A quoi sert l'histoire ? Mais à rien.
Car en posant cette question ainsi, vous semblez partir du présupposé que l'histoire est une science, voire une technique, qui, à l'image des sciences "dures" peut avoir un but fonctionnel ou une utilité. Or, cela n'est pas le cas. L'histoire n'est pas une science, il n'est aucunement possible d'en faire émerger quelque loi que ce soit, de quelque degré de déterminisme que ce soit. Par conséquent, l'histoire est la discipline au sujet de laquelle on peut justement dire que "les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets."
R.Aron a proposé de le démontrer ainsi : Sommes-nous en mesure de dire aujourd'hui ce que sera le futur ? Non, il est indéterminé. Or, le passé a été le futur d'autres hommes qui nous ont précédé, et il fut pour eux tout autant indéterminé. Par conséquent, et pour employer une terminologie llogique, il n'y a pas, en histoire, de A -> B : le passé est tout aussi indéterminé que l'avenir.
Et si rétrospectivement on a le sentiment de voir émerger certaines causes à certains évènements, c'est d'une part parce que notre regard effectue une sélection sur la masse des informations ; et d'autre part
à cause de cette illusion parfaitement humienne qui fait que lorsque A précéde B dans le temps, je suis toujours enclin à considérer que A doit être, d'une manière ou d'une autre, cause de B.
L'histoire est donc ce qu'on appelle une discipline de l'esprit. Compréhensive ou herméneutique, selon ce qu'on y met, en tous cas une discipline qui se fonde sur le
sens : Il existe dans la vie humaine et sociale, subjectivement ou objectivement, des évènements qui font sens pour les individus -ou qui ne font pas sens. L'histoire donne donc un sens au passé, elle donne un sens au présent, et éventuellement, elle donne un sens à l'avenir. Mais le sens est donc dans l'oeil de celui qui regarde, au moins autant que dans l'évènement lui-même.
L'histoire ne sert donc pas à rien. Elle est utile, cognitivement, pour celui qui la pratique. D'ailleurs, on ne peut pas ne pas faire d'histoire, la mémoire la pratique pour nous.
Enfin, il y a même des chances pour que l'histoire soit utile aux institutions. Pas d'Etat, pas de nation, pas de peuple sans histoire.