Non
Je remarque au moins trois différences d'importances inégales.
La première est de loin la plus importante : les Perses se sont dotés d'une infanterie lourde permanente d'élite par le mercenariat grec. Cette force leur avait fait défaut au Ve, ils combleront progressivement cette faiblesse dans la seconde moitié du Ve. La guerre du Péloponnèse en particulier va leur offrir à la fois l'influence et les contacts nécessaire mais aussi laisser en Grèce une masse de soldats désœuvrés, d'exilés politiques, etc. en maraude, qui se feront une joie de se mettre au service de la Perse. Le rôle de Cyrus le Jeune est capital: d'une part il rassemble un corps exceptionnel, les fameux 10 000, mais en plus il fera à Counaxa la démonstration définitive en présence du Roi des Rois de l'efficacité de ces mercenaires. La leçon portera ses fruits; plus aucune armée perse ne se mettra en branle sans un corps plus ou moins important d'hoplites grecs. Dorénavant, les Achéménides disposent d'une infanterie lourde d'élite (rien à voir avec des levées satrapiques, que ce soit des Ioniens, des Cariens ou des Egyptiens; si matériellement, ils peuvent se valoir, la motivation est toute autre). A l'époque d'Alexandre, cela atteint son paroxysme : "
Roi, lui dit-il, de cinquante mille Grecs que nous étions, nous ne restons plus qu'un petit nombre d'hommes, compagnons de toutes les vicissitudes de ta fortune." di Paron, chef des mercenaires, à Darius (QC.V.11). Ce n'est pas une exagération, ils étaient déjà 20 000 au Granique, tous massacrés, auquels s'ajoutent le puissant corps d'Issos (30 000 disent les Macédoniens, en fait sans doute beaucoup moins, mais plus de 10 000), et les multiples garnisons qui mènent la contre-attaque en Egée.
D'un point de vue infanterie lourde, les Perses ont donc su se procurer ce qui leur manquait jusque là.
Deuxième exemple, les chars à faux. Officiellement, l'invention remonte à Cyrus le Grand, dit Xénophon. Pourtant, force est de constater leur absence de l'invasion de 480: les seuls chars de combat présents sont les classiques biges indiens ou libyens. Ils n'apparaissent en Asie Mineure qu'à la fin de la guerre du Péloponnèse, et ne seront décrit pour la première fois que par Xénophon à Counaxa. Or, chacune des interventions de ces équipages se fait exclusivement face aux denses phalanges (Counaxa, Arbelès). N'est-ce pas justement une tentative d'adaptation, un moyen de faire perdre la cohésion aux lignes d'infanterie lourde ?
Existaient-ils dès le Ve ? JE n'en sais rien, pas sûr en tout cas. Par contre, leur emploi spécifique contre le mode de guerre des Grecs apparait nettement au IVe.
Dernier exemple, accessoire mais qui montre le soucis permanent d'évolution. A la veille de Gaugamelès, Darius réforme l'armement de ses armées. Diodore XVII.53.1 :"
Il avait accru, par rapport aux modèles antérieurs, la longueur des glaives et des javelots, car on se figurait que c'était grâce à ces armes qu'Alexandre avait remporté l'avantage lors de la bataille de Cilicie", ce qui devait les faire ressemble vaguement aux peltastes d'Iphicrate, qui avaient prouvés leur efficacité contre des armées hoplitiques. Quinte Curce confirme, au moins pour les épées. Tandis que Polybe, alias Callisthène, fait combattre les Cardaces en hoplites, contrairement aux autres mentions de ce corps. Bref, dans l'urgence, les Perses ont tentés de s'adapter à la disparition de leur infanterie grecque. L'efficacité ne fut pas terrible, certes, mais cela prouve qu'ils n'étaient pas figés. De plus, il n'ont pas eu beaucoup de temps pour s'adapter. Les campagnes de Memnon en 336-335 étaient très encourageantes, et la supériorité tactique macédonienne n'est apparue brutalement qu'en 334.