Bonjour,

J'ai évoqué récemment, sur un autre forum, l'ouvrage d'Howard Zinn, "Le XXe siècle américain : Une histoire populaire de 1890 à nos jours", soulignant le "gauchisme" de l'auteur, mais jugeant positive la lecture d'un livre qui, présentant l'histoire des Etats-Unis sous un angle moins "officiel", permettait au lecteur européen de découvrir des facettes moins connues de cette histoire. J'avais d'ailleurs intitulé mon sujet "Pour se guérir de l'anti-américanisme primaire...", afin d'insister sur la nécessité de ne pas réduire sa vision de l'Amérique à Reagan, Bush ou la guerre du Vietnam.

Je me suis pris alors la salve d'artillerie suivante de la part d'un intervenant:
Howard Zinn a des penchants communistes. Et l'"impérialisme américain" a libéré des gens qui regardaient chaque jour les Allemands défiler sur les Champs Elysées.

Howard Zinn a aussi écrit des livres pour présenter le dictateur Fidel Castro (11'000 dissidents fusillés, 400 poètes, journalistes et penseurs torturés en prison en ce moment) comme une victime d'une agression américaine.

Zinn EST un anti-américain.


Et concernant le livre: "C'est un manuel communiste de l'histoire américaine, un prêt-à-penser de l'extrême gauche aux Etats-Unis.


Evidemment, cette réplique n'a ouvert aucun débat, compte tenu de la position radicale exprimée.
Cependant, nier les orientations d'Howard Zinn serait un aveuglement.

Aussi, je souhaiterais avoir quelques opinions sur la question (en espérant bien que la sagesse des membres de "Passion-Histoire" permettra d'éviter une dérive vers la polémique et le corps-à-corps idéologique).
Faut-il voir dans son "histoire populaire" un simple pamphlet de gauche ? Ou bien son ouvrage apporte-t-il un éclairage malgré tout intéressant sur l'histoire américaine ?

Evidemment, c'est un livre orienté, mais à partir du moment où il ne s'en cache pas, je ne vois pas le problème (cf. la récente traduction française de son autobiographie: L'impossible neutralité).

Quoi qu'il en soit, c'est un des seuls livres en français sur l'histoire sociale des Etats-Unis car aussi paradoxal que cela puisse paraître, quand on y regarde de près, on se rend compte qu'il y a très peu de livres d'histoire des Etats-Unis un tant soit peu détaillés en français. L'engagement de l'auteur ne me pose pas problème dans la mesure où il ne propose pas une lecture gauchiste de l'histoire étasunienne mais une sélection de moments de l'histoire des Etats-Unis qu'ils estime oubliés ou mal connus. Bref, il ne prétend par réécrire ou réinterpréter l'histoire mais simplement donner du matériau pour faire contre-poids à l'histoire des manuels trop souvent simpliste car univoque dans sa description de l'american way of life, comme si la gauche ou le fascisme n'avaient jamais existé aux Etats-Unis, qui seraient un pays de "centrisme consensuel", ce qui est évidemment ridicule.

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"Il est plus beau d'éclairer que de briller" (Thomas d'Aquin).

Je partage tout à fait votre sentiment. Je suis en train d'achever la lecture de cet ouvrage et, en effet, la part d'interprétation y est réduite (bien que non absente, l'évocation du "système" étant récurrente) et il s'agit surtout d'un exposé de faits (ce qui pose, bien entendu, la question du choix de ceux-ci).
La rareté de l'évocation en français de l'histoire sociale aux Etats-Unis est vraiment regrettable, car elle est très riche (D'ailleurs il me semble qu'aux Etats-Unis même la "mémoire sociale" n'est pas quelque chose que l'on cherche à entretenir auprès des élèves, ce qui peut être surprenant dans des Etats comme la Virginie occidentale, au passé industriel et minier important).

Bonsoir,

Je me permets de déterrer ce sujet car j'aurais besoin de vos conseils.

Je m'explique : actuellement en L2 (depuis une semaine ) à Lyon 2 je vais commencer une UE d'Histoire de l'Amérique pour laquelle le manuel de référence s'avère être l'ouvrage de Z.Howard. M'étant inscrit à Lyon 2 et non à Lyon 3 en toute connaissance de cause, cette approche qu'on peut qualifier il est vrai de "gauchiste" ne me dérange pas plus que ça. Au contraire le concept "histoires des oubliés de l'Histoire" me séduit plutôt et je suis en train d'enchainer les chapitres depuis ce matin. Seulement étant quasi néophyte en ce qui concerne l'Histoire des États-Unis j'aurais voulu pouvoir compléter ce "manuel" avec un ouvrage plus scolaire (chronologie, cartes...).

De plus si d'autres personnes ont des avis sur cette Histoire populaire et son auteur elles sont les bienvenues

Merci d'avance !

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« L’érudit qui n’a le goût de regarder autour de lui ni les hommes, ni les choses, ni les événements, il méritera peut-être, comme le disait Pirenne, le nom d’un utile antiquaire. Il fera sagement de renoncer à celui d’historien. »

M.Bloch, Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien

Je vous conseille les différents livres qu'André Kaspi, un des grands spécialistes français des Etats-Unis, a consacrés au pays (principalement ses deux livres parus au Seuil sur l'histoire du pays depuis le début du XVIIème siècle).

A mon avis l'ouvrage de Zinn est excellent en contrepoint plutôt qu'en première lecture, ne serait-ce parce qu'il suppose une très bonne connaissance de la trame politique. Mis à part le Kaspi cité plus haut, le volume dirigé par Bernard VINCENT(Histoire des Etats-Unis, Flammarion, "Champ") est commode et économique pour un survol. Le Trotignon (Yves TROTIGNON, Le 20e siècle américain, Bordas, 1980) est irremplacé à l'heure actuelle pour l'approche économique jusqu'aux années 1970, car il sait expliquer l'économie pour des non spécialistes. Mais en ce qui concerne l'histoire sociale, il existe un excellent manuel qui date malheureusement de 1973 : Claude FOHLEN, La Société américaine, 1865-1970, , Arthaud, 1973. C'est à mon avis ce qu'il y a de plus accessible pour le premier 20e s. C'est clair, vivant, documenté et solide ; cet auteur reste pour moi une référence pour l'histoire des EU et je n'ai jamais été déçu par les livres que j'ai pu lire de lui.

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"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)

Je recommande également les Américains en 2 volumes d'André Kaspi (en plus c'est en poche).

Bonsoir,

Merci pour toutes vos réponses, je pense donc m'orienter vers les deux ouvrages de Kaspi, je demanderai juste un avis à mes profs histoire de voir mais il à l'air pas trop austère et plutôt "classique" dans son approche donc correspondant à mes attentes

Sinon les cours démarrent en 1492 du coup je lirai surement un complément pour la période sous domination britannique mais je verrai en fonction des thématiques abordés par le CM. J'avoue que la question amérindienne attire mon attention mais je ne connais pas grand chose en la matière, le sujet est-il évoqué (ou même approfondi) dans le premier tome de Kaspi ? Si vous avez une référence dans le domaine n'hésitez pas (en sachant que je suis quasi néophyte en la matière).

Pour revenir sur Zinn en dépit de toutes les critiques que j'ai lus sur le web je suis vraiment tombé sous le "charme" de son approche sociale et populaire de l'Histoire. Quelqu'un aurait-il lut d'autres livres de lui ? On m'a dit beaucoup de bien de sa pièce de théâtre, Emma je crois.

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« L’érudit qui n’a le goût de regarder autour de lui ni les hommes, ni les choses, ni les événements, il méritera peut-être, comme le disait Pirenne, le nom d’un utile antiquaire. Il fera sagement de renoncer à celui d’historien. »

M.Bloch, Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien

Un chapitre porte sur Indiens et colons dans le tome 1 des Américains.

Il existe un excellent Que sais-je de Claude Fohlen ; c'est vraiment un auteur à ne pas négliger pour les EU. Sinon, un survol de l'histoire des EU depuis la guerre d'Indépendance se trouve aussi dans cette collection, c'est le Que sais-je de René Rémond. C'est assez exceptionnel de voir une telle histoire contenue en 127 pages. Chaque mot est pesé, chaque phrase a du sens. C'est vraiment l'illustration de la phrase de Tocqueville par un grand maître de l'histoire française : "L'histoire contemporaine, c'est savoir beaucoup de chose pour en dire très peu."

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"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)

Le Que sais-je de Fohlen porte sur les Indiens d'Amérique du Nord, aurais-je dû préciser

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"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)

Merci pour le Que sais-je ? je suis fan de ces ptits bouquins super pratique j'irai donc jeté un coup d'oeil. Le Kaspi figure en bonne place parmi les bouquins conseillé finalement en cours donc autant de bons avis ne devrait pas m'amener à faire un achat inutile ^^

Par ailleurs le choix du bouquin de Zinn comme manuel a été longuement argumenté par ma (super) prof qui a pris le parti de ne pas nous faire de partiel classique mais seulement un oral ou il ne sera pas vraiment question de connaissances, ou d'organisation d'idées mais plutôt de discuter à propos des interrogations, des réactions survenues à la lecture de l'ouvrage. Le but affiché étant de nous faire réfléchir en fait sur la question historiographique soulevée c'est à dire faire de l'Histoire engagée plutôt que de l'Histoire "neutre" (ce qui renvoie d'ailleurs à un autre livre d'Howard Zinn sur la question).

Je suis impatient d'assister à la suite du cours pour voir sous quel angle nous allons aborder l'Histoire américaine (il serait question de s'intéresser en parallèle à l'Histoire telle qu'elle est représentée aux Etats-Unis notamment dans le Cinéma).

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« L’érudit qui n’a le goût de regarder autour de lui ni les hommes, ni les choses, ni les événements, il méritera peut-être, comme le disait Pirenne, le nom d’un utile antiquaire. Il fera sagement de renoncer à celui d’historien. »

M.Bloch, Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien