Pourquoi donc voudriez-vous qu'un sociologue soit plus difficile à lire qu'un historien, du simple fait qu'il est sociologue ? Dites-vous qu'il s'agit d'un historien, ça ira peut-être mieux
D'autant qu'Elias est loin d'être un auteur ardu.
Vous pouvez commencer par lire sa fiche sur wikipedia et naviguer à partir de là. Il existe des fiches de lecture d'Elias sur le net en français -pas de la Société de Cour néanmoins, je crois.
Elias est surtout intéressé par les processus génétiques, c'est-à-dire les processus historiques de formation. La genèse de l'Etat en France et Angleterre (La Dynamique de l'Occident), la genèse de ce qu'on appelle "la civilisation" en tant que naissance du principe d'intimité, pudeur sexuelle, autocontrôle de l'agressivité (La Civilisation des Moeurs), etc. Ce dernier exemple correspond en effet à une histoire des mentalités, ou plutôt une histoire des moeurs.
Je n'ai pas lu La Société de Cour, mais Elias y décrit une classe sociale -disons plutôt : un ordre- régi par un certain nombre de règles -normes- qu'il s'attache à mettre en lumière et définir au plus près. C'est-à-dire : comment ça fonctionne, qu'est-ce qui est en jeu, etc. mais surtout : l'interaction entre ce système et la psyché individuelle.
C'est que pour Elias, le social, en dernière analyse, peut être ramené au psychique. Tout individu inséré dans un groupe social et qui, dès lors, en a intégré les normes et les règles, est une sorte de condensé de ce groupe social. De même : "L'histoire d'une société se reflète dans l'histoire interne de chaque individu : chaque individu doit parcourir pour son propre compte en abrégé le processus de civilisation que la société a parcouru dans son ensemble ; car l'enfant ne nait pas "civilisé" (La Civilisation des Moeurs). C'est ce qu'Elias appelle la "loi fondamentale sociogénétique" et devrait être la base de ce que vous appelez la psychologie historique.
Si vous le souhaitez, vous pouvez noter l'importance de cette conceptualisation dans l'histoire des idées : La conception selon laquelle l'histoire de l'individu retrace l'histoire de l'espèce humaine, l'ontogenèse qui "refait" la phylogenèse. Elle remonte au moins à Vico, mais je crois qu'Elias l'emprunte directement à Freud (Totem et Tabou). Cela pourrait vous permettre de dire qu'Elias emprunte beaucoup à Freud -même si ses concepts du Moi et du Surmoi par exemple ne sont pas à proprement parler psychanalytiques- d'où : Il est sans doute l'un des sociologues qui accorde le plus d'attention à la psyché, cad à la psychologie.