age. Votre question déplace l'analyse à l'intérieur même du systèmes de pensée qu'il s'agit de questionner et donc nous conduit à nous y enfermer, donc à ne pas le comprendre.


Je suis un peu étonné que vous niez ces " mentalités " au plan politique .
On peut certes regretter la référence à des clivages aussi tranchés , mais
cela existe dans certains esprits . Heureusement il existe des grilles d'analyse des attitudes politiques un peu plus subtiles , à deux axes ou plus , pour appréhender ces phénomènes ( par exemple lorsqu'on ajoute
à l'axe gauche-droite un axe d'attitudes envers les libertés politiques et économiques ) .


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Message Publié : 01 Mai 2005 11:37 
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Je ne nie pas qu'un militant de droite pense différement qu'un militant de gauche. Je dis simplement que cette polarisation n'est justement possible que parce qu'ils s'inscrivent précisément tous deux dans un seul et même cadre qui est celui de la bipolarisation gauche-droite dans laquelle ils sont contraints de prendre position.
Après, il est évident qu'on peut expliquer les positions politiques par divers cadres "mentaux": Deleuze par exemple disait qu'être de gauche, c'est penser d'abord aux autres, tandis qu'être de droite, c'est tenir d'abord compte de ses intérêts et de ceux de sa communauté. Reste que là encore, dans les deux cas, il s'agit de prendre position par rapport à un donné initial: le devoir de choisir entre soi et les autres.

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Message Publié : 01 Mai 2005 12:03 
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Deleuze introduit un critère d'analyse supplémentaire . Même s'il est discutable dans cet exemple :car penser aux intérêts de sa communauté , c'est aussi penser aux autres...
Quoiqu'il en soit , pourrait-on se passer de critères d'analyse des attitudes et mentalités ? Alors il vaut mieux d'employer les plus pertinents,
sur lesquels il y aurait un consensus pour en faire des outils de travail qui rendent l'analyse des faits plus scientifique .
Qu'en pensez-vous ? Certains historiens travaillent-ils déjà comme cela ,
en dépolitisant leurs approches ?


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Message Publié : 21 Mai 2005 14:24 
Voici donc le sujet qui m'interesse :) Je vous prie de m'excuser d'avoir developpe ce sujet bien ailleurs, Florian, mais votre site est touffu et en prendre connaissance prend du temps.

Le texte que vous proposez est tres interesssant. En ce sens a mon avis que loin d'en "finir avec l'histoire des mentalites", il en developpe le sujet.

En effet, au-dela de la critique sur la paresse ou le "manque d'intelligence" des "historiens des mentalites", la these que presente cet auteur consiste a dire que la connaissance ne peut apprehender un objet dans son experience qu'en adoptant ses propres criteres (pour faire une petite paraphrase de Hegel). Ce qu'il dit a peu pres lui-meme : "Pour articuler convenablement son point de vue moderne sur les conceptualisations anciennes de l’économie, l’histoire économique devrait pouvoir s’abstraire de ses propres cadres d’une manière qui ne serait pas neutre idéologiquement".
C'est aussi ce que vous dites, Florian, quand vous ecrivez :
"Il n'y a pas une "mentalité" de droite ou de gauche mais bien au contraire, c'est le fait de s'enfermer dans un clivage droite-gauche qui est révélateur d'un certain cadre "mental" qui nous détermine à penser les choses selon un angle précis, qui n'est par exemple pas celui qu'aurait eu un homme du Moyen Age".
C'est bien reconnaitre que l'homme medieval "ne pense pas comme nous". Et effectivement, comment ne pas le reconnaitre ?

Mais revenons a J. Wirth : Il en arrive donc tres naturellement a evoquer une histoire des mentalites -et non la definir, d'ailleurs -mais qu'il nomme "histoire des idees" : "Mais les philosophes eux-mêmes n’aiment pas l’histoire des idées. Ils craignent qu’elle se substitue à la philosophie dévote, qu’on se mette à se demander pourquoi Heidegger pensait ceci ou cela, plutôt que de vénérer l’idole et d’écouter pieusement les sermons de ses prêtres."

Mais c'est donc une histoire des idees et non des mentalites. Quelle est la difference ? La raison. L'histoire des idees prend pour objet un homme qui pense rationnellement, qui n'est pas considere comme l'element d'une "foule", qui n'est pas sujet aux grandes hallucinations collectives telle celle de l'An Mil, dailleurs, c'est bien simple, cet homme n'existe pas puisqu'il a ete montre que tous ceux qui avaient evoque la fin du Monde l'avaient fait sous le coup de la torture. C'est surtout l'histoire d'un homme en lutte, ou en "combat", contre son environnement culturo-ideologique. L'histoire des mentalites, en revanche, c'est donc l'histoire de l'homme moyen, qui ne pense pas et ne controle meme pas son environnement physique (le paysan qui ne maitrise pas les techniques agricoles, un comble !).

Pour ma part, je pense souvent que la seule histoire qui meriterait vraiment d'etre ecrite, la seule qui ferait sens et renseignerait veritablement sur l'homme, c'est l'histoire de la rationalisation.
Car c'est bien de cela dont il s'agit ici : A la "fabulation" des mentalites, l'auteur oppose la "rationalite", ecologique, de l'histoire des idees, etc.

Or, n'est-ce pas une rationalisation que de considerer que l'histoire ne peut consister qu'en l'histoire du rationnel ? N'est-ce pas la plus belle des rationalisations que de considerer que tout est rationnel, dans le passe comme dans le present.
Comme vous le precisez par votre signature, Florian, il est forcement tres naif, et surtout operatoirement reducteur, de considerer que les hommes, dans le cours de leur histoire, ne sont menes que par l'exercice de leur raison et de leur volonte.


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Message Publié : 21 Mai 2005 14:25 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Avr 2005 10:54
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Ooops :)

Loin donc d'en "finir avec l'histoire des mentalites", M. Wirth definit ici en creux ce qu'elle pourrait etre : Une histoire des valeurs, de la pensee, peut-etre meme de la "psyche", non reduite a la seule "idee", mais comme productrice de sens, par l'objet et pour l'objet.
Une histoire "comprehensive" donc, comme il existe deja une sociologie comprehensive.

Laissez-moi donner un autre exemple auquel je pensais en parcourant ce site aujourd'hui : La question de savoir si l'Afrique a une histoire semble revenir regulierement. Et effectivement, la question peut se poser.

Pourtant, quand on interroge les africains eux-memes -j'entends ceux qui sont eduques- il n'y a pas de doute : L'Afrique possede une histoire.
Mais le fait que cette histoire soit orale : a) en rend difficile la transmission, b) la place d'emblee, disons epistemologiquement, inapprehendable ou difficilement, par cette discipline de la connaissance que constitue l'Histoire.

Et cependant, a interroger un africain sur l'origine de tel ou tel conflit qui embrase son continent, il n'y a aucun doute que les tentatives d'explication, d'abord peuvent parfaitement faire systeme, ensuite tendent vers la causalite, enfin prennent naissance tres loin dans le temps.
Trop loin dira-t-on pour que le mythe n'y trouve pas sa place.
Peut-etre.
Mais ceci est peut-etre bien un caractere specifique de la "mentalite africaine". Et le mythe, c'est toujours du langage.
L'histoire, en tant que connaissance, doit savoir etudier son objet dans son experience en en adoptant les specificites de pensee.

Voila en tous cas ce que pourrait etre une histoire des mentalites :)


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