On joue sur les mots. Si l'on rentre dans un registre juridique, la jurisprudence tend à compléter un vide juridique non prévu par la loi initiale en se basant sur le pouvoir discrétionnaire du juge. Or, en l'espèce, il n'y a pas de loi ni de code qui chercheraient à être comblés. Tout juste, de ce que j'ai pu lire, des principes généraux, des sanctions précises pour un droit embryonnaire mais qui n'est pas à proprement parlé codifié.

_________________
« Il extrait de terre de l'huile pour faire resplendir son visage » (Psaumes 104)

C'est pas une question de "droit embryonnaire". La Mésopotamie antique se situe probablement dans le domaine de l'infrajuridique, où la plupart des litiges se résolvent dans les cadres traditionnels (communauté, tribu). Et les règles juridiques sont de l'ordre de la coutume, donc pas forcément besoin de passer par l'écrit, les juges royaux et cie. On se situe encore dans une civilisation de l'oral, le Code de Hammurabi nous offre un aperçu de ses règles juridiques, mais un simple aperçu. La documentation juridique la plus importante pour connaître le droit mésopotamien reste les textes de la pratique, les actes de vente, les compte-rendus de procès, les actes de prêt, etc. Le Code de Hammurabi intéresse beaucoup le grand public et les spécialistes du droit non mésopotamien, les spécialistes du droit mésopotamien sont depuis bien longtemps passé à autre chose pour bien connaître les règles juridiques de cette civilisation. Le Code de Hammurabi est avant tout un texte que fait publier un roi sur une belle stèle, dans une écriture archaïsante pour montrer qu'il est l'héritier de l'antique tradition mésopotamienne, un souverain avisé et équitable agissant conformément aux désirs divins, et un grand conquérant, un homme pieux, etc., un bon souverain en somme. Pour comprendre la signification de ce texte, il faut surtout lire son prologue qui est un magnifique concentré de l'idéologie de la royauté mésopotamienne (illustrée par le bas-relief du haut de la stèle, figurant Hammurabi rendant hommage au dieu-soleil Shamash, dieu de la Justice). C'est ça qui a fait passer Hammurabi à la postérité comme un roi juste et équitable. Et encore, ce n'est pas une figure que l'histoire mésopotamienne a particulièrement retenue, comparé aux rois d'Akkad et d'Ur.

D'ailleurs, je crois que le "Code" d'Hammourabi est beaucoup plus basique en terme de litige et ressort de l'oeil pour oeil, dent pour dent, tandis que le "Code" de Shulgi est beaucoup plus élaboré, privilégiant la compensation en argent.

Le Code de Hammurabi utilise aussi la compensation par argent, mais moins systématiquement que son prédécesseur. En plus il y a le problème de la distinction entre les différentes catégories sociales, plus ou moins bien traitées. Et personnellement je me refuse à dire qu'un droit privilégiant les peines corporelles est moins évolué qu'un autre privilégiant les compensations monétaires, c'est juste une question de conceptions juridiques divergentes.

C'est marrant que vous employiez l'expression "Code de Shulgi" : généralement on emploie le terme de "Code d'Ur-Nammu", le père de Shulgi, à qui on attribue couramment ce texte. Mais en réalité on n'en est pas sûr, et Shulgi pourrait bien en être l'auteur.

Oui, j'ai peut-être été un peu vite en parlant de "Code du Shulgi". C'est-à-dire qu'il y a des chances pour que ce code soit apparu sous son long règne plutôt que sous celui de son père qui n'a duré qu'une quinzaine d'années ou moins si mes souvenirs sont bons.

En ce qui concerne le degré d'évolution, je me suis mal exprimé. Je ne portais pas de jugement, j'essayais juste de poser un regard sur, je dirais, la somme de travail nécessaire à chacun. Le "oeil pour oeil, dent pour dent" est assez simple et ne nécessite pas de grosse réflexion juridique. Les compensations financières sont déjà plus subtiles, plus poussées. Mais quel système est le meilleur? - je n'ai évidemment pas la compétence pour en juger.

Bonjour,
Je souhaiterais savoir quelles comparaisons ont pu être faites entre le code d’Hammourabi et la Torah en tant que codes de lois : filiation, ressemblances/divergences, degré d’élaboration, valeurs ,….

Je n’ai trouvé que celle faite par l’anthropologue Ch Lejeune dans les années 1900, qui conclut son étude à peu près ainsi: "Sans doute la Torah, postérieure de plusieurs siècles au code d'Hammourabi, était-elle d'une facture juridique plus élaborée, sous forme de règles de droit, que le code d'Hammourabi qui se présente plus comme un texte de jurisprudence. Mais sur le plan des valeurs morales, la loi de Moïse était, moins évoluée, plus théocratique, plus primitive et plus barbare que le code d'Hammourabi".

Merci pour commentaires, réactions, compléments, références