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Message Publié : 16 Juil 2006 10:22 
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Inscription : 13 Mars 2006 10:38
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Localisation : Lorraine
Au début des années 80 aux Etats-Unis est née une nouvelle école historique : la « Public History ». Elle est évoquée à l’époque dans un article de « L’Histoire » (n° 55, avril 1983).

« L’histoire est quelque chose de fonctionnel. Nous le savons tous et nous allons le prouver », écrit ainsi Darlene Roth en 1979, dans la revue « The Public Historian ». C’est à dire qu’on peut trouver dans le passé des méthodes, des leçons, pour définir des stratégies économiques, commerciales ou industrielles, et donc participer à la prise de décision concernant le développement des entreprises.
Un cursus universitaire est créé, qui complète les études classiques par des modules d’histoire urbaine, histoire des techniques et de la planification économique ; des cabinets d’historiens-conseils » sur le modèle des cabinets juridiques se créent et fournissent leurs services aux entreprises.
Rien à voir avec les hagiographies qui existaient déjà (par exemple avec l’histoire de Ford), il s’agit d’être « opératoire » et de définir des stratégies par des analyses rétrospectives (sur les conjonctures, l’esprit d’entreprise, ...) ou dans un but de marketing et de publicité.
Et en France ? A l’époque, Saint-Gobain (encore nationalisée) avait amorcé le mouvement, mais depuis ? Je connais une étude sur les Wendel, mais qui est davantage un ouvrage commémoratif qu’opérationnel.
Une étude récente d’Elizabeth Gardère, Le capital mémoire de l’entreprise, l’Harmattan, 2003,
Voir compte-rendu ICI
semble conclure que ce champ est aujourd’hui déclinant, et qu’ « On ne peut pas faire de l’histoire d’entreprise un simple outil de gestion. Cela reviendrait à confondre l’Histoire et ses leçons, c’est-à-dire à se référer mécaniquement à l’Histoire pour préconiser des solutions ».

Donc trois interrogations :
Des entreprises ici ou ailleurs ont-elles obtenu des résultats concrets grâce aux « historiens-conseils » ?
Est-ce un nouveau débouché pour les études d’histoire (la question intéresse voire angoisse beaucoup de participants du forum, voir « Etudes »...).
Et plus généralement, que pensez-vous de cette « instrumentalisation » de l’histoire ?

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Message Publié : 16 Juil 2006 10:33 
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Jean Froissart
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Inscription : 16 Avr 2005 0:09
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Localisation : Outre nulle-part
A rapprocher du "déterminisme historique" de Marx ?
Vlad

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Adieu à toutes les femmes...."
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Message Publié : 15 Avr 2007 10:50 
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Inscription : 13 Mars 2006 10:38
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Localisation : Lorraine
Suite de la discussion restituée (mars 2007)
Citer :
Florian
Pour lancer le débat, je met ici quelques liens vers les sites de cabinets de public history anglo-saxons, ça vaut vraiement la peine de prendre un peu de temps pour y faire un tour. C'est en général assez effarant mais aussi très dépaysant, car on n'a pas l'habitude de ce côté-ci de l'Atlantique de parler de l'histoire en ces termes pour le moins mercantiles:

http://www.publichistory.ca/
http://www.makingsenseofplace.com/
http://www.jrphistorical.com/about.asp
http://www.mbkcons.com/consulting/consulting.htm
http://www.edwardtodonnell.com/index.htm
http://www.historicalentertainment.com/

Citer :
Trinity
Je ne comprends pas bien comment ça fonctionne, ce sont les cabinets d'avocats qui convoque ces historiens?Ou ce sont des historiens payés par les cabinets d'avocats et donc sont des employés de ces cabinets?

Citer :
Plus oultre
Quelque chose que moi non plus je n'ai pas compris : ces "historical consultants" tirent-ils des lois générales de l'histoire ou sont-ils des spécialistes de période particulières et qui peuvent éclairer une décision par rapport à un exemple précis de leur domaine de prédilection ?
Sinon moi ça ne m'étonne pas plus que ça en fait, non pas tant de la part des Américains que de notre époque (on fait déjà tellement confiance aux astrologues, aux voyants et autres diseurs d'avenir que bon...).

Citer :
Florian
Citer :
Je ne comprends pas bien comment ça fonctionne, ce sont les cabinets d'avocats qui convoque ces historiens?Ou ce sont des historiens payés par les cabinets d'avocats et donc sont des employés de ces cabinets?

En fait, dans la plupart des cas, ce sont des cabinets de consultants historiques qui ne sont donc pas des avocats et sont indépendants des cabinets d'avocats, bien qu'ils exercent parfois une activité proche (recherche de sources pour appuyer un procès).
Citer :
Quelque chose que moi non plus je n'ai pas compris : ces "historical consultants" tirent-ils des lois générales de l'histoire ou sont-ils des spécialistes de période particulières et qui peuvent éclairer une décision par rapport à un exemple précis de leur domaine de prédilection ?

Ils font de tout: esquisser des perspectives d'avenir à partir de l'histoire d'une entreprise, mise en valeur de l'histoire d'une entreprise à des fins managériales (esprit d'entreprise) ou publicitaire, aide à la gestion des conflits sociaux à partir d'une étude des précédents, traitement des éventuelles exacions commises par ces entreprises par le passé, etc.

Citer :
Optimus princeps
Pour ce qui est de l'état de la question en France, je peux apporter ma modeste contribution.
Jeune contemporanéiste détaché dans le supérieur en train de faire mon doctorat en histoire économique / des techniques, j'ai participé à quelques histoires d'entreprises dont la dernière (pas encore publiée) en collaboration avec une grande entreprise publique qui souhaite faire un état précis de l'évolution de son système de retraites depuis 1880.

L'histoire d'entreprise est encore peu répandue en France. Elle n'est pas institutionnalisée comme chez nos collègues de l'autre côté de l'Atlantique. Ici, on contacte personnellement un universitaire pour lui proposer un travail de ce type, mais je ne connaît pas de cabinet qui mène ce genre de travaux (enfin, qui font de l'histoire stricto sensu, car plusieurs officines travaillent à la croisée de l'histoire, de la communication et de la documentation, et produisent des ouvrages commémoratifs ou même des objets multimédias - très à la mode - pour un anniversaire ou autre).

Il faut à ce stade de la discussion faire la différence entre l'histoire d'entreprise qui est initiée par un universitaire ou un doctorant (comme l'énorme histoire de Renault de Patrick Fridenson ou d'EDF par Jean-Pierre Williot) où l'entreprise n'est pas commanditaire et ce que l'on peut appeler la "public history" dont l'entreprise est le commanditaire.

Dans ce dernier cas, les motivations sont diverses :
1. Communication interne ou externe. Le but du jeu étant de fournir le matériau pour faire connaître l'histoire de la boite. Cela peut être à destination des salariés ou publié à plus grande échelle.
2. Transfert de savoir-faire et mémoire technique. En pleine expansion en ce moment, il s'agit de créer des liens entre les générations de travailleurs et de permettre une transmission des connaissances collectives (techniques, organisationnelles ou autres). Plus encore que dans les autres types d'histoire de l'entreprise, on travaille ici en collaboration avec d'autres acteurs (ergonomes, sociologues...) et l'entretien oral tient le haut du pavé.
3. Expertise stratégique. Sous ce nom pompeux sont désignées les histoires qui visent à donner à l'entreprise un recul sur une histoire souvent mal connue dans le but de prendre une décision d'orientation générale.

Les règles de travail sont claires et fixées dès le début (pour mes collègues et moi-même au moins) :
1. Travail totalement autonome de l'historien.
2. Accès à tous les documents nécessaires.
3. Aucun regard ou contrôle avant la fin de l'étude de la part des dirigeants, des syndicats ou de tout autre acteur.

En ce qui concerne les débouchés, j'ai peur que ce type de travaux ne représentent pas vraiment un gisement d'emplois pour les étudiants en histoire. Les entreprises font appel à des universitaires - gage de qualité et... de visibilité - plutôt qu'à des personnes formées en histoire sans poste.

Citer :
Plus oultre
Peut-être un bout de réponse à la dernière question initiale de Plantin (à savoir : quels résultats ?) ? Même si j'imagine que ce doit être difficilement appréciable, même quand on a accès au sein de l'entreprise concernée aux-dits résultats.

Citer :
Optimus princeps
Citer :
Peut-être un bout de réponse à la dernière question initiale de Plantin (à savoir : quels résultats ?) ? Même si j'imagine que ce doit être difficilement appréciable, même quand on a accès au sein de l'entreprise concernée aux-dits résultats.

Je pense que vous voulez parler de l'instrumentalisation ?

Je n'aime pas trop ce terme : l'histoire ne peut-elle pas servir à d'autres personnes que les historiens ou les étudiants ? Tant que les règles de déontologie du métier sont respectées, je ne vois pas vraiment dans quel sens on peut parler d'instrumentalisation...

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Message Publié : 08 Sep 2007 13:24 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 05 Oct 2005 20:39
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Localisation : Lyon-Vénissieux
Les écoles militaires utilisent des précédents historiques pour dégager de grands enseignements sur la stratégie et la tactique.
Voir un site consacré à l'armée Suisse ;
http://www.checkpoint-online.ch/CheckPo ... toire.html
ou à l'aéronautique militaire américaine;
http://www.afa.org/

Il pourrait y avoir des débouchées pour des études et des recherches dans les écoles militaires.

_________________
Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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Message Publié : 08 Sep 2007 14:22 
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Marc Bloch
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Inscription : 09 Août 2006 6:30
Message(s) : 4160
Localisation : Allemagne
J'ai eu l'occasion de voir qu'en France les archives départementales s'intéressent au recueil des archives des entreprises locales, souvent disparues. Alors que dans le temps tout le monde s'en désintéressait.
C'est apparemment dans la même veine , non ?

_________________
" Je n'oublie pas le Colonel Arnaud Beltrame "


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Message Publié : 08 Sep 2007 14:29 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 14 Avr 2005 20:03
Message(s) : 1649
Localisation : Tournai
Pour ma part,
je suis tout à fait "pour" ce genre de choses .

L'histoire n'est pas pour moi une liste de faits (stériles),
mais une suite de leçons (fertilles) .

On peut rapprocher ce genre de choses de l'étude du vivant dans l'industrie .
On a obtenu ainsi (2 exemples parmi bien d'autres ) :

a) Le Velcro avec l'étude des attaches du "gratteron" .
b) Un nouvel adhésif pas encore sur le marché, qui fonctionne en permanence, sur tout support, et même sous l'eau, et qui peut en plus être réutilisé plusieurs fois .
Le tout, après étude des pattes d'un insecte qui avait la particularité de marcher sur tout support, y compris au plafond .

Ce n'est pas "dévoyer l'histoire", c'est au contraire essayer d'être le plus objectif possible pour définir le mieux possible l'avenir .
Manier l'encensoir serait tout à fait à l'opposé du but recherché .

Et une entreprise, ça fait partie intégrante de la vie de tout un chacun et donc de l'Histoire .

_________________
A Berthold le Noir,
Et Hiram Maxim ,

L'Humanité reconnaissante !


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 Sujet du message : L'histoire d'entreprise
Message Publié : 25 Juil 2009 13:12 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 28 Nov 2005 23:03
Message(s) : 1018
Localisation : Galaxie d'Andromède, Système solaire Zeta
Fusionné

Que pensez-vous de l'histoire des entreprises ?
A l'occasion du tricentenaire de Saint Gobain il y avait eut une importante monographie sur cette société.
Il semble que pas mal de personnes aient raconté l'histoire de grandes entreprises comme Ford, Michelin ou Peugeot.

Parmi toute cette littérature, avez-vous remarquez certains récits qui se détachent du lot ?

_________________
"L'histoire me sera favorable car j'ai l'intention de l'écrire". Winston Churchill.


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 Sujet du message : Re: L'histoire d'entreprise
Message Publié : 25 Juil 2009 14:06 
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Inscription : 15 Avr 2004 22:26
Message(s) : 15842
Localisation : Alsace, Zillisheim
Pas mal d'entreprises ont une histoire plus ou moins chaotique. Par exemple, en ce moment on parle beaucoup de l'histoire de Thomson : http://www.lesechos.fr/info/hightec/300365430-thomson-une-histoire-mouvementee-de-l-electricite-a-l-image.htm

Mais, l'avenir s'annonce sombre : http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/07/25/en-difficulte-depuis-plusieurs-annees-thomson-echappe-une-nouvelle-fois-a-la-faillite_1222744_1101386.html

Citer :
Au début des années 2000, sous l'impulsion de Thierry Breton (PDG de 1997 à 2003), puis de son lieutenant Franck Dangeard, Thomson, alors leader mondial de la fabrication de téléviseurs, se lance dans une ambitieuse politique d'acquisitions. Il achète Technicolor, premier fabricant mondial de DVD, puis Grass Valley. A partir de 2004, nouveau virage : Thomson cède son activité d'électronique grand public, à commencer par la télévision, pourtant son métier historique. Il ne reste dès lors plus qu'un groupe à la taille réduite (environ 3 000 salariés en France), aux activités disparates : d'un côté, Grass Valley et Technicolor, de l'autre, un pôle de recherche et développement censé travailler pour ces deux filiales et gérant des brevets hérités d'une acquisition des années 1980 (le fabricant de téléviseurs américain RCA). Une fois cédé Grass Valley, ne resterait à Thomson que Technicolor, dont l'activité de fabrication de DVD est menacée par le numérique. Et le pôle de R & D, qui ne travaillerait plus pour personne en interne...


Certaines histoires sont exemplaires, comme celle de Kodak, l'histoire de cette compagnie se confond avec l'histoire de la photographie. Mais elle en a loupé le dernier virage. A entendre certains, c'était devenue une entreprise de chimistes de la photographie. Leur ambition était de développer le meilleur film et les meilleurs tirages et ont été totalement déboussolés quand les films et les tirages ont disparus. Mais Kodak a su rebondir et peut rappeller que les films qui ont pris cette photo:
Image
furent des films kodak
http://www.kodak.com/eknec/PageQuerier.jhtml?pq-path=2/6868&pq-locale=en_US&_requestid=3604
http://www.gralon.net/articles/photo-et-video/photo-et-video/article-kodak---une-societe-pionniere-de-la-photo-et-du-cinema-1229.htm

Kodak est même devenue un exemple de refondation d'entreprise : http://www.lepost.fr/article/2009/05/18/1540113_le-minitel-meilleur-que-kodak.html

Ce qui n'est pas le cas de Polaroïd. Une entreprise née d'un entrepreneur génial : http://pratiqueprofessionnelle.blogspot.com/2008/02/lhistoire-moins-connue-de-polaroid.html
qui a été surprise par l'arrivée de la photographie numérique qui est aussi une forme de photo instantanée : http://monblog.ch/quedemots/?p=200802090107530

Mais tout espoir n'est pas perdu, des anciens de Polaroïd cherchent à redémarrer l'usine en changeant de clientèle :
http://www.01net.com/editorial/502601/polaroid-histoire-dune-renaissance/
http://www.ecrans.fr/D-ex-Polaroid-tentent-l-Impossible,7670.html

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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 Sujet du message : Re: L'histoire d'entreprise
Message Publié : 25 Juil 2009 14:21 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 06 Fév 2009 16:01
Message(s) : 412
Romeo a écrit :
Que pensez-vous de l'histoire des entreprises ?
C'est l'histoire de familles, mais surtout l'Histoire de ceux qui ont fait la France.


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