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Message Publié : 28 Mars 2010 10:08 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 24 Mars 2010 16:23
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Alors voilà, j'ai une petite difficulté d'interprétation et j'espère que vos lumières pourront m'éclairer :
dans le livre VI de ses Histoires (à la fin du paragraphe 119 selon l'édition des Belles lettres pour être précis), traitant notamment de la bataille de Marathon, Hérodote décrit une méthode d'extraction assez particulière qui atteste une exploitation pétrolière assez ancienne, mais il reste malheureusement - à son habitude lorsqu'il s'agit d'éléments véritablement historiques - très vague sur la méthode de l'exploitation... Quelqu'un aurait-il des sources fiables sur le sujet ? Lors d'une première lecture, j'ai immédiatement pensé au shadouf, mais après en avoir discuter avec l'un de mes collègue, je me suis rendu compte qu'il ne pouvait pas forcément ne s'agir que de cet instrument... je cite la traduction du passage par Legrand qui, pour une fois, ne fais pas une sorte d'horrible mot-à-mot peuplé de contresens en grec et d'incorrections en français : ce passage est relativement bien traduit, les sceptiques peuvent lui faire confiance, j'ai épluché les termes grecs.
"On tire en effet de ce puits de l'asphalte, du sel et de l'huile ; voici comment. On se sert pour puiser d'un appareil à bascule, à quoi est attachée en guise de seau une moitié d'outre ; avec ce récipient enfoncé dans la nappe, on puise la matière et on la verse ensuite dans un réservoir ; distribuée au sortir de ce réservoir, elle prend trois voix différentes ; l'asphalte et le sel se coagulent aussitôt ; quant à l'huile..., les Perses l'appellent rhadinaké ; elle est noire et a une forte odeur."
Bon il y a des points très contestables vis-à-vis du manuscrit qu'il adopte (notamment sur les points de suspension, je ne pense pas qu'il s'agisse d'un manque : tout simplement les remplacer soit par une virgule soit par deux points) mais c'est grosso modo ce dont il est question...
Voilà j'attends vos réactions...

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Message Publié : 28 Mars 2010 12:24 
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Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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En fait il faudrait plutôt traduire par bitume que par pétrole ou asphalte ; à l'état liquide, le bitume est appelé naphte. En tout cas on sait que le bitume est exploité depuis une époque très ancienne, on en trouve dans des outils mésopotamiens datés du Ve millénaire av. J.-C., et dans les textes historiques, notamment ceux de Mari au XVIIIe siècle, relatifs à la ville de Hît qui est un grand centre d'extraction de bitume. Il y a déjà une distinction entre différents types de bitume, solide ou liquide, puis des procédés de raffinage. Le bitume peut servir pour réaliser des objets, comme liant dans des outils comme des haches, ou pour coller à mosaïques, pour calfater des bateaux, ou encore pour imperméabiliser des sols, terrasses, toits, ou des canaux ; il a même un usage médical parfois. Quant à la méthode d'extraction, cela ressemble effectivement à un shadouf, mais je ne sais pas ce que disent les sources mésopotamiennes sur les procédés d'extraction de la naphte.


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Message Publié : 28 Mars 2010 13:56 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 24 Mars 2010 16:23
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En effet, poussé par ta remarque, je suis allé consulter LA bible des hellénistes - les français changeront-ils un jour leur poussiéreux Bailly ? - et l'article montre que ta traduction est effectivement plus juste, mais tu sais, Legrand est un archaïque et sa traduction ressemble parfois à un brouillon qu'il aurait eu la flemme de reprendre... Sinon, je te transmet la remarque de mon collègue sur mon idée du shadouf : en fait, le fait qu'il y ait, d'après Hérodote, trois voix au sortir du "récipient" (même s'il se contredit juste après en disant que le sel et "l'asphalte" coagulent aussitôt) tend à invalider la représentation traditionnelle du shadouf présent exclusivement dans des systèmes de canaux ici absents... Par ailleurs, on sait qu'il existe d'autres méthodes d'extraction remontant à l'Antiquité (cf les puits d'eau chez les nomades) mais dans ce cas, lequel d'entre eux utilise un système à bascule ? Sinon moi je penche plutôt pour un shadouf, comme toi, mais on ne sait jamais ; et puis, hérodote peut se tromper... errare humanum est lol

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Message Publié : 28 Mars 2010 16:35 
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Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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De toute façon si c'est défini comme un appareil à bascule ce ne peut être qu'un outil de type shadouf, qui est par définition un appareil à bascule servant à prélever de l'eau dans un canal. Il ne serait pas surprenant qu'on ait réutilisé une technique pratiquée en agriculture pour prélever de la naphte dans des gisements qui affleurent à la surface, et aussi celle qui est plus profond dans des puits creusés ; on aurait donc un type de puits à balancier, cf. cette page sur ce type de puits en France : http://www.pierreseche.com/puits_a_balancier.htm Ce système paraît plus économe en efforts qu'un puits traditionnel, au fond c'est ce qu'on peut faire de mieux au vu des moyens techniques disponibles à l'époque pour prélever du bitume dans des puits, avant l'invention de la pompe. A la condition qu'il y ait des hommes au fond du puits pour creuser et remplir les sceaux de bitume visqueux ou solide, je ne suis pas un expert en bitume mais je pense qu'on ne peut pas vraiment envisager des puits remplis de naphte liquide (qui en fait est visqueuse) comme des puits d'eau liquide. A vérifier.


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Message Publié : 28 Mars 2010 16:37 
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Jules Michelet
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il y a des représentations de puits à balancier sur Wikipedia à propos de ce type d'ouvrages dans les Landes de Gascogne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Puits_%C3% ... e_Gascogne C'est en fait un shadouf.


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Message Publié : 28 Mars 2010 16:45 
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Jean Froissart
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Inscription : 24 Mars 2010 16:23
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Oui ça me paraît très convainquant ! merci beaucoup pour toutes ces photos, on se rend toujours plus compte de l'idée dès lors qu'on peut en visualiser le principe ! Merci beaucoup, donc posons pour l'instant qu'il s'agit d'un appareillage de type shadouf peut-être modifié mais je vais me renseigner sur l'excavation du bitume !

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Message Publié : 28 Mars 2010 19:19 
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Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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En tout cas on devait trouver ce genre de puits à balancier dans des oasis du Moyen-Orient ou d'Afrique du Nord à cette époque. Je ne sais pas vraiment quand la poulie se répand dans la région.


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Message Publié : 28 Mars 2010 20:13 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
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L'assimilation du kêlôn à une machine simple de type shadouf ne fait aucun doute, les descriptions font bien état d'un axe de bois.
Ce qui m'intrigue davantage, c'est qu'Hérodote prenne bien soin de préciser qu'il n'y a pas de seau (gaulos) au bout, mais une peau (askos). Pourquoi cette précaution ? Dans d'autres contextes (lac Asphaltique), le bitume ou du moins les vapeurs soufrées qui l'accompagnent sont réputés attaquer les métaux ; pourrait-elle être la raison de l'absence de seau en faveur du cuir ?

Si je me représente bien la scène, les Susiens puisent leur bitume avec ce kêlôn et le transvasent dans un "réservoir" à proximité où la mixture décante (je suppose en refroidissant), séparant ses trois composants. En surface flotte l'asphalte (je suppose qu'il flotte ? Il le fait en tout cas sur le lac Asphaltique et à chaque marée noire), au fond précipite le sel (Pline, HN, XXXI.39.7 : A Babylone, le premier produit de la condensation est un bitume liquide semblable à l'huile, et dont on se sert même pour les lampes. Cette substance enlevée, le sel se trouve dessous.), et donc entre les deux, cette "huile" noire.


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Message Publié : 28 Mars 2010 20:45 
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Jules Michelet
Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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La naphte pouvait être stockée dans des outres en cuir mais aussi dans des jarres en terre cuite d'après les textes mésopotamiens anciens. A mon avis les récipients à métal n'étaient pas utilisés pour des activités extractives à cette époque. Ils valaient trop cher et étaient jugés trop précieux pour cela, plutôt réservés pour la vaisselle de luxe et les offrandes aux dieux.

Par contre pour les procédés de décantation et de raffinage, je n'ai pas d'informations. J'ai connaissance d'un article qui pourrait être intéressant mais que je ne peux pas me procurer : J. Connan et O. Deschesne, "Le bitume dans l'Antiquité", dans La Recherche 229, 1991, http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=6145474


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Message Publié : 28 Mars 2010 22:59 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 24 Mars 2010 16:23
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Oui je pense aussi que ce doit être la raison d'une telle précision, et après tout, Hérodote reste tout de même très imprécis sur ce passage, ce qui pousserait à croire qu'il a dû entendre parler de cette méthode d'extraction et que cette indication d'"asklos" portant sur la nature du seau vaut davantage ici comme une sorte de note précisant un élément qu'il avait recueilli antérieurement sans lui donner davantage de précisions... Donc oui, Thersite, je pense que vos deux raisons sont parfaitement compatibles avec les faits : trop chers et en plus mauvais usage... :mrgreen:

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